Proclamation du 17 fructidor de l'an 7 de la République

Publié le 10 Août 2016

Le « Bulletin des Lois de la République 304 », que je vous propose en annexe, est un document qui date du 17 fructidor de l’an VII (3 septembre 1799). Nous sommes en fin d’année selon le calendrier de la République.

Deux mois plus tard, soit le 18 brumaire de l'an 8 (le 9 novembre 1799), commence le coup d’État qui met au pouvoir Napoléon Bonaparte au sein du Consulat.

 

En quoi ce document est-il particulier?

 

 

 

L’an 7 de la République correspond aux années 1798-99. Il termine le Directoire (octobre 1795 – novembre 1799).

C’est donc l’année républicaine qui précède celle du coup d’État du début de l’an 8, le 18 brumaire.

 

L'an 7 de la République commence le 1 vendémiaire (23 septembre 1798) pour se terminer quelques jours (les jours complémentaires) après fructidor.

 

Les jours complémentaires ou les « sans-culottides » sont ajoutés après les 30 jours de fructidor (tous les mois ont 30 jours, découpé en 3 décades), en nombre de 5, ou 6 en cas d’année bissextile.

L'an 7 correspond à une année bissextile, et ce 6e jour des sans-culottides, appelé "de la révolution", correspond au 22 septembre 1799.

 

Le 21 septembre 1792 est la date de la suppression de la monarchie votée à l'unanimité par la Convention : il fut décidé que le lendemain serait le 1er jour du calendrier républicain de l'an 1.

 

Cet article a donc été publié le 23 thermidor de l'an 224 de la République.

(Avez-vous remarqué que l'année académique colle bien au calendrier républicain !)

 

 

 

 

La fin du Directoire est une période troublée de la République française.

 

Sur le plan extérieur, Napoléon Bonaparte s’en revient d’Égypte, essuyant une nouvelle défaite, après le désastre naval de la baie d’Aboukir gagné par Horatio Nelson (déjà lui, en août 1798). Il s'agit du siège de Saint-Jean d’Acre, face à une coalition ottomane-anglaise, qu'il devra lever le 2 prairial de l'an 7 (21 mai 1799), après avoir essuyé de lourdes pertes.

 

(N’oublions pas que la Grande Bretagne est, à cette époque, un « petit » pays de 8 millions d’habitants par rapport à la France qui en compte 28 millions : l’effort que ce pays consent est dès lors considérable.)

 

 

La deuxième coalition se mettait en place, le pacte fut scellé en mars 1799 réunissant, autour de la Grande-Bretagne, l’Autriche, la Russie, l’empire Ottoman, la Suède, les Deux-Siciles. Elle est manifestement liée aux désastres d’Égypte, signant un affaiblissement de la République. Elle prendra fin avec la paix de Luneville de 1801.

 

Les débuts furent difficiles pour la France. Déjà le 28 thermidor de l'an 7 (15 août 1799), le général Joubert perdait la bataille de Novi en Ligurie (Italie septentrionale) et la vie. Ensuite les anglais débarquèrent le 10 fructidor (27 août) au Helder (Hollande septentrionale), réunissant leur force aux Russes (campagne de Hollande qui débute mal pour les français).

Sur le plan intérieur, c’est probablement en partie liée, la révolte royaliste de l’ouest et sud-ouest (Régions de Toulouse-Bordeaux), suscité par un mécontentement populaire, entretenu par les anglais, se termine dans un bain de sang à Montréjeau, les 2-3 fructidor de l'an 7 (19-20 août 1799).

 

Cette révolte avait été précédée, pour les provinces belgiques de la République, par la « guerre des paysans » débutant en octobre 1798, surtout présente dans la partie flamande, mais pas uniquement (on trouve quelques parties wallonnes également concernées).

Au même moment, dans le luxembourgeois, éclatait la « Klöppelkrieg  », mouvement de révolte similaire.

Après quelques succès initiaux, la révolte fut matée fin décembre, début janvier 1799. La répression ne fit aucun quartier ! On parle de 6 500 à 10 000 victimes.

Cet épisode, que l’on nomme parfois la « vendée belge » est resté dans la mémoire collective flamande. Il sera une inspiration au XIXe siècle pour « Henri Conscience », un des principaux littérateurs (son livre le plus connu : « De Leeuw van Vlaanderen ») du mouvement flamand.

 

 

La République semble à ce moment fléchir. Le Directoire est critiqué pour son action chaotique. C’est inhérent au fonctionnement de ce gouvernement composé de 5 membres, qui réalise un remplacement chaque année. (C’était mieux que le Comité de Salut public post-Robespierre, où les remplacements étaient réalisés par quart des membres tous les mois, sur base d'un amendement adopté de Tallien, après l'exécution de celui qu'on surnomait l' "Incorruptible".)

 

Bonaparte débarque à Saint-Raphaël (de son expédition égyptienne) le 17 vendémiaire de l'an 8 (9 octobre 1799). Il est à Paris le 24 vendémiaire (16 octobre). Le 28 vendémiaire (20 octobre) les discussions commencent. Bonaparte, avec Seyes, prépare rapidement la fin du Directoire, une modification de la Constitution de l’an 3 est sur la table. Un dernier dîner, le 17 brumaire (8 novembre), pour resserrer la fidélité des derniers, se déroule chez Cambacérès : « le repas ne fut point gai », relatera plus tard celui-ci.

 

 

Jeton de l'année 1796

 

 

La Proclamation du Directoire exécutif.

 

On comprend dès lors bien la raison de cette Proclamation du Directoire exécutif 304, n°3238, du 17 fructidor de l’an 7 (3 septembre 1799) dont le but est d’essayer de resserrer les rangs. Un sursaut devenait nécessaire.

 

 

 

Nous sommes le 3 septembre. Une réelle incertitude, sinon une certaine anxiété, quand au devenir de la République, était présent. Elle sera levée par l’arrivée tant attendue de Bonaparte, homme de décision.

La Proclamation est contresignée par Cambacérès, le nouveau ministre de la justice (aux ordres du Directoire). Après une longue traversée du désert, depuis la fin du Comité de Salut public dont il fut un membre important, Cambacérès est enfin rappelé par Sieyes le 2 thermidor de l'an 7 (20 juillet 1799) pour prendre le ministère de la justice (Sieyes venait d'être désigné directeur le 27 floréal de l'an 7  -16 mai 1799-). Les modifications de régime sont en route.

 

Les 5 Directeurs de ce moment sont Emmanuel-Joseph Sieyes et Pierre Roger-Ducos (qui soutiennent le coup d’état du 18 brumaire). Paul Barras qui suit le mouvement. Par contre Jean-François Moulin et Louis-Jérome Gohier s’y opposent.

 

La suite nous est connue.

 

 

Jeton de l'année 1796, frappe allemande (Nuremberg)

 

 

Autre curiosité de cette Proclamation (plus généralement des Bulletins des Lois):

 

* D’une part son frontispice (voir plus haut) : à gauche nous y avons le double symbole de la justice et de l’égalité (une justice égale pour tous est révolutionnaire par rapport à l’ancien régime où chacun avait ses propres textes et privilèges), et à droite les tables de la constitution de l’an 3, le bonnet phrygien et les faisceaux.

 

* Le sceau est caractéristique du Directoire (ci-dessous): octogonal, au centre les tables de la Constitution de l’an 3, l’ensemble entouré d’un Ouroboros (comme pour le sceau du GOdF). Ici les tables sont rayonnantes.

Au niveau du sceau du Conseil des 500 ou celui des Anciens (le système était devenu bi-cameral), c’est le même dispositif avec en arrière plan, non pas des rayons, mais un niveau.

 

 

Maçonnerie.

 

La Maçonnerie de cette période se redresse petit à petit, puisqu’elle compte une 70aines de Loges au sortir du Directoire (Combes). C'est beaucoup mieux que la période du Comité de Salut public. Mais nous sommes encore loin de la floraison du Consulat et l’épanouissement de l’Empire.

 

Sur le plan maçonnique, le 2 prairial de l'an 7 (21 mai 1899), un traité d’union de la Grande Loge au Grand Orient de France est présenté aux deux puissances maçonniques, avec l’abolition des privilèges des Maîtres en chaire désignés à vie (Thory) et l'élection des officiers de la loge. Il sera voté le 5 prairial (23 mai) par le Grand Orient et le 21 prairial (9 juin) par la Grande Loge (Combes). C’est une étape importante, car elle ouvre la voie d’un maçonnerie au service du pouvoir en place, que celui-ci voulait unie. Les anglais mettront encore 15 ans pour arriver à un résultat similaire.

 

 

Pour les provinces belgiques, nous avons la création de la Loge civile des "Amis Philanthropes" à Bruxelles, le 29 pluviôse de l'an 6 (17 février 1798), à partir d’une loge régimentaire. Cette Loge aura une influence majeure sur la franc-maçonnerie belge, jusqu’à ce jour. Elle va accueillir, après la restauration de Louis XVIII, les proscrits français les plus fameux.

 

 

 

 

Référence.

 

  • Collectif. Sous la direction d’Hervé Hasquin. La Belgique française 1792-1815. Crédit Communal, 1993.

 

  • Philippe Raxhon. La «Vendée belge» dans la mémoire collective aux XIXe et XXe siècles. Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest n°102 , 1995, pp 59-86. (disponible sur internet)

     

  • CA Thory. Acta Latomorum. Tome 1, 1815 (reprints de Slatkine, 1980).

     

  • André Combes. Les trois siècles de la Franc-Maçonnerie française. Éditions Edimaf, 1987.

     

  • Collectif. Histoire d’une Loge. Des origines à 1876. Association des « Amis Philanthropes ». Compilation de 1972, comprenant notamment le Précis Historique de Lartigues de 1891.

     

  • Laurence Chatel de Brancion. Cambacérès. Éditions Perrin, 2001.

 

 

Cette très belle pièce de 1799 fut composée par Antoine de Lhoyer (1768-1852), compositeur et guitariste français. Une musique qui fait le lien entre l'ancien régime et la période romantique, elle est bien loin du style impulsé par Beethoven, tout en étant pleinement dans son époque. Cet artiste fait l'objet d'un regain d'intérêt depuis les années 90, et c'est tout-à-fait mérité :-)

 

Sceau du Bulletin des Lois de la République, an 7.

Sceau du Bulletin des Lois de la République, an 7.

Rédigé par Christophe de Brouwer

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