Le Citoyen français de l'an IX

Publié le 15 Janvier 2016

Le 7 floréal de l'an IX (lundi 27 avril 1801), durant le Consulat, paraît ce numéro du « Le Citoyen français », un des journaux tolérés par le pouvoir en place. Son « seul » intérêt est de montrer comment un journal généraliste informe ses lecteurs, durant cette brève période de calme pour la République.

 

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Le contexte.

 

L'expédition d'Égypte se termine.

C'est le 9 février 1801 que la paix de Luneville fut signée, qui confirmait le rattachement des provinces belgiques et liégeoise à la République qui avait été décidé le 9 vendemiaire de l'an IV (1 octobre 1795) et qui avait été validé une première fois par l'Autriche lors du traité de Campo Formio de 1797, ainsi que les territoires de la rive gauche du Rhin.

 

La deuxième coalition avait donc vécu, la paix avec l'Autriche et la Russie était à nouveau assurée, grâce aux victoires de Marengo (Bonaparte, armée d'Italie), et surtout celle de Hohenlinden (Moreau, armée du Rhin) qui emporta la paix. L'Angleterre était cette fois totalement isolée. Ceci provoqua un changement de gouvernement dans ce pays, et l'Angleterre se décidera finalement de faire également la paix avec la République, un an plus tard, le 25 mars 1802, sortant ainsi de son isolement qui la mettait économiquement à genou.

Ce fut la seule période de paix complète en Europe (la paix d'Amiens) durant ce quart de siècle de bouleversement. Elle durera une année !

 

Le Consulat avait fait suite au Directoire par le coup d'État du 18 brumaire (9 novembre 1799). Il se maintiendra jusqu'au 18 mai 1804, date de la proclamation de l'Empire.

 

Autre événement important fut l'attentat contre Napoléon Bonaparte le 24 décembre 1800. Celui-ci en profitera pour guillotiner les derniers opposants jacobins qui n'y étaient pour rien. A partir de cette date, le régime va se crisper progressivement, restreignant petit à petit les libertés constitutionnelles, pour terminer dans une véritable dictature, fin 1813, par la suspension du Corps législatif le 31 décembre 1813, ce qui va coaliser les acteurs de l'intérieur contre Napoléon et faire éclater l'Empire.

 

« A l'exception d'un très petit nombre, la plupart des hommes en crédit prévoyaient une prochaine catastrophe, et étaient secrètement occupés de s'y soustraire, et d'assurer leur existence politique ». Ainsi se terminent dans l'amertume les mémoires de Cambacérès, à cette date précise, soit parce qu'il estimait que la relation politique se terminait là, ce qui serait très significatif, soit parce que la suite fut radicalement expurgée lors de la mise sous séquestre de ses papiers à son décès. Ses mémoires ne relateront pas 1814 et la suite. (Cambacérès, « Mémoires inédits », présentation et notes par Laurence Chatel de Brancion, 1999).

 

La chute fut rapide. L'abdication sans condition de l'empereur date du 6 avril 1814. L'Empire, alors, se redivise : les provinces belgiques, bataves et liégeoise se séparent pour former un nouveau pays, les provinces allemandes se détachent également, etc. Un rêve se termine, mais les avancées sociales, juridiques, administratives, économiques, culturelles seront largement conservées.

D'une certaine manière, l'Empire de Napoléon disparut à ce moment précis, mais non la République de Cambacérès, qui se maintient jusqu'à nos jours, dans les différentes parties du défunt Empire.

 

 

Autre moment important : le Concordat fut signée le 26 messidor de l'an IX (14 juillet 1801), plaçant le catholicisme comme la religion principale, c'est à dire « la religion de la majorité des français » de la République. Nous en sommes encore tributaires.

 

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Le contenu

 

La lecture des 4 feuillets est tout à fait plaisante.

 

Un des rédacteurs de ce journal aurait été Joseph Lavallée (1747-1816) (Biographie Moderne, tome III, 1807, p 113). C'est un littérateur connu de son époque.

Il serait d'origine noble (marquis de Boisrobert). Mais, parce qu'il aurait eu « le goût italien » (selon l'expression du XVII- XVIIIè), sa famille aurait réussi à obtenir une lettre de cachet à son encontre. Il aurait été enfermé à la bastille et libéré par la Révolution. (Besuchet. Précis historique de l'ordre de la franc-maçonnerie, vol 2, 1829)

Vrai, faux ?

Toujours est-il qu'il était libre avant la prise de la bastille … C'est alors qu'il aurait adopté le nom de Lavallée, en même temps que la Révolution elle-même. Ce qui est sûr, ce que c'était un véritable homme des Lumières, parlant de nombreuses langues européennes. Anti-esclavagiste, on lui doit le livre « Le nègre comme il y a peu de blancs ». En véritable polygraphe, il écrira beaucoup, des livres, des pièces de théâtre, de la poésie, créera des journaux et collaborera à d'autres. (cf Carminella Biondi. Présentation du livre « Le nègre... » paru chez l'Harmattan, 2014).

 

On retrouve également de sa main de nombreux écrits maçonniques.

Il sera chef de la 5ème division à la grande Chancellerie de la Légion d'honneur. A la restauration, il s'expatriera à Londres où il mourut.  (cf Pierre Mollier. « Les débuts de la Légion d'Honneur et la Franc-maçonnerie ». In « La Franc-maçonnerie sous l'Empire : un âge d'or ? » Dervy 2007)

 

Maçon d'ancien régime, il fut le 1er Vénérable Maître de la Loge des « Commandeurs du Mont-Thabor », dont Lacépède sera le Vénérable d'honneur.

 

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Variétés

 

Est-il l'auteur de la rubrique « Variétés », reprise dans ce numéro ?

 

Ce numéro nous parle d'abord des exploits de Surcouf, le fameux corsaire de la République !

Puis de la perfide Albion, et de la paix avec la Russie.

Y passent quelques nouvelles concernant la Suède, le Danemark et Copenhague, l'Allemagne.

On y discourt plus longtemps de la République française, où la flotte batave va se rassembler à Anvers. Mais aussi des mauvais traitements endurés par les prisonniers français (ce qui apparaît une réalité), échangés à Calais contre des prisonniers anglais, qui eux, furent, selon l'article, fort bien traités en comparaison.

Nous y trouvons aussi un petit entrefilet sur la loge maçonnique « La Constance » d'Arras qui salua la paix revenue par une « fête brillante et un banquet fraternel » le decadi 30 germinal (31 mars).

 

 

Puis nous avons la rubrique « Variétés ».

 

L'analyse qui s'y trouve développée avec méthode, est véritablement passionnante : nous sommes face à une expression précoce de laïcité. En effet on y affirme la nécessité d'un État neutre, sinon athée même s'il s'en défend, face aux religions, en ce sens que l'État se doit de prendre de la distance, de la hauteur face à celles-ci puisqu'il les tolère toutes également.

Ce beau principe sera remis en cause quelques mois plus tard avec le Concordat, mais peut-être que la paix religieuse, pour cette époque, était à ce prix ... et une centaine d'années s'écouleront ...

En l'attribuant au Président des États-Unis de l'époque, la rubrique se termine par cette superbe envolée (à propos des religions) :

 

« Laissons les vivre en paix, comme un monument du peu de danger qu'il y a à tolérer des erreurs d'opinions partout où la raison a la liberté de les combattre. »

 

Composée en 1801 !

Le Citoyen français de l'an IX

Rédigé par Christophe de Brouwer

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J
Lavallée est effectivement un personnage fort intéressant, dont on trouvera d'autres activités maçonniques à la page<br /> http://mvmm.org/c/docs/cambry3.html
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