Madier-Montjau aîné

Publié le 22 Septembre 2015

Madier-Montjau aîné était l'avocat rouge des révolutionnaires français de 1848 (on le désignait également comme l' "avocat du peuple").

 

Noël François Alfred Madier de Montjau (1814-1892), né à Nîmes dans le Gard, est fils et petit-fils de juriste. Il est le fils aîné de Joseph-Paulin Madier de Montjau.

 

Ce fut un redoutable avocat dont les plaidoiries en défense d'hommes politiques furent remarquées. Politiquement il se situait fort à gauche, et lorsqu'il fut élu député en 1850, il siégea avec la montagne, tout comme Jean-Claude Colfavru qui eut un parcours assez similaire et qu'il devait connaître. Ce dernier fut président du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France de 1885 à 1887.

 

Il sera l'avocat de Pierre-Joseph Proudhon en 1849. Sa plaidoirie ne passa pas inaperçue. Ils devinrent amis.

 

Il sera expulsé (proscrit) de France suite à sa résistance active au coup d'État du 2 décembre 1851. Il s'était multiplié sur les barricades du faubourg Saint-Antoine, il y sera blessé le 4 décembre. Il fut, en effet, très actif durant les journées du coup d'État, publiant proclamations, bravant le danger, tour à tour considéré comme tué, puis toujours vivant (cf Décembre-Alonnier).

 

Sur les barricades du faubourg Saint-Antoine, il y avait également Victor Schoelcher, ou même Victor Hugo, alors qu'il fut un adversaire de la révolution de 1848, et bien d'autres. Le député et médecin Alphonse Baudin (1811-1851) y perdra la vie, c'était un franc-maçon, oublié aujourd'hui, mais encore célébré dans une émission radiophonique du GOdF le 4 janvier 1953!

 

Madier-Montjau retrouvera (?) Victor Schoelcher, connu pour son action déterminante dans l'abolition de l'esclavage, à la Loge "La Clémente Amitié" en 1875, pour l'initiation de Littré et Ferry (cf Anne Girollet).

 

Avec sept autres représentants élus, comme Victor Schoelcher, Victor Hugo, Jean Macé, Martin Nadaud, il fera partie de la Commission nationale de réparation des victimes du coup d'État de 1851, nommé sous le gouvernement de Jules Ferry, en 1881.

 

 

Il arriva en Belgique en 1852. Proudhon le retrouvera là-bas en 1858 où il s'exila également.

 

Revenu en France, il refusera toute compromission avec le régime de Napoléon III. Il sera député de la Drome de 1874 jusqu'à sa mort. Ami de Louis Blanc, il combattra les positions conciliantes de Gambetta avant de se rapprocher de lui.

 

L'antisémitisme prenait de l'ampleur depuis les années 1880. Madier-Montjau, d'origine juive lui-même, fut associé, à la fin de sa vie, aux attaques les plus calomnieuses. Du sobriquet de « Madier-piquette », il devenait le « juiferrant Madier liche-sos » (lèche-sous). Il n'empêche, il sera réélu à chaque fois avec brio. L'affaire Dreyfus se préparait.

 

 

Sa carte de visite est impressionnante : « fils d'un conseiller à la Cour de cassation et lui-même avocat et conseiller général, il était depuis sa jeunesse un fervent défenseur de la démocratie. Républicain sous la monarchie de Juillet, révolutionnaire en 1848, proscrit sous l'Empire, questeur sous la IIIe République, antiboulangiste dès la première heure, cet orateur généreux mais au verbe courtois - qui se proclamait dans sa profession de foi le chaleureux propagateur de l'enseignement du peuple et le défenseur résolu de la prépondérance, de l'affranchissement et de l'indépendance du pouvoir civil - s'inscrivit, dès son retour à la Chambre, à plusieurs commissions et prit part à de nombreux débats.
Mais une maladie impitoyable devait l'enlever en quelques jours. Il mourait à Chatou le 26 mai 1892, âgé de 77 ans
. » (Biographie ; Assemblée Nationale. Base de données de députés français depuis 1789.)

 

Plusieurs de ses discours furent publiés, sont remarquables et toujours accessibles. Ils restent d'actualité.

 

Je mets en annexe le scan de l'article (panégyrique) que lui a consacré le feuillet "Les Hommes d'Aujourd'hui" de 1882, avec la caricature reprise en image.

 

Madier-Montjau aîné

 

Lors de son exil en Belgique, Madier-Montjau aîné amena Pierre-Joseph Proudhon (initié en 1847 à la Loge bisontine) à la vieille Loge namuroise, La Bonne Amitié, où ce dernier aurait tenu un discours, le 1er juillet 1861. Il est certain que Proudhon y fut, sa signature se trouve dans le livre d'or de la Loge. A-t-il prononcé ou non le discours qu'il avait préparé, nous ne le savons, mais les brouillons existent toujours, ils sont reproduit dans le livre portant sur l'Université libre de Bruxelles et ses relations avec PJ Proudhon.

 

La réception de nouveaux membres dont le célèbre peintre et caricaturiste Félicien Rops, fut l'occasion de leur venue commune.

 

Pourquoi Madier-Montjau avait-il choisi la Loge de Namur pour y amener Proudhon ?

 

Madier-Montjau avait été refusé à l'initiation au temps de la deuxième République (Il avait été "boulé" à la Loge "Saint-Antoine du Parfait Contentement", GOdF, Paris). Et lors de la troisième République, il était étiqueté comme franc-maçon et membre en 1874 de la "Clémente Amitié" (GOdF, Paris), Loge célèbre qui initiera l'année suivante (1875) Émile Littré et Jules Ferry.

 

C'est en fait, durant son exil belge qu'il fut initié à Namur le 7 janvier 1860, ceci expliquant sans doute cela. Notons qu'en 1866, il était affilié à la loge "La Liberté" de Gand (fichier Bossu).

À la cérémonie d'hommages aux Frères décédés entre 5888 et 5907, réalisée lors de l’inauguration du nouveau temple de la Loge namuroise fin 1908, on y lut cette notice :

 

« Le F:. Madier-Montjau, avocat publiciste, conférencier et représentant, l'un des plus éminents républicains de 1848 qui, proscrit de France, vint se réfugier en Belgique.

C'est dans le Temp:. de la Loge La Bonne Amitié qu'il fut init:. aux mystères maçonn:. le 7è j:. 11è m:. 5859.

Il y reçut les deuxième et troisième gr:. en 5860, la dispense d'âge lui ayant été accordée par le Souv:. chap:.* et, la même année, il fut nommé orat:. adj:. .

Le développement de ses généreuses idées démocratiques laissa de profondes racines dans notre Loge et dans d'autres or:. . »

 

 

*Les termes "Souverain Chapitre" visent l'Ordre Intérieur du Rite écossais Primitif (dit de Namur) toujours actif à ce moment : en d'autres termes, Madier-Montjau fut initié au Rite primitif !

 

Madier-Montjau aîné en 1849 par Charles Marville

 

 

Références

 

 

  • Décembre-Alonnier. Le coup d'État du 2 décembre 1851. Décembre-Alonnier éditeur, Paris, 1868.
     
  • Anne Girollet. "Victor Schoelcher et la Franc-maçonnerie". Sous la direction de Christine Gaudin et Eric Saulnier: "Franc-Maçonnerie et Histoire. Bilan et perspectives". Université de Rouen, 2003.
     
  • Jean-Claude Bouvier. Place et fonction du dialecte dans les journaux d'opinion au XIXe siècle : Jacquemart et L'Impartial de Romans. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 2001, tome 159, livraison 1. pp. 171-187. doi : 10.3406/bec.2001.463059 http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_2001_num_159_1_463059
     
  • Biographie extraite du Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 par Adolphe Robert et Gaston Cougny. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k837081/f218.image.r=Madier%20Montjau
     
  • André Combes. Histoire de la Franc-maçonnerie au XIXème siècle. Tome 1, Éditions du Rocher, 1998.

     

  • Compte rendu de la Fête d'inauguration du Nouveau Temple le 20ème j:. 10è m:. 5908. 1910.
     
  • Christophe de Brouwer et Raphael Lagasse. Pierre-Joseph Proudhon et l'Université libre de Bruxelles. Éditions de l'UAE. 2013.
     
  • Christophe de Brouwer. Les 250 ans du Rite Écossais Primitif, dit de Namur. Renaissance Traditionnelle, 1ère partie : n° 172, 2013 ; 2d partie : 173-174, 2014.

     

 

L'opéra Faust de Gounod fut créé l'année avant celle de l'initiation de Madier-Montjau aîné

Madier-Montjau. Caricature parue dans "Les Hommes d'Aujourd'hui". 4ème volume, n°199, 1882.

Madier-Montjau. Caricature parue dans "Les Hommes d'Aujourd'hui". 4ème volume, n°199, 1882.

Article panégyrique de Madier-Montjau paru dans "Les Hommes d'Aujourd'hui", 1882.

Rédigé par Christophe de Brouwer

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