Une origine romantique à la Franc-maçonnerie française !?

Publié le 1 Mai 2015

 

Georges-Henri Luquet (1876-1965) a une formation de philosophe. Il s'est passionné pour les dessins d'enfants.

 

Initié au Grand Orient de France avant ses 30 ans en 1905, il fera un large parcours au niveau du Collège des Rites. Ce sera un franc-maçon actif durant toute sa vie.

 

Ses premiers écrits concernant la Franc-maçonnerie sont antérieurs à la seconde guerre mondiale.

 

Pour ce qui concerne un travail d' « historien » de la Franc-maçonnerie publié en tant que tel, il semblerait que le premier travail publié, du moins c'est ce que nous suggère l'édition originale de son livre-phare publié en 1963 (soit deux ans avant sa mort, il a alors 87 ans) « La franc-maçonnerie et l'État en France au XVIIIème siècle » serait celui que nous vous proposons ici repris en annexe : « Relations entre les Grandes Loges de France et d'Angleterre au XVIIIè siècle ». Ce court écrit date de 1948-49, il a 72 ans.

 

Georges-Henri Luquet est un homme de caractère. Les polémiques ne lui font pas peur, en témoigne cet écrit intelligent et documenté publié notamment dans le « Bulletin du Centre de documentation du Grand Orient de France » n°16-17 en 1959, qui traite de cette question qui fait débat encore aujourd'hui sur les « Droits du Grand Orient de France et du Grand Collège des Rites sur le Rite Écossais ancien et accepté », écrit conjointement avec Joannes Corneloup. J'ai placé ce texte en annexe de mon article sur le REAA.

 

Georges-Henri Luquet est souvent considéré comme un pionnier dans l'étude de la Franc-maçonnerie. C'est lui qui, le premier, utilisera de façon large les renseignements donnés par les « Nouvelles à la main », qui sont de courtes informations sous forme de manuscrit (à la main) portant sur tout et rien, recopiés en de multiples exemplaires par des véritables officines et vendues. On trouvera même de ces sortes d'officine dans les prisons, ce qui permettait à certains prisonniers lettrés de gagner quelques sous. C'était une manière très immédiate de diffuser l'information et par beaucoup de côté cela ressemble à l'immédiateté des informations vraies, fausses, manipulatoires, etc. procurées par internet.

La police n'était d'ailleurs pas en reste et l'exemple le plus fameux concernant la franc-maçonnerie est la « nouvelle à la main » de Herault écrite et distribué en 1737, dont le but était de ridiculiser l'Ordre, qui sera imprimée l'année suivante et qui représente la première description d'une initiation maçonnique en France.

Ces Nouvelles à la main sont également appelés des « gazetins ».

 

 

Son livre « La Franc-maçonnerie et l'État en France au 18è siècle » est une étape importante dans notre connaissance du début de la Franc-maçonnerie en France. Il est salué comme tel à juste titre.

Il se présente en deux parties : une partie dénommé « exposé », assez courte et condensée avec des incises extraites de documents d'époque, et une seconde partie plus volumineuse qui sont des annexes composées essentiellement de reproductions de documents d'époque.

 

Ce livre sera éreinté par l'historien Pierre Chevallier dans une notice parue dans la "Revue d'histoire de l'Église de France", 1965, vol 51, n°148. Dans ce même numéro, il fait également la critique du livre d'Alec Mellor, « Nos frères séparés, les francs-maçons. La franc-maçonnerie à l'heure du choix », et surtout de celui de Paul Naudon, « Les origines religieuses et corporatives de la Franc-maçonnerie » (nouvelle édition entièrement refondue).

 

Il était intéressant de mettre en parallèle ces trois livres dans la critique de Pierre Chevallier. Le premier n’intéresse pas réellement Pierre Chevallier, c'est un livre aimable.

Par contre le livre de Paul Naudon est qualifié, par notre critique, comme « un des plus intéressants qu'il soit donné de lire sur la Franc-maçonnerie ». Il me semble surtout qu'il va dans le même sens que Chevallier, à savoir, je cite : « P Naudon rejoint les conclusions de notre dernier ouvrage : Les Ducs sous l'Accacia. C'est bien la franc-maçonnerie catholique stuartiste qui est la première franc-maçonnerie française. »

 

 

Et oui, cette question faisait et fait toujours débat. Ce que Pierre Chevallier reproche manifestement à Georges-Henri Luquet, c'est : « Enfin, et l'on nous excusera d'y revenir mais c'est un aspect capital de l'histoire de l'ordre à ses débuts, G-H Luquet ne met guère en relief le rôle éminent des jacobites britanniques dans les débuts de l'ordre en France et F Viaud paraît approuver cette manière de voir puisqu'il ignore les grands maîtres jacobites, le duc de Wharton, le chevalier Mac Lean et lord Derwentwater. »

 

 

 

La plaquette écrite par GE Luquet que je mets en annexe, dont le texte n'est pas repris dans son livre, éclaire utilement ce débat et la position de GE Luquet, qui sera d'ailleurs celle de Charles Porset dans son remarquable livre : « Oser penser ».

 

Cette plaquette comporte quelques petites imprécisions, coquilles, précipitations, et notre connaissance a évolué depuis, mais cela reste, sur le fond, un excellent document qui a fort peu vieilli.

 

Pour ces deux derniers historiens de la franc-maçonnerie, il n'existe pas de franc-maçonnerie spécifique jacobite stuartiste (excusez le pléonasme!) qui soit à l'origine de la franc-maçonnerie française.

J'ajouterai d'ailleurs qu'aucun document précis ne vient jusqu'à présent étayer ce que je crois être, pour ma part, une rêverie romantique.

 

C'est vrai que, lorsque j'ai commencé à m’intéresser à l'histoire des débuts de la franc-maçonnerie, j'ai cru à cette origine jacobite de la maçonnerie française. Mais une critique scientifique serrée m'a éloignée petit-à-petit de cette construction imaginaire, mais qui fascine toujours.

 

 

La manière la plus simple d'aborder cette question et qui colle parfaitement aux rares documents d'époque, est qu'il y avait une franc-maçonnerie anglaise qui fut également fréquentée par des jacobites (l'exemple de l'anglais duc de Wharton est évident). Des jacobites qui en avaient les moyens s'exilèrent notamment en France ou dans les Pays-Bas autrichiens.

 

Que la maçonnerie française, copiant une de ces modes anglaises qui faisaient fureur à cette époque (l'anglophilie était fort répandue au début du XVIIIème siècle en France), fut également fréquentée par des jacobites exilés (qui, le cas échéant, aient même suscité la création de loges) semble naturel. Cependant, ils restaient profondément britanniques, la plupart étaient anglais. D'ailleurs, entre les deux révoltes (1715 et 1745), ils voyageaient facilement de part et d'autre du channel. Ce furent des périodes d’apaisement.

 

On connaît par exemple bien les tribulations du jacobite Charles Radclyffe (5ème lord Derwenwater) en 1735 en Angleterre lorsqu'il visita tant et plus sa famille dans l'Essex, où il était d'ailleurs né (son frère aîné James Radclyffe, 3ème lord Derwenwater, décapité en 1716 pour sa participation à la révolte jacobite de Jacques III, était, lui, né à Bruxelles). C'est l'année suivante, en décembre 1736, qu'il fut élu pour un an Grand-Maître de la Société (ou l'Ordre) des francs-Maçons dans le Royaume de France. L'assemblée générale de 1737 ayant été ajournée, ce ne fut qu'en juin 1738 que le Duc d'Autin lui succéda.

 

Les choses re-devinrent dangereuses pour les jacobites après le débarquement de 1745 en Écosse de Bonnie Prince Charlie.

Le dernier (forcément!) voyage vers les Îles britanniques de notre anglais Charles Radclyffe, lui fut fatal ! Il fut capturé en mer et décapité en 1746.

 

 

Bonne lecture de ce texte tout-à-fait d'actualité :-)

 

 

 

Cet article est susceptible de correction au fur et à mesure des vérifications et lectures, merci de rafraîchir de temps à autre la page !

 

 

Couverture du livre de Georges-Henri Luquet

Couverture du livre de Georges-Henri Luquet

Rédigé par Christophe de Brouwer

Commenter cet article
A
Luquet était un merveilleux chercheur que j'admire beaucoup<br /> <br /> ab
Répondre