La période hollandaise (1815-1830), la charte de Cologne, la Bonne Amitié et le prince de Gavre

Publié le 25 Mars 2024

Chapitres :

 

Introduction

Aperçu historique

La mise en place de la Grande Loge méridionale sur fond de guéguerre des rites

La construction d’un maçonnerie « nationale »

La guerre des Hauts-Grades, 1817-1822, et la charte de Cologne

Le 9 août 1817

Le 7 septembre 1817

Le 13 janvier 1818

Mars-juin-décembre 1818

L'année 1819

1820-1821

Le 21 mai 1821 et 1822

L’instrumentalisation « Kantienne » de la Charte

La Loge de Namur

Introduction

Le 1er juillet 1818

1819 et le Sketch

La fête septénale, 1821

La fête du jubilé, 1825

Notice sur Charles-Alexandre, 3e prince de Gavre

Références

 

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Introduction

 

Le Royaume uni des Pays-Bas qu’on appelait également le royaume uni des Belgiques, ne dura qu’une quinzaine d’année, il fut souvent caricaturé en royaume désuni des Pays-Bas.

Cette période fut en réalité très féconde pour notre pays, quoique ennuyeuse, on a l’impression d’assister à une valse mal exécutée d’enfants gâtés en temps de paix. En effet, le congrès de Vienne nous avait apporté la paix, elle durera dans nos contrées, si l’on excepte les événements de 1830-31, quasi un siècle, cela n’était jamais arrivé.

 

Un événement curieux, amusant, avec notre regard d’aujourd’hui, est en réalité fondamental pour comprendre l’évolution maçonnique du nord et du sud durant cette courte période. C’est la mal famée, en dernière analyse, un faux délibéré, charte de Cologne. En commençant ce travail, je pensais pouvoir m’en tirer à petit compte, mais à la lecture des écrits, mémoires, biographies des Falk, van Lennep, Kinker, van Vreedenburch, prince Frederick et d’autres acteurs/auteurs néerlandais, petit à petit l’énormité de la chose apparaissait. Donc un large détour y est consacré. J’ai pensé en faire un article à part, mais non, c’est tellement intimement lié à la maçonnerie de nos contrées, factuellement de 1815 à 1830 pour le sud, de 1815 jusqu’à aujourd’hui pour le nord, mais plus généralement cela a contribué à façonner des identités maçonniques différentes entre le nord et le sud, que je l’ai laissé dans l’ensemble, séparée en deux parties.

 

Durant la période française, nous le verrons dans une prochaine publication, Namur avait perdu sa fonction militaire, les frontières avec la France ancienne avaient disparu, nous étions au milieu d’un grand empire. Mais avec la fin de Napoléon, les frontières avec la France réapparurent. La Meuse reprit toute son importance stratégique et redevient un fleuve militaire.

Durant cette période, la citadelle de Namur, qui avait été laissé véritablement à l’abandon, fut réhabilité et remilitarisé, de nouveaux forts étaient construits, la ville de Namur fut à nouveau bastillonnée, les militaires étaient revenus. La Loge en accueillit à nouveau.

 

Fort d'Orange. Annexe à la citadelle de Namur.
Fort d'Orange. Annexe à la citadelle de Namur.

Le fort d'Orange, une annexe de la citadelle de Namur. Faute de soin, il est en train de se dégrader. La citadelle de Namur devait avoir cet aspect à la fin de la période française. 

Aperçu historique

 

Cette période de 15 ans nous est cependant mal connue. Il est vrai que des auteurs comme Henri Pirenne [1] font largement l’impasse sur cette période, lui consacrant quelques maigres lignes. C’est une véritable manipulation de l’histoire, une de plus. Nous devons nous tourner vers des auteurs néerlandophones, comme Els Witte, Anton Van de Sande, Hanou et bien d’autres pour apprendre et comprendre. Bien sûr, avec ces quelques lignes, je n’ai aucune prétention à quoi que ce soit, simplement quelques touches qui peuvent être utiles à notre histoire et encore.

 

Suite au congrès de Vienne (1814), la France retrouvait grosso modo ses frontières d’ancien régime, et on décida de créer sur le nord de celle-ci, un pays suffisamment grand, riche et populeux pour la contenir. Il fallait fusionner les deux parties, les amalgamer décidèrent-ils. En aucun cas, les populations du nord et du sud ne furent consultées. Ce sera donc le royaume uni des Pays-Bas, avec à sa tête Guillaume Ier d’Orange-Nassau. Le pays de Liège lui est rattaché. Par contre, le (grand-)duché de Luxembourg (les deux Luxembourg d’aujourd’hui), considéré comme prussien (!) en ce compris le minuscule duché de Bouillon, en sera détaché tout en restant une possession propre sous la couronne de Guillaume 1er, mais avec des règles de succession différentes, ce qui explique la situation dynastique actuelle. C’est la révolution belge de 1830 qui cassera en deux le duché, avec la réinclusion dans la Belgique de ce qui devient la province belge de Luxembourg en ce compris Bouillon, considérée comme francophone, et le Grand-Duché de Luxembourg qui reste indépendant, considéré comme germanophone (d’où les deux Luxembourg).

 

Guillaume 1er à l'époque de Waterloo (à laquelle il a participé au côté de Wellington), vers 1814. Rijksmuseum.

Guillaume 1er à l'époque de Waterloo (à laquelle il a participé au côté de Wellington), vers 1814. Remarquons son cordon de chevalier de la Toison d'Or. Rijksmuseum.

 

Et oui, le problème des langues surgit et ne quittera plus la Belgique depuis. En effet, dans ses efforts d’amalgamation des deux grandes parties de son royaume voulu par le congrès de Vienne, le roi Guillaume néerlandifiera autant que faire se peut l’administration des parties méridionales (sauf wallonne) et notamment Bruxelles, suscitant une forte résistance, en ce compris les parties flamandes du pays. D’une certaine manière, il crut pouvoir faire le chemin inverse de la période précédente qui voulait tout franciser. Des élites septentrionales seront présentes dans le sud, ce qui mécontenta plus d’un, de même la religion calviniste pesa plus fortement dans cette partie du pays dont la raison d’exister au sortir de la guerre civile de 80 ans (1568-1648), était précisément d’être catholique uniforme. Ceci provoqua la hiérarchie religieuse. Les évêques d’origine française en tête, surtout Maurice de Broglie, évêque de Gand, mais également Pisani de la Gaude de Namur -qui dans la période française eut des sympathies avec des membres de la loge namuroise- , Hirn de Tournai, mais aussi Forgeur (un liégeois) et Barett (un limbourgeois qui sera évêque de Namur en 1833), vicaires généraux de Malines et de Liège -les sièges épiscopaux sont laissés vacants-, se dressèrent vent debout contre le nouveau pouvoir, sa constitution et le serment qui s’y rattachait. Cette agitation se calma quant le dernier prince-évêque de Liège, François-Antoine, prince de Méan, en devenant archevêque de Malines en 1817, proposa une interprétation du serment, excluant le domaine religieux de celui-ci. Guillaume accepta finalement cette interprétation purement civile en 1821, année du décès de Maurice de Broglie, ceci expliquant sans doute cela.

 

Entrée de Guillaume 1er à Bruxelles, le 21 septembre 1815

Entrée de Guillaume 1er à Bruxelles pour les premiers États-Généraux, le 21 septembre 1815

 

Guillaume 1er n’en avait cependant pas fini. La question de l’enseignement déboula avec passion dans le débat, alors que durant la période française, on crut l’affaire réglée et que dans les fait, le nouveau régime ne changea rien dans les principes, mais essaya de réparer une situation qui s’était délabrée. C’était le ministre Anton Falck qui fut chargé du redressement de l’enseignement au sud, tâche oh combien délicate. Responsable de la franc-maçonnerie septentrionale, ayant épousé une wallonne, Zézette (Rose) de Roisin, une parente du prince de Gavre dont il devint un ami sincère. Quelques soient les vicissitudes que leurs pays traversèrent, il garda toujours un véritable attachement à la partie méridionale du pays ; il fut d’ailleurs, dans fin des années 1830, l’envoyé spécial de Guillaume 1er dans la nouvelle Belgique. Il créa 1500 écoles primaires, les athénées de Bruxelles et d’autres lieux lui doivent le jour, outre la création de deux universités (Gand et Liège), en plus de celle de Louvain; il existait déjà 3 universités au nord qui seront également réformées : Leiden, Utrecht, Groeningen. L’Académie des Sciences et des Lettres à Bruxelles, la Thérésienne (fondée par Marie-Thérèse en 1772), reprit vigueur en 1816 ; notons que Gavre en fut le président de 1821 à 1832 (année de son décès).

Paradoxe et ce n'est pas le seul de cette histoire, ces athénées (non confessionnel en Belgique) vont jouer un rôle essentiel dans la formation des nouvelles élites "libérales" du pays, celles qui pousseront à la séparation du sud. Plus tard, ils constitueront le socle, surtout ceux de Bruxelles, de la réussite de l'Université libre de Bruxelles. C'est encore le cas, mutatis mutandis, aujourd'hui.

L’analphabétisme connut un recul par rapport à l’époque napoléonienne, mais par rapport à la fin de l’ancien régime, les choses sont plus contrastées selon le corps social et apparemment malheureusement, à l’inverse, plutôt en augmentation pour les classes sociales les plus pauvres.[2]

 

Entrée de Guillaume 1er à Bruxelles, le 21 septembre 1815

Guillaume 1er aux premiers État-Généraux du nouveau pays à Bruxelles. 21 septembre 1815. Rijksmuseum

 

La résistance des milieux catholiques pauvres (les petits curés de campagne) y est probablement pour quelque chose avec la crainte d’une influence libérale et/ou calviniste sournoise à travers cet enseignement neutre dirigé par l’État.

Puis Falck fut remercié et envoyé en Angleterre en 1824 comme Ambassadeur. Jean-Sylvain Van de Weyer (1802-1874), un catholique membre du Congrès de 1830, puis du gouvernement de Gerlache, souligna que ce sont les désaccords au sein du gouvernement qui furent à l'origine du départ de Falck.[3] Ceux qui travaillaient à créer des liens appaisés nord-sud furent affaiblis par ce retrait, ce qui montre le raidissement du régime. C’est d’ailleurs grosso modo à partir de cette époque que datent les fameux griefs du sud contre le nord : l’emploi administrative des langues, le partage de la dette, les tarifs douaniers trop faibles qui défavorisaient l’industrie du sud mais favorisaient le commerce du nord, les taxes sur le grain et la viande. D’autres griefs s’y rajouteront, comme la liberté de la presse. Cela commença avec l’enseignement. Il était organisé par l’État, neutre et gratuit. Les mouvements catholiques essayèrent de proposer à côté un enseignement de leur cru, sans beaucoup de succès. Par contre, lorsqu’en 1825, le souverain se mit en tête, lui, un calviniste, de vouloir réformer le catholicisme en décléricalisant l’enseignement moyen par deux décrets explosifs : le premier supprimait notamment les « petits séminaires épiscopaux » et le second créant un « Collège philosophique » à Louvain pour la préparation à l’entrée du Grand séminaire des futurs prêtres. Il laissait d’autre part des sièges épiscopaux vacant. Guillaume 1er, avec son nouveau ministre de l’enseignement Pierre-Louis Van Gobbelschroy, un louvaniste catholique orangiste, avait franchit manifestement une ligne rouge.

Étienne de Gerlache. Représentant la tendance catholique à la 2e Chambre. Image wikicommon.

 

La vieille fracture entre Catholiques et Libéraux resurgit et se situa à de nouveaux niveaux. Le Saint-Siège s’en mêla, tant et si bien qu’un concordat fut nécessaire. Il fut signé en 1827, qui ménagea sur la forme le pouvoir en place, mais réalisait une véritable capitulation en rase campagne, les évêques reprenant toutes leurs prérogatives, bien plus, un évêque serait nommé pour le Nord (horreur !!!). Se rapprochant, grâce à ce concordat, des catholiques, il fut vivement attaqué par les libéraux -où on voit le prince de Gavre prononcer un longue diatribe contre le concordat à la 1ère Chambre-[4], mais aussi et plus encore par les calvinistes. Bref, il fallut louvoyer, ce que fit Van Gobbelschroy en usant de rumeurs, par la voix de Louis de Potter, un publiciste radical, à savoir le concordat ne serait pas appliqué (d’évêques pour le Nord, il faudra attendre 1848, avec la nouvelle constitution plus libérale). En réaction, la bourgeoisie catholique se sentit trahie et fit de la résistance. Etienne de Gerlache (1785-1871) était à l’époque membre de la deuxième Chambre (sorte de chambre basse 'élue') du Royaume uni des Pays-Bas. Il représentait la tendance catholique. Lors de la révolution belge, il présidera le Congrès après Surlet de Choquier, ensuite sera chef du gouvernement unioniste, puis président du parlement. Il raconte ce sentiment de trahison dont sa tendance fut victime suite aux manœuvres de van Gobbelschroy. « À la nouvelle du concordat, les catholiques entonnèrent des hymnes à la gloire du roi Guillaume, ... », puis les manoeuvres ayant fait effet : « C’est-à-dire, en bon français, qu’on n’était plus d’accord sur rien, et qu’on n’exécuterait pas le concordat. » En conclusion, « aucune paix n’était possible avec des gens qui violaient aussi impudemment toutes leurs promesses ».[5]

 

Louis de Potter. Rijksmuseum

Louis de Potter. Un acteur important de la Révolution belge. C'est le premier à avoir proposé haut et fort la séparation administrative des deux pays, ce qui lui valut la prison. Rijksmuseum.

 

On assista à la rupture progressive des grandes tendances politiques du sud (le terme « parti » pourrait être employé) avec Guillaume 1er, rapidement avec les catholiques, plus tardivement avec les libéraux qui avait le vent en poupe, dans les Pays-Bas comme dans l’ensemble de l’Europe. Des noms nouveaux apparaissent qu’on retrouvera pour la plupart dans la Belgique indépendante : Lehon, de Brouckère, Jottrand, Claes, Van de Weyer, Lesbroussart, Ducpétiaux, Van Meenen, Nothomb, Devaux, Lebeau, les frères Rogier, Potter, etc. Point de vue hollandais : (traduction) « Le jeune groupe, intellectuellement orienté vers la France, qui avaient reçu une éducation dans l'esprit jacobin, se transformèrent peu à peu en un foyer de résistance contre la néerlandisation de la vie administrative et sociale poursuivie par le gouvernement. Des hommes comme S van de Weyer, L Jottrand, JF Tielemans, JB Nothomb, les frères F et Ch Rogier, P Devaux, E Ducpétiaux, JL Lebeau, De Brouckère jr et Gendebien jr qui se sont fait connaître lors de l'insurrection belge, se sont formés dans cet environnement. En tant que francophones, leurs possibilités de carrière étaient limitées et ils se sentaient gênés dans le développement de leurs idées par l'érosion de la liberté de la presse. »[6] C’est une vision étriquée, me semble-t-il, mais intéressante.

 

L’esprit jacobin de leur éducation me rappelle Paul Devaux, qui va écrire la constitution belge avec Jean-Baptiste Nothomb. Il était le fils de Jacques-Joseph Devaux, d’origine française, représentant le département de la Lys (Flandre occidentale, Bruges) aux 500 à Paris (Directoire) et sa mère est Isabelle de Brouwer (ma famille). Son beau-père, Denis de Brouwer, qui, avec son frère aîné Guillaume (mon ancêtre direct), avait développé l’entreprise de négoce international par voie maritime, lancée par ses parents, avait fait partie de la société jacobine de Bruges en fin d’ancien régime, il avait même créé la « chambre de commerce fantôme » de cette ville pour s’affranchir des lourdeurs d’ancien régime.[7] Bien qu'il perdît ses parents jeune, Paul Devaux avait de qui tenir ! Il fit ses études de droit en France, à la Sorbonne. À la révolution belge (il a 29 ans), membre du Congrès national pour Bruges, il sera ministre du gouvernement Lebeau (qu'il connaissait bien, ils avaient été avocats ensemble au barreau de Liège et créé un journal libéral), ira à Londres pour les discussions débouchant sur le Traité des 18 articles. Il sera député de Bruges à la Chambre des représentants jusqu'en 1863 et membre du conseil communal de cette ville jusqu'en 1875. Il est probablement un bon exemple de cette classe sociale dans les régions flamandes : il parle la langue locale pour les besoins usuels mais sa langue d’éducation est le français. Il va en France faire ses étude plutôt que dans les nouvelles Universités du pays, contrairement à Joseph Lebeau qui fit ses études à la nouvelle université de Liège. N’ayant peut-être pas une connaissance suffisante du néerlandais pour plaider à Bruges, Gand ou Bruxelles et/ou par des amis qui lui demandent de renforcer le barreau de Liège, toujours est-il qu'il se déplace à Liège, terre wallonne non touchée par les mesures administratives linguistiques de Guillaume 1er, pour faire son métier. Brillant, pour élargir ses horizons dans le bouillonnement de l'époque, il se lance dans la politique, et la presse en est un moyen puissant dans laquelle il s'investit avec ses amis libéraux, surtout Joseph Lebeau.

 

Paul Devaux. Photo reprise de Pirenne: Histoire de la Belgique.

Paul Devaux. Photo reprise de Pirenne: Histoire de la Belgique.

 

Devant les tentatives de censure, ce groupe de jeunes libéraux réclamèrent la liberté de la presse dont ils maîtrisaient l’outil outre le réseau de la presse catholique. Fin 1828, avec la condamnation de Louis de Potter à 18 mois de prison pour ses écrits, Guillaume 1er avait perdu l’appui de ceux-ci. Chose impensable, il provoqua une alliance de raison des deux antagonismes. Sa politique de balance entre les deux pôles, s’appuyant sur le socle de la grande bourgeoisie, ne fonctionnait plus. Une vaste campagne de pétitions communes aux deux tendances envahirent surtout le sud (4 millions d’habitants), mais également, dans une moindre mesure, le nord des Pays-Bas (2,4 millions d’habitants), où de nombreux catholiques vivaient. Ils étaient majoritaire dans le Brabant septentrional à ~80 %, de même au Limbourg « hollandais », ils étaient très présents en Hollande et à Utrecht à ~ 40 %.[8] On peut estimer leur nombre total à environ 850 000 (un gros tiers de la population) dans les provinces du nord sur les 2,4 millions d’habitants : on comprend la fébrilité des calvinistes lorsque Guillaume 1er se rapproche des catholiques pour calmer le jeu. En réalité, les tenants de l’Église réformée sont très minoritaires sur l’ensemble du pays (~22%), mais, encore majoritaire au nord (vote censitaire), ils gardaient un poids quasi prépondérant grâce au découpage du pays et ses règles de représentation (même nombre de représentants entre le nord et le sud, une partie directement nommée par le Roi). En quelque sorte, ce pétitionnement de grande ampleur, détraquant la mécanique, amorce les événements de 1830 : il y eut 360 000 signatures à la date du mois de novembre 1829, ils arrivaient par ballot à la deuxième Chambre, chiffre énorme pour l’époque si l’on songe que les meilleurs journaux ne dépassaient pas le millier d’abonnés. Car c’est bien par l’alliance des deux pôles antagonistes que la révolution belge put se faire. Guillaume 1er fit d’importantes concessions en 1829, tant aux libéraux qu’aux catholiques sur l’ensemble des griefs. Mais ses « maladresses » successives, presque inévitables car il devait aussi satisfaire un nord complexe où le sentiment anti-belge était croissant et devenait peu à peu virulent, contrebalancèrent l’apaisement souhaité, une sorte de zugszang (terme de jeu d’échec où il n’y a plus de bon coup). Le message royal du 11 décembre 1829 ne fit qu’attiser le mécontentement au sud. De sa prison où beaucoup venait le visiter (!), Louis de Potter approfondira la revendication d’une séparation administrative des deux pays, revendication qui lui avait valu son emprisonnement. En janvier 1830, le budget décénal fut rejeté : l’alerte devenait majeure.

 

"Aussi pour la liberté de la presse, y pensez-vous l'abbé? Hélas! oui, Comtesse, si vous voulez qu'ils signent pour l'enseignement." Caricature de Jean-Louis Van Hemelryck, 1828. Rijksmuseum.

 

Les moteurs de la révolution belge étaient en préchauffe. Cela ne veut pas dire que la majorité de la population y consentait ; selon Els Witte [9], ce n’était pas le cas. La grande bourgeoisie industrielle et la haute noblesse n’y participèrent d’ailleurs pas, trouvant leur compte dans le régime orangiste (il y a évidemment des exceptions comme Felix et Werner de Mérode). En effet, après le choc causé par la rupture des relations industrielles du sud avec la France impériale, la pauvreté et l’état de famine qui en résultèrent dans les provinces méridionales en 1816-17, une ré-orientation des marchés vers le nord permit une reprise industrielle vigoureuse (un peu comme la Russie d’aujourd’hui). La réussite économique des provinces méridionales est véritablement au rendez-vous, soulignons-le, sous l’action de Guillaume 1er, avec par exemple la création de la fameuse « Société générale » en 1822, qui nous manque tellement actuellement. La partie septentrionale n’est pas en reste, elle est complémentaire au formidable développement industriel du sud.

Paradoxalement, c’est donc une région riche qui se paie le luxe d’une révolution en 1830, alors que c’est la partie qui a le plus profité de l’état d’union sur le plan économique (selon les auteurs que j’ai lu), avec une industrialisation la plus forte de son époque en Europe continentale, en mutation prolétarienne, en bonne progression démographique, avec une réelle hausse du niveau de vie inégalement répartie et jouissant d’un enseignement de qualité mais là aussi ne touchant surtout que les classes bourgeoises (permettant paradoxalement la montée des 'libéraux'), où de nombreux compatriotes s’investissent effectivement dans les colonies hollandaises qui s’étaient ouvertes pour eux (par ex. les Indes orientales =Indonésie). Lors de cet événement, il y a environ 4 millions d’habitants au sud, contre 2,4 millions pour le nord (aujourd’hui la situation est inverse) ; et je pense que ce déséquilibre, accentué par le refus des autorités en place de simplement le concevoir, fut causal.

 

Muette de Portici à la Monnaie à Bruxelles, le 25 août 1830.

Image: "Les Archives et Musée de la Littérature", Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Les émeutes de Paris des 27-29 juillet, les trois glorieuses, qui chassèrent Charles X du pouvoir, auront des conséquences chez nous. Une étincelle suffisait pour déclencher des échauffourées, d'autant que la conjoncture économique n'était à ce moment pas bonne, un certain état de famine était d'ailleurs revenu au sein du prolétariat naissant qui cherchait du travail. Elle vint le 25 août, lorsque Guillaume 1er offrit à Bruxelles, pour ses 59 ans, La Muette de Portici, un opéra d’Auber. L'appel à la révolte contenu dans le livret, provoque de graves troubles déjà dans le théâtre de la Monnaie et puis dans les rues de Bruxelles. Les émeutiers chantent à tue-tête l’« amour sacré de la patrie » , accompagné des « aux armes, aux armes ». Les troubles s’étendent ensuite à tout le pays :

« Mieux vaut mourir que rester misérable!
Pour un esclave est-il quelque danger?
Tombe le joug qui nous accable.
Et sous nos coups périsse l'étranger!

 

Amour sacré de la patrie,
Rends-nous l'audace et la fierté;
A mon pays je dois la vie;

Il me devra sa liberté  »


(Un peu de romantisme ne fait de tort, c’est l’époque!)

L’agitation des rues ne cessa plus, et d’erreurs d’appréciation en incompréhension en mauvaises décisions par Guillaume 1er (c’est une sorte de cercle vicieux dont on ne sort plus), les émeutes, assez bien gérées par les gardes bourgeoises, cependant opposées au régime tel quel, se transformèrent en revendication de séparation en deux parties du pays, -l’État devait évoluer- et, progressivement, les émeutiers se transformèrent en révolutionnaires.

Lors de la séance de la dernière chance, les États Généraux convoqués à La Haye le 13 septembre 1830 et d’ailleurs présidés par le prince de Gavre (à ce moment président de la 1ère Chambre), Guillaume 1er, complètement fermé aux réalités et à l’urgence de la situation explosive, déclarait : « Entièrement disposé à satisfaire à des vœux raisonnables, je n'accorderai rien à l'esprit de faction, et ne consentirai jamais à des mesures qui sacrifieraient les intérêts et la prospérité de la nation aux passions ou à la violence. »[10] Dans le même temps, il envoya son fils Frederick, le grand maître de la maçonnerie des Pays-Bas unis, à la tête de 12 000 hommes, réduire les mutins. Le 23 septembre, l’armée entre et fait tirer au canon dans Bruxelles qui se défendcette expédition tourne au désastre, il se retire avec ses troupes dans la nuit du 26 au 27 pour éviter devoir soutenir un long combat de ville, toujours difficile et sanglant. Cette décision est à porter à son crédit : après avoir montré ses muscles, un mouvement plus pacifique qui laisse toutes ses chances à son frère, le prince Guillaume, en train de construire une administration belge à Anvers, la séparation administrative des deux parties du pays avait été concédée du bout des lèvres par son père. Le soulèvement se répand cependant dans tout le pays, à Gand, Liège, Anvers. Le prince Guillaume obtient quelques succès, les délégués sudistes lui proposèrent même la couronne belge. Mais son père, méfiant et plein de rancoeur contre les Belges, plaça le général Chassé à la tête du fort d’Anvers, funeste décision. Le 27 octobre, profitant de troubles dans la cité, notamment suite à l’affaire de Bruxelles, celui-ci ordonne le bombardement de la ville y provoquant des destructions et des incendies. Guillaume 1er est alors brutalement perçu par tout le sud comme l’ennemi et le fils perd toute consistance dans cette partie du pays. « Ce traître d’incendie sert admirablement notre cause » dira un des frères Rogier.[11]

C’est la fin du royaume uni des Pays-Bas, les ‘Puissances’ rediscutent du sort de la partie méridionale.

Peu après, quasi en réponse, un gouvernement provisoire se met en place à Bruxelles et déclarait l’indépendance le 4 octobre, ensuite un Congrès national élu (par le système censitaire) ratifiait cette déclaration d’indépendance le 18 novembre 1830. Celle-ci était appuyée par la France, tandis que Guillaume 1er était abandonné par les Puissances (Prusse et Angleterre) qui était à l’origine du Royaume uni des Pays-Bas avec l’imposition de l’amalgamation. Force est de constater que 15 ans plus tard, la peur causée par l'épopée napoléonienne était passée. Les réalités géopolitiques égoïstes du moment font qu'il était plus profitable pour ces Puissances de transformer cet ensemble économique de premier plan (la première du continent), un rival potentiel, en morceaux mieux contrôlables. Ils surent profiter du mécontentement de la partie méridionale et des troubles qui en découlèrent, l’histoire se répète.

 

Depuis longtemps, le pays wallon est riche de son charbon et de ses industries du fer et du verre plat notamment.

 

Quant au nord du pays, après une période de rage véritable, ils furent plutôt soulagés d’être débarrassés du sud, avec malgré tout une petite angoisse pour l’avenir, traitant leurs anciens compatriotes de « muitzieke belgenrot » (pourriture belge malade de mutinerie). Il faut constater que l’ensemble éclatait, d’un grand pays, riche et puissant, chacun se retrouvait petit. La situation du Brabant septentrional, catholique, sera gelée par une occupation militaire.[12] Le Limbourg « hollandais » avec Maastricht, également majoritairement catholique, ne reviendra au Pays-Bas du nord que lors de la signature des XXIV articles par Guillaume 1er en 1839, de même la moitié allemande du Luxembourg. Les Sept Provinces Unies de l’ancien régime, étaient enfin remises dans leurs frontières et indépendantes, leurs habitants en seront finalement contents, même si sur le moment, ils n’eurent pas de mots assez durs, assez injurieux pour abaisser les révolutionnaires ! La pièce de théâtre satirique de Jacob van Lennep « Het dorp aan de grenzen », qui montraient des Hollandais vertueux, courageux, instruits et éduqués face à des Belges illettrés, dépravés, alcooliques et idiots, une caricature sans concession, eut un succès immense au nord en 1830-1, plusieurs troupes la jouèrent et rejouèrent dans les villes du nord. Cependant (traduction) « Van Lennep n'aurait pas été gêné par le fait que la comparaison [ndr : avec les grands faits d’armes que le pays a connu dans le passé] soit plutôt erronée, car en 1830 il n'y avait aucune menace de domination, seulement la séparation d'une région qui était déjà perçue comme « non néerlandaise ». Parce que les chants de protestation martiale et les louanges patriotiques ne pouvaient dissimuler ce qu'était le sentiment réel et encore inexprimé des Néerlandais du Nord : le soulagement d'être libérés de cet appendice catholique romain. Après 1831, ils étaient à nouveau « entre-soi », le côté froid de la famille avait disparu ».[13]

Il n’empêche, sur le plan économique, ceci ne fut favorable, ni pour le sud, ni surtout pour le nord sur lequel pesa en outre le coût d’une armée nombreuse jusqu’à la signature des XXIV articles. Cependant les deux pays finirent par montrer une excellente résilience afin de surmonter cette période difficile. Pour le sud, encore un paradoxe, l’oeuvre de Guillaume 1er sera poursuivie, amplifiée, la mobilisation d’énormes capitaux par la Société Générale, son enfant chéri, permettra à nombre d’entreprises en difficulté de passer à travers, mais aussi de financer l’industrie lourde, les nouvelles techniques des hauts fourneaux par exemple. N’oublions pas que la Wallonie et Liège en particulier est le centre métallurgique par excellence de l’Europe continentale et ce depuis l’époque bourguignonne : le savoir faire est ancien et de très grande qualité.

 

Voilà en trop maigres traits, quelques lignes de certains événements de ces 15 années qui façonnent encore à bien des égards, tant la Belgique que les Pays-Bas d’aujourd’hui.

Frans Van Kalken [14] se pose la question : pourquoi Guillaume 1er, plein de sollicitude pour le sud, ne parvint-il pas à convaincre ce sud ? Par certains côtés, cela me fait penser à Joseph II. Ce dernier ne voulait que du bien aux Belges, mais sa manière autoritaire, leur bonheur malgré eux, ne convenait pas à beaucoup.

 

Et la question à quatre sous. Cela aurait-il pu fonctionner ? Bien évidemment, la séparation du nord et du sud n’était pas inscrite dans les astres, même si les obstacles étaient là, sans surprise, connus. Le pays était riche de tout, et surtout de ses diversités, de son histoire séculaire, sinon millénaire, de la capacité de ses habitants. Le nord et le sud étaient de surcroît parfaitement complémentaire. Les hasards de l’histoire nous avaient offert un beau cadeau. Alors oui, c’était fait pour réussir, mais, comme le dit Anton Falck, que de maladresses. On ne refait pas l’histoire.

 

Bombardement d'Anvers le 27 septembre 1830. Image wikicommon.

 

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La mise en place de la Grande Loge méridionale sur fond de guéguerre des rites

 

Il me semble que ce développement général, tellement incomplet, permet de soulever un tout petit coin du pays véritable et non sa fiction.

La mise en place de la Grande Loge d’administration méridionale du Grand Orient des Pays-Bas ne fut pas chose aisée. Elle prendra trois années. La loge de Namur y prit une part importante à travers deux de ses membres, Charles-Alexandre de Gavre et Joseph Walter.

 

Les disputes entre Rites à Bruxelles forment le fond de cette histoire. Elle furent excellemment présentées par Pierre Noël, j’y reporte le lecteur intéressé.[15]

 

Voici le fil de cette histoire :

 

De discussions en discussions, on aboutit, le 27 décembre 1816, sur la proposition de création d’un « Grand Orient de la Belgique ». Un projet était arrêté. Mais cela ne faisait pas l’unanimité, notamment au niveau des loges de provinces.

Proposition de constitution d'une Grand Orient de la Belgique, fin 1816. Document de 4 pages. Ici le première. CEDOM, archives de Moscou.

Proposition de constitution d'un Grand Orient de la Belgique, décembre 1816.

Document de 4 pages. Ici la première. CEDOM, archives de Moscou.

 

Wargny, membre de la loge L’Espérance (orateur, puis secrétaire) d’ajouter :

« Cette proposition fut rejetée sans discussion par la Commission des Amis Philan∴, et, dans toutes les explications qui ont eu lieu ultérieurement, nous avons vu que l’on a constamment confondu les rites Maçon∴ avec l’administration, les dogmes avec la discipline. »

 

On allait d’évidence vers une parcellisation des loges du Sud, d’autant que pour les loges de provinces, ce bouillonnement apparaissait très bruxellois. La volonté semblait en effet de discuter avant tout entre loges bruxelloises :

« Il n’y a que vingt-sept LL∴ dans les Prov∴ Merid∴; quelques-unes se sont prononcés contre la formation d’un Gr∴ Or∴ autre que celui de la Haye ; il n’y avait à l’assemblée que dix-sept LL∴ représentées ; ainsi, il est certain qu’un noyau de quelques Maç∴ de Bruxelles pouvait s’arroger la représentation de toutes les LL∴, contre toutes les règles connues. » Extrait d’une notice retranscrite par de Wargny, qu’il désapprouve, apparemment non datée. La pièce précédente date du 15 mai 1817.

 

Deux raisons principales ressortirent dans ces refus de participation : d’une part les liens encore existants avec le GODF que des Loges refusaient de rompre et d’autre part, la nécessité d’avoir un seul centre commun maçonnique pour le Royaume.

 

Quelques exemples [16] :

 

« La L∴ de la bonne Amitié, O∴ de Namur, déclare par une Pl∴ que professant le rite Écoss∴ Primitif, étant constituée par le G∴ O∴ d’Edimbourg, et ayant son gouvernement dans son souverain Chapitre de l’intérieur, elle ne peut participer à la formation du G∴ O∴ et elle attendra qu’il soit formé, pour lui proposer un pacte d’union. »

 

« La L ∴ des Vrais Amis, O∴ de Gand, fait part qu’un de ses Membres ayant demandé personnellement des instructions au G∴ O∴ de France, on lui avait dit que les Maç∴ des Pays-Bas étant liés au G∴ O∴ de France par les obligations contractées envers lui, ne pouvaient être déliés que de concert avec lui, et qu’il serait nécessaire de correspondre pour obtenir cette faveur. »

 

« La L∴ de la Parfaite Intelligence, O∴ de Liège, déclare qu’elle regarde l’existence de deux GG∴ OO∴, dans le Royaume des Pays-Bas, comme une calamité pour la maç∴, et que cette scission peut devenir la source de grands inconvéniens ; elle pense qu’il faudra tenter les moyens de conciliation avec les LL∴ des Prov∴ Septen∴ »

 

« La L∴ du Septentrion, O∴ de Gand, annonce qu’elle est déjà affiliée au Gr∴ Or∴ de La Haye, et qu’elle ne contribuera à celui qui est proposé, que par un don annuel. »

 

« La L∴ de la Concorde fortifiée, O∴ de Luxembourg, déclare qu’elle a proposée son affiliation à S∴ A∴ R∴ le prince Frederic, G∴ M∴ du G∴ O∴ de La Haye, dans la persuasion qu’il n’y aura qu’un seul G∴ O∴ pour le Royaume et qu’elle attend sa réponse. »

 

Courrier du 27 janvier 1817, de la loge liègeoise La Parfaite Intelligence envoyée à la Bonne Amitié, refusant le projet proposé. 3 feuillets. CEDOM, archives de Moscou.

Courrier du 27 janvier 1817, de la loge liégeoise La Parfaite Intelligence

envoyée à la loge namuroise La Bonne Amitié, refusant le projet proposé.

3 feuillets. CEDOM, archives de Moscou.

 

Les choses étaient engagées, la réaction, quoique tardive, devait être posée. Quand on voit les positions dispersées des loges, ce n’était évidemment pas une tâche aisée.

Le ministre Anton Reinhard Falck, représentant du Grand Maître pour la maçonnerie septentrionale, va donc se déplacer à Bruxelles et conférer sur la meilleure manière d’agir avec son ami, le prince de Gavre, qui était devenu son parent par son mariage avec Rose de Roisin en 1817, et dont la loge-mère « La Bonne Amitié » de Namur, en province, ne s’était alignée sur aucune solution.

 

Mémoires d’Anton Falck, année 1817 :

(traduction) « … à propos de l’organisation de la franc-maçonnerie. Dès que le Roi eut arrêté la décision d’élever son plus jeune fils à la dignité de Grand Maître national, je me suis surtout consacré au relâchement des liens qui unissaient encore de nombreux ateliers belges avec le Grand-Orient français. Ce fut plus facile que prévu, ... ».[17]

 

La décision fut en outre prise d’initier le prince héritier, Guillaume (futur Guillaume II) à la Loge bruxelloise « L’Espérance ». Ce fut fait le 1er mars 1817 en toute discrétion.

 

Lorsque l’initiation du prince fut portée à la connaissance de tous [18] :

« Bientôt la réception du prince à la L∴ de l’Esp∴ fut connue, et l’on ne dissimula plus que le projet du Ven∴ de cette L∴ [Honnorez], était de parvenir à ce que le G∴ Or∴ des Prov∴ Mérid∴ fût placé dans son sein, sous la protection du prince d’Orange qui en serait G∴ Maît∴ »

 

Ceci ne faisait qu’augmenter la confusion. Remarquons qu’une fois de plus, la volonté de centralisation sur Bruxelles (que ce soit sur la Loge « L’Espérance » ou celle des « Amis Philanthropes ») ne pouvait qu’irriter les loges de provinces et pas seulement. Et d’une certaine manière, tout ceci, a contrario, facilitait le but recherché par les gouvernants, une maçonnerie unie sur l’ensemble du territoire des nouveaux Pays-Bas. 

D’autre part, il y avait quelques vérités concernant cette annonce, puisque le 7 mai 1817, soit deux jours après la circulaire du prince Frédéric d’Orange (cf ci-après), le prince Guillaume d’Orange, son frère, par une planche, déclinait la proposition (cf de Wargny).

 

Le 5 mai 1817, « Première Circulaire du Sérén∴ G∴ M∴ Natio∴ aux LL∴ Mérid∴ des Pays-Bas. » Cette circulaire énonce la volonté du prince Frédéric d’Orange [19], grand-maître, pour l’union de toutes les loges du Royaume.

 

Il désigne immédiatement une commission législative pour examiner la manière d’y parvenir.

Cette commission se compose d’Anton Falck, son représentant personnel, du prince de Gavre (vénérable d’honneur de la « Bonne Amitié » à Namur), de Remy Honnorez (vénérable de « L’Espérance » à Bruxelles), du baron d’Yvoy (vénérable de l’ « Union Frederic » de La Haye, loge créée spécialement à l’intention du prince Frederic), Johannes Kinker (2e Grand Surveillant du Grand Orient de La Haye -on le connaît comme Grand-Orateur-), de Malaise (vénérable de « La Paix et la Candeur »), de Vollenhoven (ancien vénérable de la « Bien-Aimée » d’Amsterdam, un proche de Falck), et de Joseph Walter (la « Bonne Amitié » à Namur), qui en assura le secrétariat.

 

On voit que pour la partie méridionale, c’était bien la vieille loge « La Bonne Amitié », une loge de province, ce qui en soi était déjà étonnant, considérée à l’époque comme la plus ancienne pour cette partie du nouveau pays, non alignée dans les disputes, qui fut mise en avant. Il y avait aussi un représentant du Rite Ancien Réformé et un représentant à la fois du Rite Philosophique et du REAA. Le prince de Gavre apparaissait à ce moment comme la personnalité incontournable, tant par ses anciennes fonctions de Grand Officier d’honneur du GODF, que par sa proximité avec le nouveau pouvoir (Grand-maréchal de la Cour). Il représentait en quelque sorte une synthèse rassemblant les différents mouvements centrifuges, tout en étant parfaitement rompu aux négociations, de même que son ami et compagnon de loge Joseph Walter qui tenait le secrétariat des réunions.

 

Et cela va fonctionner, puisque quasi toutes les Loges méridionales rejoindront la Grande Loge d’Administration méridionale sous le chapeau du Grand Orient des Pays-Bas. Et quelques autres, rares, resteront sous la tutelle de la Grande Loge d’Administration septentrionale, l’inverse était vrai aussi, ce qui n’était pas gênant. Il n’y eut aucun ‘déchet’, l’ancienne maçonnerie impériale se retrouvait quasi intacte dans le nouveau centre maçonnique.

Cette Grande Loge d’Administration sera officiellement installée le 11 avril 1818.

Avril 1818. Tracé d'Installation.

Avril 1818. Tracé d'Installation de la Grande Loge d'Administration Méridionale.

Le texte complet peut être trouvé dans Wargny, tome 3, pp 95 et suivantes.

 

Quasi en même temps et c’est manifestement lié, la Loge namuroise va publier une circulaire, datée du 19 mars 1818, « Au nom et sous les auspices du T∴ Seren∴ G∴ M∴ du Rite, le G∴ et Subl∴ Chap∴ de l’Int∴ du Temp∴, chef d’ord∴ du Rite Ecoss∴ Primitif dans le Royaume des Pays-Bas, aux LL∴, Chap∴, Tribun∴ et Cons∴ établis dans le Royaume. »

Elle l’adresse à toutes les loges du pays, dont le but est de faire connaître son rite écossais primitif et d’en permettre la diffusion (J’ai publié en 10 articles les données disponibles concernant ce rite primitif dit de Namur). Ce sera très partiellement réussi, deux loges le pratiqueront durant cette période, les Amis Discrets de Nivelles et Les Vrais Amis de l’Union de Bruxelles. Par contre plusieurs personnalités de la maçonnerie de cette époque rejoindront son Chapitre pour les grades terminaux.

Le 27 décembre 1818, elle réalisa quelques feuillets qui reprenaient notamment des articles du règlement de son Chapitre en 33 degrés et un résumé de son histoire, qu’elle adressa également aux loges de la région.[20]

 

Il ne faut pas oublier que, une année auparavant, deux Suprêmes Conseils du REAA avaient été créé dans l’espace des Pays-Bas réunis, celui de la loge bruxelloise Les Amis Philanthropes et celui dit « Militaire » à laquelle de Gavre avait participé. Ces deux juridictions fusionnèrent en fin d’année, et donc depuis le début 1818, il n’en existait plus qu’un Suprême Conseil centré sur les Amis Philanthropes. Charles-Alexandre de Gavre participa également à la mise en place de ce nouvel organisme, il en restera membre jusqu’à son décès.

 

Les Loges méridionales eurent-elles un rôle dans le bouillonnement de ces 15 années. Très peu, en tant que telle, elles ne firent pas de politique. D’ailleurs la tendance catholique fut assez calme vis-à-vis d’elles. Leurs membres surent généralement modérer leurs différents face au pouvoir « calviniste » et à la fin firent alliance. Si les loges étaient sereines en apparence, néanmoins elles furent un refuge pour les proscrits français franc-maçons qui constituent une part importantes de la vie intellectuelle de Bruxelles à cette époque. Dans la mesure où un nombre important de franc-maçons furent actifs lors des événements de 1830, c’est très évident pour la loge de Namur où les pour et les contre se mélangeaient, on peut penser que les loges belges furent un creuset de discussion et, à la fois, de construction de l’opposition libérale à Guillaume 1er, mais aussi de son soutien. Les loges ne faisaient pas de politique, leurs membres en firent beaucoup. La transition des loges belges vers un Grand Orient de Belgique après 1830 se passa très mal, seulement une minorité d’entre elles formèrent la nouvelle Obédience, et en ordre dispersé (10), un partie d’entre elles disparurent (10) et une partie cherchèrent d’autres horizons, soit en se maintenant au Grand Orient des Pays-Bas, soit en créant une autre structure (7).[21]

Installation de la Grande Loge d'administration Méridionale, avril 1818.

Installation de la Grande Loge d'administration Méridionale, avril 1818.

Pierre Noël fait, à juste titre, remarquer qu'à cette époque, les Maîtres, dans nos contrées, ne portaient pas le tablier (ceci correspond d'ailleurs à la tenue des Maîtres en loge prévue par le règlement de la Bonne Amitié de 1809).

Image tiré de Wargny, tome III.

 

La construction d’un maçonnerie « nationale »

 

Si les Grandes Puissances du moment imposèrent l’amalgamation, avec un Guillaume 1er consentant, -il a pensé que ce serait une bonne chose pour son beau royaume tout neuf-, celui-ci voulut également l’appliquer pour construire une maçonnerie unifiée. Mais, à l’image du pays, il lui fallut composer. Tiraillé entre deux pôles : le désir d’indépendance d’une maçonnerie septentrionale comme celui d’une maçonnerie méridionale face au désir d’un outil unique à son service, les choses vont traîner.

La maçonnerie septentrionale avait réussi à s’implanter dans le paysage socio-politique du pays au cours du XVIIIe siècle. Maçonnerie protestante, elle était proche du pouvoir, tournée vers l’Angleterre. Au sortir de l’empire français, les anciennes loges avaient largement résisté et répéteront de manière réussie ce comportement de mano a mano avec le nouveau pouvoir qui se mettait en place. Seulement quelques rares loges napoléoniennes subsisteront (trois). Au sud, l’image est différente. Sortie laminée par Joseph II, la maçonnerie dut se réinventer. Sans surprise, au sud, les loges maçonniques sont très majoritairement des loges créées durant la période française, en ce compris la pratique de différents rites ; l’influence française restera forte (cf les courriers de Marchot-père à Joly, voir plus loin). Compte tenu de cette histoire, il semble normal que nord comptât un nombre plus important de loges par rapport au sud (71/27 loges) alors que la population y était nettement plus faible.

 

Le ministre Anton Falk avait adressé un courrier au Roi, datant du 1er juin 1816, suite à l’installation du Grand Orient des Pays-Bas à La Haye, avec le prince Frederick, fils puîné, à sa tête. Il fallait maintenant y incorporer les loges du sud :

« A cette réorganisation, les loges du sud-néerlandais devraient fraternellement s’y lier, elles qui sont encore, et à tort, en relation avec le Grand-Orient de Paris. »

 

Guillaume 1er, en date du 2 juin 1816, répond par une note manuscrite. Le but politique poursuivi doit, sans ambiguïté, être celui d’une maçonnerie unifiée au sein des nouveaux Pays-Bas afin de servir la Nation :

« et ce sera un avantage national, si de cette façon les loges de l’ensemble du pays sont unis sous une direction générale, et qu’ainsi, les Néerlandais du sud soient coupés de l’autorité du Grand-Orient parisien »[22]

 

En effet, déjà la franc-maçonnerie du XVIIIe siècle dans les régions méridionale était assez différente : catholique mais anti-cléricale dans le sens anti-ultramontaine, elle avait été seulement tolérée et finalement avait été drastiquement limitée par Joseph II. La période française lui permettra un nouveau développement, assez relatif en fait, avec au total vingt-sept loges (seulement cinq d’ancien régime : Namur, Tournai, Liège -PIER-, Bruxelles -Vrais Amis de l’Union-, Ostende). Elle reste catholique, mais avec des accents anti-cléricaux très marqués : elle est un support solide de la tendance libérale, plutôt tournée vers la France. En fait nord et sud présentaient deux maçonneries différentes l’une de l’autre, même au niveau rituélique bien que toutes les loges septentrionales professaient « le rite ancien réformé » (ou moderne) pour les trois premiers grades (sur base du dernier règlement de 1798 qui précisait cela), comme la grande majorité des loges méridionales.

 

On peut certainement avancer que la maçonnerie méridionale n’est pas opposée, en soi, à Guillaume 1er : le mouvement libéral n’est pas contre le régime, du moins dans ses débuts. Bien que ne faisant pas de politique, les loges du sud devaient apprécier, dans une certaine mesure un mouvement catholique contenu, mais surtout les actions positives pour l’industrie, pour l’ordre public et pour un enseignement neutre laïque. Cependant elle devait être en opposition à une série de mesures qui la contraint (politique linguistique, limitation de la liberté de la presse, la sur-représentation du calvinisme, la politique d’amalgamation forcée, etc.) Contrairement à la maçonnerie septentrionale, en plein accord avec le régime, la maçonnerie méridionale, face au pouvoir, était plutôt attentiste et, vieille caractéristique, surtout particulariste.

 

Amalgamer, cela semble une tâche singulièrement difficile, les deux parties ne cherchaient nullement à se rencontrer, et de fait seules les apparences purent être sauvées. Peut-être qu’avec le temps, les choses se seraient amélioré, mais de temps, il n’y a pas eu.

 

Le traité des 8 articles qui lie le sud au nord est signé le 21 juillet 1814 à La Haye. Il reçoit une forme définitive le 8 mai 1815 lors du Congrès de Vienne. Les Prussiens tiennent la rive droite de la Meuse, avec Liège comme place forte. Mais Guillaume 1er insiste pour récupérer l’ensemble des Pays-Bas d’ancien régime. Même plus, puisqu’il obtiendra Bouillon et les places fortes de Mariembourg et de Philippeville avec ses cantons wallons. Le gouvernement du Royaume uni se met réellement en place avec la première séance des États généraux à Bruxelles le 21 septembre 1815.

 

Le prince Frederick est effectivement un très jeune Grand-Maître (19 ans) lorsqu'il prend sa charge. Rijksmuseum.

 

La franc-maçonnerie du nord, très naturellement, se rangea donc derrière son suzerain naturel, d’autant plus que, son deuxième fils, Frederick, initié à Berlin le 20 juin 1816, est installé quatre mois plus tard comme Grand Maître du Grand Orient des Pays-Bas. Il a 19 ans à ce moment.

(traduction) « Le 13 octobre 1816, le prince prête serment et est installé comme Grand Maître lors d'une session de la Grande Loge à La Haye. Le prince Frederick n'était pas encore membre d'une loge néerlandaise à cette époque. A cet effet, au cours de la même séance, une lettre de constitution fut délivrée à une loge spéciale formée autour de la personne du prince, baptisée en son honneur ‘L'Union Frédéric’ [ndr : le nom de la loge est en français] , avec les couleurs distinctives orange et bleu nassau. Outre les princes allemands d'Aremberg et de Hesse-Darmstadt, les autres fondateurs de cette loge étaient des Néerlandais notables, presque tous nobles. Van Loo* remarque avec mépris : ‘La loge est – de par la nature des choses – devenue un échec.’ Le Maître de ‘L'Union Frédéric’ n'a pas été élu, mais nommé par le Prince Frederick lui-même. Le premier Maître de la Loge fut le Baron Maximilian d'Yvoy van Mijdrecht [ndr : le nom est à retenir pour la suite de l’histoire, c’est un proche du prince]. Le prince lui-même était le cinquième Maître successif. La loge a bien démarré : « les formes rituelles étaient strictement observées, les procès-verbaux étaient tenus ponctuellement et la loge respectait parfaitement les anciennes traditions ».[23

*Petrus Jacobus van Loo, un historien reconnu de la franc-maçonnerie néerlandaise, fut Grand- Maître du Hoofdkapittel de 1962 à 1969.

 

L’installation du Grand Orient des Pays-Bas ne concerne à ce moment que la partie septentrionale du pays, encore faut-il rallier les loges du sud dans un esprit d’amalgamation. En réponse, plusieurs loges du sud s’organisent de façon autonome et proposent fin 1816 le création, puis votent le règlement d’un Grand Orient de la Belgique le 15 mars 1817. Finalement, ce sera une Grande Loge Méridionale des Pays-Bas qui se constitue officiellement le 24 juin 1817 et se choisit comme Grand Maître, le prince Frederick, lequel ne refuse pas, il louvoie. Le Nord et le Sud n’avait nulle envie de travailler ensemble. Entre-temps, le fils aîné du roi, le futur Guillaume II, est initié à Bruxelles à l’Espérance, une loge apparue durant la période française, fortement orangiste qui disparaîtra quelques années après révolution belge. Orangiste ne voulait certainement pas dire anti-belge. Par exemple, le prince Guillaume, devenu Vénérable Maître « Titulaire » de cette loge, initia le jeune Théodore Verhaegen le 12 avril 1819.[24] D’autre part, Alexandre Gendebien faisait également partie de celle-ci. L’un et l’autre iront aux Amis Philanthropes après la révolution belge. Autre élément de pagaille, la création, sur le plan historique très passionnante, cette même année 1817, de deux Suprêmes Conseils à Bruxelles, qui fusionneront en fin d’année. On voit à l’oeuvre des proscrits français très actifs dans cette construction ; or les proscrits français, dont beaucoup s’étaient véritablement inscrits dans la vie sociale des provinces méridionales, n’étaient pas la tasse de thé du nouveau régime, au contraire, ils devaient être tenus à distance, sinon expulsés.[25] Il fallait faire quelque chose. Anton Falk, qui fut constamment à la manœuvre pour permettre au prince Frederick de devenir Grand Maître, fit appel à son ami, qui cette année-là était devenu son parent par alliance, devenu par ailleurs Grand Maréchal de la Cour, le prince de Gavre. Curieux choix d’une homme pétri de culture française. Ce franc-maçon expérimenté d’ancien régime, qui fut grand officier d’honneur du Grand Orient de France, connaissait évidemment fort bien ses compatriotes maçons. Vénérable Maître d’honneur de la loge La Bonne Amitié à Namur, il reprit les discussions, et, avec Anton Falck, entouré d’une commission désignée le 30 août de la même année, ils aboutissent finalement à la solution de deux Grandes Loges d’administration sous le chapeau du Grand Orient des Pays-Bas … L’honneur était sauf, d’autant que ces deux corps devaient se réunir régulièrement pour s’harmoniser : jamais ils ne le firent ! Lors de la réunion constitutive du 16 mars 1818, les plus grosses résistances viendront de la partie septentrionale, désirant maintenir leur maçonnerie à l’abri du sud, puisque 1/3 des votants s’opposèrent à la nouvelle situation (57/20), contrairement aux loges du sud (20/3), les trois loges qui ne votèrent pas les statuts avaient un caractère « écossais » [26][27] ; Gavre avait été efficace. Il n’empêche, le 11 avril 1818, le Grand Orient des Pays-Bas, dans sa nouvelle mouture, s’installait officiellement.

 

 

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Temple de la Sagesse. Gravure de Willem Grebner d'après un dessin de Johannes Hubertus Reygers (1794-1866)  Rijksmuseum.

Temple de la Sagesse. Gravure de Willem Grebner d'après un dessin de Johannes Hubertus Reygers (1794-1866) Rijksmuseum.

 

La guerre des Hauts-Grades, 1817-1822, et la charte de Cologne

 

Le 9 août 1817

Le 9 août 1817, le prince Frederick écrit à Anton Falk sur la composition de la future commission qui doit travailler à des statuts communs pour le nord et le sud. Il insiste fortement pour la présence de Johannes Kinker qu’il avait rencontré à auparavant au pavillon de Welgelegen, résidence privée du Roi, ce qui montre la proximité de ce dernier avec le prince.

 

Johannes Kinker (1764-1845, Amsterdam) avait fait des études de médecine à l’Université d’Utrecht, puis bifurqua vers le droit et exerça comme avocat. Mais déjà il était actif à la Société des jeunes poètes. Puis il rejoint l’importante association Felix Meritis (Heureux par le mérite) d’Amsterdam, fondée en 1777, sorte d’université pour personnes fortunées. Tournée vers le progrès et les sciences, ses membres se voulaient enfants des Lumières. Il devint un membre important de la section littérature (1791-1800), avec une forte inclinaison vers Kant, ses publications et ouvrages en témoigne. Ensuite il rejoindra la Hollandsche Maatschappij van fraaije Kunsten en Wetenschappen (Société Hollandaise des Beaux-Arts et des Sciences), toujours à Amsterdam, en 1800, année de sa fondation. Cet Société, qui n’existe plus, était considérée à l’époque comme le « propagateur du bon goût et juge des nouveautés dans les beaux-arts et les sciences". Il sera reçu à la loge La Charité d’Amsterdam en 1806 et sera un franc-maçon actif dans le sens universaliste et progressiste. Il n’a pas de mots assez durs pour les Hauts-Grades, images pour lui de la superstition et de l’archaïsme. Durant ses années à Liège à la nouvelle Université, il s’affiliera à la loge La Parfaite Intelligence. Adepte de Kant, il est plutôt perçu comme un homme des Lumières française, donc plutôt matérialiste et peu lié aux Églises. Il est reconnu pour ses qualités de philologue germanique et de philosophe Kantien. Il laissera le souvenir d’un professeur de philologie néerlandaise de grande qualité et le fondateur de l’école de philologie de l’université de Liège dont il sera d’ailleurs Recteur de 1828 à 1829. Hanou le décrit comme un homme érudit, honnête, tolérant, indépendant. Jusqu’à la révolution belge ce fut un proche du prince Frederick, ensuite ils prendront leurs distance l’un de l’autre. Quels furent ses rapports avec Joseph Walter de la loge de Namur, son supérieur administratif à l’Université de Liège et collègue dans la « Commission de fusion des deux Grandes Loges ». Rien ne permet de penser qu’ils furent grands amis, mais ils se rejoignaient sur certains points et lorsque Kinker avait besoin de Walter, celui-ci répondait présent. Pour aller plus loin, je conseille vivement les ouvrages d’Andreas JA Hanou portant sur ce personnage vraiment très intéressant.[28]

 

Johannes Kinker. Rijksmuseum. Peinture de Jan Cornelis van Rossum. Rijksmuseum.

Johannes Kinker. Peinture de Jan Cornelis van Rossum. Rijksmuseum.

 

Kinker venait d’être nommé à la nouvelle Université de Liège. Il devait prendre ses fonctions et ne pouvait donc pas participer à la commission, sauf si ? (Falk est le ministre responsable) :

(de Prince Frederick à Falck, 9 août 1817, traduction) « Il m'a ensuite informé que si, par exemple, il pouvait commencer son enseignement à Liège le 1er novembre seulement, les étudiants de cette ville pourraient contenir leur zèle pour étudier le néerlandais-allemand le plus longtemps possible ; il pourrait être présent à la commission à Bruxelles en septembre. Ne pouvant lui donner une réponse décisive à ce sujet car je ne connaissais pas l'issue de vos derniers arrangement avec frère Walter [ndr : qui est son supérieur à l’Université de Liège en tant que secrétaire-Inspecteur]. J'ai donc convenu avec lui que je vous écrirai à ce sujet, afin qu’il ne soit pas obligé d’être si tôt à Liège, et ainsi pouvoir participer aux réunions de la commission le plus commodément. Je lui ai également demandé de vous écrire lui-même, et également de vous faire parvenir quelques points qui, selon lui, pourraient faire l'objet de délibérations en commission. [ndr : c’est moi qui souligne] De tout cela, vous pourrez peut-être prendre une décision avec frère Walter. Kinker estime également qu'Honorez ne peut pas être nuisible dans la commission, mais plutôt utile du fait de son influence. Le frère d’Yvoy n'a pas encore pu décider s'il pourra être membre de la commission, car cela dépend du moment de la convocation et de la durée probable de celle-ci ; il souhaite ardemment pouvoir le faire, mais ne sait pas encore comment cela s'intégrera dans ses fonctions profanes de chambellan et de membre du Haut Conseil de la Noblesse. Je pense qu'il est très important que le confrère Kinker fasse partie de la commission, à la fois en raison de ses connaissances exceptionnelles [ndr. j’ai traduit ainsi : «schitterend ligt] et de son influence ; et j'aimerais donc beaucoup qu'il y ait un moyen d'arranger cela ; et vous demande donc, le cas échéant, d'essayer de conduire les choses de manière à ce qu'il puisse y participer ».[29]

D’une certaine manière, une partie des acteurs de l’affaire « charte de Cologne » sont cités pour faire partie de la commission de fusion des deux Grandes Loges, du sud et du nord.

 

Université de Liège à ses débuts. Image wikicommon.

Université de Liège à ses débuts. Image wikicommon.

 

Le 7 septembre 1817

Le 7 septembre 1817, prémisse. Comme promis par le prince Frederick, Johannes Kinker écrit un courrier à Anton Falck datée du 7 septembre 1817, au moment où se discute donc la Constitution qui doit réunir les deux Grandes Loges, du nord et du sud, sous un seul chapeau. En effet, sur l’insistance du prince Frederick, il avait finalement été désigné pour faire partie de cette commission de « fusion ». Ce ne fut apparemment pas simple. Il y expose les « quelques points » et déjà la problématique des Hauts-Grades apparaissait :

(Kinker, traduction) « … C'est vrai : mais par ces moyens héroïques, le chat est enfermé dans la cave ; et pour ceux qui doivent ensuite chercher l'animal craintif dans sa cachette, la tâche n'est pas agréable.

Parmi les mécontentements suscités par le projet de statuts figure également le fait que le principe général de l'article 23* de la nouvelle Constitution est trop vague, et qu'il n'est pas assez clair pour réformer les grades reconnus, surtout les plus élevés, en introduisant un grade qui serait général, dans l'esprit du Fiat Lux.

Vous savez que le Prince de Grave et aussi Walter, peut-être d'autres, n'ont pas jugé cela souhaitable. Je m'en suis lavé les mains en toute innocence. Mais grâce à l’article 23 on peut encore nettoyer beaucoup de choses dans les hauts grades, où l'esprit jésuitique ne souffle pas peu. »

 

L’article 23 sera révisé … tout en restant le même, toujours aussi vague.

*Le texte proposé [ndr : de l’article 23] est le suivant : "Tout ce qui peut être utile dans l'esprit de rassemblement de la fraternité et conformément aux idées plus larges du siècle pour le bien de l'humanité, pour la propagation de la lumière et pour le maintien de l'ordre social, sera promu et encouragé par lui (le Grand Maître) de la manière qu'il jugera la plus efficace.[30] Cela deviendra officiellement : « Il (le Grand Maître) favorise et encourage, de la manière qu’il juge la plus convenable, tout ce qui, sous l’esprit conciliateur de l’O:. M:. et conformément aux idées libérales du siècle, peut contribuer au bien-être de l’humanité, à la propagation des Lum:. et au maintien de l’ordre social ».[31]

 

Deux problèmes sont mis en cause : les Hauts-Grades du sud qu’il juge jésuitiques et qu’il faudrait réduire à un seul grade et l’importance de l’autorité du Grand-Maître Frederick qu’il faut renforcer, la maçonnerie du royaume doit être pyramidale (elle le sera aux Pays-Bas après 1830). Il avait mis le doigt exactement où cela fait mal !

C’était donc en gestation.

 

De fait, à la même époque que le courrier de Kinker à Falk, durant l’automne 1817, Anton Falck et le prince de Gavre devisaient paisiblement ensemble lorsque, nous écrit Falk, il reçut un courrier du prince Frederick : (traduction) « Le prince de Gavre et moi étions devenus députés du Grand Maître, lui pour le Sud, moi pour le Nord. Nous étions donc autant que des Premiers ministres. Mais, en outre, c'est principalement grâce à nous que le Grand Maître Royal avait été élevé au siège glorieux sur lequel il dépendait désormais de lui de s'asseoir aussi confortablement et commodément qu'il le souhaitait. Nous avions également confiance en cette paix et ce réconfort pour lui, pour nous-mêmes, pour le monde entier, et nous ne connaissions aucun mal de la part du prince lorsqu'un matin une gracieuse planche à dessin nous fut remise entre les mains avec une demande d'exprimer notre opinion sur un papier d'accompagnement. Et ce papier, que contenait-il ? Rien de plus ou de moins qu’un projet de réforme de la franc-maçonnerie. Les degrés suprêmes, jouets enfantins des frères qui les possédaient et moyens non inefficaces d'éveiller et de vivifier le zèle des novices, furent sacrifiés aux principes abstraits d'égalité et de simplicité. Mais - en mettant de côté les mérites internes du projet - même si la chose la moins probable se produisait (ndr : je souligne), à savoir que les loges adoptassent à l'unanimité cette réforme, une opposition très substantielle apparaîtrait entre l'Ordre aux Pays-Bas et la Franc-maçonnerie en Angleterre, en France, etc. »[32]

La réforme envisagée n’est donc pas petite, elle porte manifestement sur les hauts grades et vise à modifier fondamentalement le visage de la franc-maçonnerie du sud (et dans une moindre mesure celle du nord). Cela montre à nouveau que Clavel est plus proche de la vérité avec « 1816 » … D’autre part, Falk comprenait qu’il n’était plus l’interlocuteur privilégié du prince Frederick sur le plan maçonnique ; celui-ci s'était entouré de fait d’un cercle de proches dont il ne faisait pas partie. Enfin, il semble penser que cela n’en vaut pas la chandelle de s’écharper pour des « troetelkinderen » (j’ai traduit ici par « jouets enfantins »).

 

Le 13 janvier 1818

Le 13 janvier 1818, le prince Frédérik avertissait quelques loges du nord qu’il avait trouvé un document portant sur une mystérieuse « Charte de Cologne » de 1535 (74x62cm ou environ 2,5x2 pieds rhénans), ainsi que des procès-verbaux d’une loge hollandaise « Fredericks Vredendall » de La Haye, écrits un siècle plus tard. PJ van Loo, historien d’aujourd’hui, de commenter : (traduction) « Ces écrits ne semblaient être reconnus par personne comme vrais, qu’ils avaient été fabriqués par le cercle interne du prince Frederick pour servir de bases authentiques aux projets à venir : la création des Afdelingen van de Meestergraad (ndr : chambre des Maîtres: ceux-ci existent toujours), en remplacement des Hauts-Grades. »[33]

 

Charte de Cologne 1535. Reproduction retravaillée à partir de Hanou, Sluiers van Isis.

Charte de Cologne 1535. Reproduction retravaillée à partir de Hanou, Sluiers van Isis. Le texte utilise le code dit noachite, qui existait à cette époque.

 

Le 16 mars 1818

Promulgation des Statuts fondamentaux de la Maçonnerie dans les Pays-Bas.

Les articles 4, 5 et 6 sont ainsi conçus :

  • art 4 : Tous les rites actuellement en activité dans le royaume sont reconnus.
  • Art 5 : Aucun rite ne sera dominant ; ils jouiront entre eux, de la plus parfaite indépendance.

  • Art 6 : Leur dogmatique appartiendra exclusivement aux Chapitre, ou corps supérieurs de chacun d’eux.

Ces articles font problème au nord, la loge L’Union Frédéric de La Haye (la loge ‘privée’ du prince Frederick, dont le premier Vénérable Maître fut d’Yvoy, lui-même membre de L’Union Royale de La Haye) en demande la suppression. Et déjà le double langage fleurit : Kinker, 1er grand-surveillant de la Grande Loge septentrionale remarque : « que le mot reconnaître dans l’article 4 il ne fallait entendre que tolérer » (14 décembre 1817).[34]

 

Le 13 juin 1818

Le 13 juin 1818, le prince Frederick fait une communication uniquement aux loges du nord : « Il y a quelques mois, on m’a envoyé des documents concernant la franc-maçonnerie… » et communique une copie des pièces dont un fac-simile de la charte. Wargny, qui est désigné subdélégué du prince Frederick pour ce nouveau système des Élus, estime le fac-simile « très exact et très soigné de la charte de 1535 et des signatures qui y sont apposés et dans lequel on a été jusqu’à conserver la dimension du parchemin qui est d’à peu près trois pied sur deux ».[35]

Selon l’historien Van Loo : (traduction) « À mon avis, cette communication doit être considérer comme le premier engagement dans son combat contre les Hauts-Grades ».[36]

 

En effet, dès 1818, le grand-maître Frederick s’engage afin de réformer radicalement les Hauts-Grades. Les raisons de cela sont probablement multiples.[37] Il n’était pas particulièrement porté vers ceux-ci qu’il trouvait généralement ridicules; il avait été reçu Rose-Croix. Ces hauts grades chrétiens, et certainement le Rose-Croix, possédaient, selon lui, un caractère blasphématoire face à la religion, ils n’avaient donc rien à faire dans une maçonnerie qu’il voulait universaliste [38] : (traduction) « Dans la mesure où il existe trop de formes et de cérémonies, en partie adhérant à des doctrines qui ne sont pas acceptables pour tous mais seulement pour quelques-uns et souvent contraires au but principal de l'Ordre, améliorer l'humanité ».[39] D’autre part, ami de l’ordre, il ne devait pas supporter la pagaille apparente avec de très nombreux grades que le sud pratiquait avec ses 4 systèmes différents (rite moderne et les trois écossismes : philosophique, ancien accepté et primitif), que de nombreux proscrits français, parfois des régicides, fréquentaient et parfois animaient. Son rejet de ce qui venait de France n’améliorait en rien cet aspect.[40] Son autorité ne pouvait que difficilement s’y exercer, d’autant que le nord connaissait un système uniforme en 7 grades de type rite moderne : 3 symboliques, puis Élu, Écossais (grade de la voûte), Chevalier d’Orient, Rose-croix. Il n’aimait pas les grades templiers, au demeurant ils n’étaient pas pratiqués dans le nord du pays, lui-même n’en voulait pas, et s’était souvent accroché avec le prince de Gavre à ce sujet (voir la notice sur Gavre). D’ailleurs, lorsque le sud se sera détaché du nord, il unifiera la maçonnerie hollandaise de façon cohérente : symbolique, chambre des Maîtres Élus, chapitre des Rose-Croix avec ce dernier grade uniquement communiqué. Ce n’est que plusieurs décennies après son décès que la maçonnerie des Pays-Bas commencera à se diversifier avec l’arrivée du REAA.

Anton Falck le mit en garde de ne pas trop bousculer les particularismes du sud. Jeune et fougueux, il n’en tint pas compte. Par miracle, vers 1816-7, une prétendue charte de Cologne, datée de 1535, tomba entre ses mains. Voici comment Clavel l’explique : « La charte est écrite sur une feuille de parchemin, en caractères maçonniques ; elle est rédigée en langue latine du moyen-âge ; l'écriture en est si altérée que souvent il a fallu ajouter des lettres à des mots devenus incomplets. Le registre paraît avoir été assez volumineux. … Longtemps ces documents sont restés en la possession de la famille de Walkenaer. Puis vers l'an 1790, M. de Walkenaer d'Obdam en fit don au frère Boetzelaar, alors grand-maître des loges de Hollande. A la mort de ce grand-maître, tous ces papiers tombèrent entre les mains d'une personne demeurée inconnue, qui, en 1816*, les remit au prince Frédéric ».[41][42]

 

* Les dates proposées se placent entre 1816-18. Notons que l’année 1816 est l’année qui précède les discussions de 1817 dans le but de réunir des deux Grandes Loges du nord et du sud. Et la circulaire concernant la réforme drastique des Hauts Grades est de 1818. Il est évident que cette date de 1816 montrerait un comportement manœuvrier, une utilisation politique de la charte par le prince Frederick, qui sur le plan des principes maçonniques apparaîtrait assez tendancieux, sinon vicieux, ce que rejette par exemple un Marchot : voir plus loin. Dans sa communication du 13 juin 1818, le prince Frederick affirme : « Aan mijn voor enige maanden sommige stukken geworden zijnde ... » (Il y a quelques mois, des documents m’ont été envoyé). « Quelques mois », cela porte à confusion. Cependant, différents éléments portent à croire que Clavel voit assez juste, même s'il est loin de la 'vérité' comme nous allons le voir.

 

Jeton réalisé pour Johan Willem van Vredenburch.

Jeton réalisé pour Johan Willem van Vredenburch. Un homme très imbu de sa personne, selon ses contemporains. Il fait remonter sa généalogie à l'époque de la charte de Munster !

 

Le 19 décembre 1818

Le 19 décembre, la méprise sur les sentiments d’Anton Falk par le prince Frederick s’accentue. On fête en petit groupe le solstice d’hiver à la loge L’Espérance de Bruxelles. Le prince Frederick, son frère le prince héritier Guillaume, Falck et Gavre sont de la partie. Notons que le prince de Gavre s’était affilié cette année-là à la loge L’Espérance. Ensuite le prince Frederick écrira à Johan van Vreedenburch, un conseiller proche, lui rapportant les discussions qu’il a eues. Il fâche le prince de Gavre en se moquant des grades templiers du Rite Primitif ou du REAA. Il s’en excusera plus tard (voir plus loin). Mais surtout, il entretient longuement Falk de sa réforme basée sur la prétendue charte. Il pense l’avoir convaincu du bien-fondé de sa démarche. Mais c’est exactement le contraire qu’il obtient, probablement qu’Anton Falk, hésitant, comprend à ce moment le coup-monté basé sur une prétendue « charte », mais c’est un diplomate et un courtisan et sait quand il faut se retenir : (traduction d’un extrait du courrier) « Falck est également très favorable à une réduction de la maçonnerie à trois degrés si possible ; hier lors du banquet il était mon voisin et je lui en ai parlé longtemps ; mais bien sûr rien de notre projet, dont personne ici ne sait un mot  » (ndr : c’est moi qui souligne : quel est ce projet ?).

Johan S. Wijne : (traduction) « Tant le lecteur que l’auteur de ces lignes furent probablement également heureux de l'atmosphère de complot qui s’en dégage. . . . Il me semble que Vreedenburch est le principal responsable de cette atmosphère ».[43]

Toujours est-il que depuis ce banquet en petit comité, Anton Falck se montrera résolument réservé quant à la réforme projetée. On peut supposer que Gavre, furieux de sa conversation avec le prince Frederick, lui en a parlé. En homme intelligent, 2+2 font 4, il comprit que quelques chose n’allait pas et que, plutôt qu’apaiser le sud maçonnique, le prince Frederick allait envenimer la situation, déjà difficile.

 

Courrier du prince Frederick à van Vreedenburch de décembre 1818.

Extrait du courrier du prince Frederick à van Vreedenburch du 15 janvier 1819 (Archives Prince Frédéric).

 

Car tout cela tombait à pic, une « charte » qui proposait deux grades après les trois symboliques et excluait complémentairement toute filiation templière à la maçonnerie. Déjà, grâce à celle-ci, le prince Frederick put se détourner du rite écossais rectifié auquel il avait été initié en 1817. Il n’avait pas pu refuser cette réception privée (le régime rectifié n’existait pas aux Pays-Bas à cette époque), semble-il le 27 octobre 1817, à son grand-oncle Christian de Hesse-Darmstad, ce dernier voulant introduire le régime dans les Pays-Bas réunis.[44] Encore des templiers ! Pour la petite histoire, le prince de Gavre connaissait ce beau monde : dans son intention d’introduire la Stricte Observance ou du moins sa version rectifiée, Christian de Hesse avait prévu que le prince de Gavre serait le responsable du régime pour la partie méridionale, compte tenu du rite professé à Namur.[45]

Toujours est-il que le prince Frederick fit établir, outre les fac-simile, des copies en latin et traduction néerlandaise de sa charte qu’il distribua à certaines loges. Poursuivant sa volonté d’uniformiser les Hauts Grades à sa mode, en s’appuyant notamment sur cette charte, des 4 hauts-grades pratiqués dans le nord, le prince Frederick voulut les réduire à deux de son cru (Élu et Suprême Élu), ce qui ne fit pas plaisir à beaucoup de loges du nord, mais soit, c’est le grand-maître, donc la résistance bien que réelle sera sans éclat. Il créa à cet effet des « Afdelingen van de Meestergraad » qui existent toujours dans les Pays-Bas d’aujourd’hui.

 

Extrait de la Charte : (traduction) « (Α) Que la Société des Francs-Maçons, ou Ordre des Frères attachés aux devoirs sacrés de St. Jean, ne tire pas son origine des Templiers, ni d'aucun autre ordre de chevaliers, ecclésiastique ou séculier, détaché ou lié à l'un ou à plusieurs d'entre eux, et n'a pas la moindre communauté avec eux, directement ou par quelque lien intermédiaire que ce soit ; qu'elle est plus ancienne qu'aucun ordre de chevaliers de cette description, et qu'elle existait en Palestine et en Grèce, ainsi que dans toutes les parties de l'Empire romain, bien avant les guerres saintes et l'époque des expéditions des chevaliers susnommés en Palestine. »

« (Β) Que notre Confrérie comprend, aujourd'hui comme hier, les trois degrés de Disciple, Compagnon et Maître. Le dernier, ou Maître, admet des Maîtres élus et des Maîtres élus supérieurs. Par contre, toutes les Confréries ou Fraternités ainsi appelées, qui admettent plus ou d'autres dénominations ou subdivisions, qui s'attribuent une autre origine, et qui, se mêlant des affaires politiques et ecclésiastiques, font des promesses et des protestations, usurpant quelque titre que ce soit, de Francs-Maçons ou de Frères, répondant aux devoirs sacrés de St Jean, ou d'autres qui n'appartiennent pas à notre Ordre, doivent en être expulsées et éjectées comme Schismatiques. »[46]

 

Extrait de la Charte de Cologne. Partier basse. Tiré de W Begeman, Die Haager Loge, 1907

Extrait très lisible de la Charte de Cologne. Partie inférieure. Le texte utilise le code dit noachite, qui existait à cette époque. Tiré de W Begeman, Die Haager Loge, 1907

 

L’année 1819

L'année 1819 est riche en événements. Le prince Frederick se démet, en toute logique, de sa présidence du Grand Chapitre (HoofdKapittel), l’organe des Hauts-Grades de type "moderne" pour la partie septentrionale.

 

Le 25 avril 1819, plus d’un an après sa communication aux loges du nord, voyant que les choses ne se passaient pas trop mal, il voulut imposer ce système au sud. C’est probablement le vrai but de toute la manœuvre : mettre fin aux désordres, selon lui et son entourage proche, des Hauts-Grades au sud et diminuer notamment l’influence des proscrits français dans les loges. Il envoie une lettre circulaire adressée aux maîtres-maçons les engageant dans le nouveau système, puis le 15 mai, sur ses instructions, le prince de Gavre envoie des documents traduits en français à toutes les loges du sud portant sur les nouveaux grades …

Le prince Frederick provoque exactement l’inverse de ce qu’il souhaitait. Levée générale de bouclier. C’est à qui serait le plus haut sur les barricades. C’est à ce moment qu’il perdit au sud un large capital sympathie qu’il ne récupérera plus. La loge de Namur ne fut pas en reste, Gavre (compte tenu de sa position dans l’Obédience, ce n’était pas rien), Marchot et d’autres se montrèrent des opposants farouches. La lutte dura presque trois ans.

 

Wargny, qui n’était pas opposé à la réforme : « … ; les passions humaines toujours mères des injustices s’en mêlèrent ; on supposa, ou l’on feignit de supposer des adhésions particulières ou secrètes ; quelques FF:. furent ainsi signalés comme partisans de la reforme et devinrent en but à la malignité et même aux lettres et dénonciations anonymes! Nous ne rapportons ce fait que pour donner une idée de la violence de l'opposition. On accusait d’être partisan des innovations, comme d'un délit qui devait faire perdre l'estime Maçon:. et peut-être la considération publique! Il parait même que quelques FF:. crurent devoir déclarer presque officiellement qu'on les signalait à tort comme adhérens aux propositions de S.A.R. le Prince Frédéric! » [47]

 

Henri Vieuxtemps, né à Verviers en 1820 et décédé à Alger en 1881. Ici à l'âge de 8 ans et déjà un prodige reconnu. Peint par Bartelemy Vieillevoye, 1828. Image wikicommon.

Henri Vieuxtemps, né à Verviers en 1820 et décédé à Alger en 1881. Ici à l'âge de 8 ans et déjà un prodige reconnu. Peint par Bartelemy Vieillevoye en 1828. Sa splendide musique est toujours jouée par les plus grands artistes dans les plus grandes salles. Il fut reçu en 1841 à la loge bruxelloise Les Amis de l'Union et du Progrès. Image wikicommon.

 

Le 20 mars 1820

Comme s’il n’y avait pas assez d’agitation, par une circulaire destinée aux Rose-Croix de la partie méridionale, le prince Frederick jette de l’huile sur le feu. En effet, sur un tableau à deux colonnes, soit l’une soit l’autre, il demande aux Rose-Croix de choisir : soit ils souhaitent rester dans ce grade en mettant leur nom sur la colonne de gauche, soit ils désirent substituer ce grade pour celui de Maître Suprême Élu en mettant leur nom sur la colonne de droite. Le double choix n’est pas possible.[48] Étonnant d’aveuglement, ce n’est plus de l’obstination, c’est de l’obsession.

Cette même année, la loge Bruxelloise, L’Espérance, rejette la réforme proposée, son Vénérable Maître titulaire, le prince Guillaume (futur Guillaume II), n’y est pas favorable.[49] Est-ce à dire que le frère du prince Frederick connaît les dessous de l’affaire et ne voulait pas en être complice ? C’est fort possible compte tenu de la proximité des deux frères, car une telle prise de position est évidemment de nature à ruiner entièrement les efforts du Grand Maître au sud et pas seulement.

 

On ne doit donc pas s’étonner que des extrêmes soient atteintes. Le 23 avril 2021, installation de la nouvelle Loge La Constance à l’Orient de Menin en Flandre occidentale, sur la frontière française et la province de Hainaut, n°34 au tableau des Loges méridionales. Les Commissaires Installateurs, selon Wargny, exigèrent de tous les FF:. présents le serment « de repousser toujours les tentatives faites ou à faire pour l’introduction du système des Él:. ».[50] D'après Clement, il s’agit de Remy Honnorez, Vénérable Maître 'adjoint' de L’Espérance.

Clement reprend un courrier du 25 avril de Schuermans (procureur du Roi à Bruges) adressé à Wargny, les deux sont subdélégués pour le sud du nouveau système des Élus. Il était venu à l’installation de la loge et relate l’événement au cours duquel il s’était senti directement visé : « Le F:. Honnorez, l’un des co-installateurs, dans son discours a parlé de ces grades avec mépris. Il a fait jurer en Loge qu’aucun F:. ne les accepterait. Il a demandé s’il y avait opposition. Les frères présents firent presque tous le serment avec enthousiasme. … J’ai cru de nouveau devoir garder le silence quelque inconvenant et même indécent que fut le procédé du frère Honnorez car tous les yeux étaient fixés sur moi. … [ndr : il y a de l’humour ici] J’aurais mieux fait peut-être de ne pas porter une décoration de R+, mais j’étais dans l’habitude de la porter ... ».[51]

 

Menin. Loge La Constance, 23 avril 1821.

 

21 mai 1821

Voici des extraits de la réponse de Namur votée à l’unanimité, (d’autres loges firent de même). Notons que Wargny, Grand Orateur de la Grande Loge méridionale, dans ses Annales, publiera in extenso cette réponse, mais seulement dans le tome VI (pour l'année 1829) ; faut-il ajouter qu’il était, avec Schuermans, les subdélégués du prince Frederick du nouveau système des Élus, ceci explique sans doute cela.

 

« … Quant à nous, régulateurs Suprêmes du Rite primitif dans le Royaume, nous nous sommes prononcés sur les propositions qui ont été faites à cet égard aux Loges de notre Rit, d’une manière à ne laisser aucun doute sur notre conduite future. [] Les statuts fondamentaux de l’Ordre maçonn:. dans le Royaume des Pays-Bas ont garanti la liberté des Rits qui y étaient suivis à l’époque où ces statuts ont été acceptés par les Loges des provinces méridionales et septentrionales. Cette acceptation a formé, entre tous les Maç:. du Royaume, un pacte qu’il n’est plus au pouvoir de quelques-uns d’entre eux de détruire. La faculté de pratiquer les hauts Grades particuliers à ces Rits ne peut donc recevoir aucune atteinte. Et comment les membres du Rit primitif pourraient-ils, en adoptant le nouveau système proposé, participer à la destruction de ce Rit, eux qui lors de leur initiation aux divers Grades qui le constituent, ont juré solennellement d’en observer les principes et les règles ? ... »[52] Cette année-là (9 juillet), puis les suivantes, la loge de Namur publie officiellement le tableau des membres de son Rit, comprenant, non seulement les membres de sa loge et leurs grades, mais aussi des membres extérieurs, ainsi que les loges de sa correspondance qui professent les 4 rites usités dans la partie méridionale, nommément indiqués. On y voit, pour la loge, trois de ceux-ci, commandeur de l’Intérieur, qui seront lors de la révolution belge, membre du Congrès national.[53]

 

Tableau de la Bonne Amitié de 1822. Archives de Moscou, CEDOM.

Tableau de la loge La Bonne Amitié de 1822. Archives de Moscou, CEDOM.

 

24 mars 1822, le prince de Grave propose sa démission au Grand Maître Frederick comme représentant particulier pour la Grande Loge méridionale. Le prince Frederick la refuse et Gavre est reconduit pour trois ans par l’assemblée générale.

 

25 mars 1822 eut lieu la première et dernière assemblée générale des Maîtres Élus et Maîtres Suprême Élus à Bruxelles pour la partie méridionale du pays. La présence des membres était à ce point clairsemée que chacun compris : il n’y aura pas de chambre des Maîtres Élus et Maîtres Suprême Élus dans cette partie du pays. Ceci clôt définitivement la tentative de contrôle, par leur destruction, des Hauts-Grades du sud, alors que quelques semaines auparavant, celle tenue pour la partie septentrionale à La Haye montrait la bonne santé du nouveau système, faisant directement concurrence à l’ "HoofdKapittel" néerlandais (Rose-Croix) qui était déjà une vieille institution.

 

60e anniversaire de l'Afdeling van de Meestergraad (Chambre des Maîtres Élus) - Pays-Bas.

60e anniversaire de l'Afdeling van de Meestergraad (Chambre des Maîtres Élus) - Pays-Bas.

 

Le prince Frederick dût reculer entièrement pour que le calme puisse revenir et perdit une partie d’un crédit durement acquis au sud : non, la franc-maçonnerie ne sera pas un instrument d’amalgamation comme Guillaume 1er l’avait souhaité, probablement au contraire. Boerenbeker* dans Thoth (traduction): « La tragédie de toute cette histoire est que ce qui était en partie et sincèrement destiné à créer l'unité et la solidarité entre les frères des deux parties du pays, s'est terminé par la discorde et l'éloignement ».[54]

*Egbert Adriaan Boerenbeker, auteur de plusieurs livres concernant la franc-maçonnerie, a été Grand-Maître du Hoofdkapittel de 1986 à 1987.

 

Cet épisode, du côté septentrional, eut des répercussions sur tout le XIXe siècle maçonnique. C’était le seul pays qui ne pratiqua aucun grade templier. D’une certaine manière, les grades templiers ont humilié le grand-maître et la révolution belge n’a fait qu’accentuer ce rejet. Restait de cet épisode, une « Chambre des Maîtres Élus », spécifique aux Pays-Bas septentrionaux, au côté d’un « Ordre des Hauts Grades » (Hoofdkapittel) de style rite ‘moderne’. Ce qu’on appelle le « Covenant van 1835 » (L’alliance de 1835) va fixer cette structure de façon plus définitive : les 3 grades symboliques, le système Rose-Croix (Oppergraden volgens hun Wetboek van 1827) et la section des Maîtres Élus, rien d’autre.[55] Ce qui n’empêcha pas de nombreux hollandais de vivre un Rose-Croix autrement et de continuer leur parcours au-delà en venant en Belgique, les distances sont courtes. Mais il faudra attendre le début du XXe siècle pour que le Rite Ecossais Ancien et Accepté et son Suprême Conseil (1913) s’implantent dans les Pays-Bas, retour de l'histoire, installés par ce Suprême Conseil de Bruxelles qui fut tant combattu lors de sa création en 1817.[56]

Notons que les réfutations de cette charte ne manquèrent pas. Citons, pour les plus connues, celles de Findel et de Kloss.

 

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Couverture du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

Couverture du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

 

L’instrumentalisation « Kantienne » de la Charte

 

C’est un aspect rarement abordé par les historiens. Kant proposait une philosophie nouvelle, qui sera vite à la mode, issue des Lumière. Emmanuel Kant -1724-1804- : Critique de la Raison pure 1781, Critique de la Raison pratique 1788, Critique de la faculté de juger 1790) portant sur l’autonomie de la raison : « Notre siècle est le siècle de la critique à laquelle tout doit se soumettre » écrira Kant dans la préface de la ‘Raison pure’. À la question de savoir ce que sont les Lumières, il répond : « [C’est] la sortie de l’homme hors de la minorité où il se maintient par sa propre faute. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) ». Cette philosophie influença fortement la franc-maçonnerie de l’époque, du moins on pourrait le croire.[57]

La philosophie de Kant était largement répandue parmi les élites du Royaume uni (Falck, Kinker, par beaucoup de côté Gavre, Walter, prince Frederick, etc., mais avec des significations sans doute différentes pour les uns et les autres), elle sera gauchie, je dirais même pervertie, par les aspects religieux du nord : la religion Kantienne aux service des « Élus » (on a presque l’impression d’entendre « prédestinés » au sens calviniste du terme).

L’utilisation de la Charte de Cologne, dans les Pays-Bas du nord, dans un but certes maçonnique mais anticatholique, et par là pour combattre les grades « jésuitiques », est une réalité en mode ‘instrumentalisation kantienne’ qu’il s’agit de ne pas sous-estimer : voir plus haut, la lettre de Kinker à Falk, 1817 : « … on peut encore nettoyer beaucoup de choses dans les hauts grades, où l'esprit jésuitique ne souffle pas peu ». Il ne faut pas chercher loin pour retrouver le terme jésuitique dans la littérature maçonnique du XVIIIe siècle : il suffit de lire bien sûr Bonneville, mais aussi Cadet de Gassicourt ou Barruel.

 

Voici une publication parue à Bruxelles en 1805, donc récente pour nos protagonistes, qui montre un état d’esprit, surtout chez ceux qui ne demande qu’à être convaincu : c’est apparemment le cas d’un Kinker ou d’un prince Frederick. On peut y lire : « Enfin, l’on ne peut douter que les rose-croix, sous différens noms et différentes formes, n’aient infecté plusieurs loges de leurs chimères magiques, théosophiques, cabalistiques, et de leur rêve d’alchimie : ils ont pu être portés par leur propre intérêt ; mais peut-être aussi par les intrigues des jésuites qui n’étaient pas ennemis de ces routes cachées, quand elles pouvaient les conduire au but. Il est certain que ce fut précisément après la suppression des jésuites, que les rose-croix trouvèrent le plus de disciples empressés comme si l’esprit jésuitique avait cru trouver dans les roses-croix un nouveau moyen de conserver son influence. »[58]

 

De Vrijmetselarij en de Jesuitisch-Hierarchische Propaganda. Amsterdam, 1839.
De Vrijmetselarij en de Jesuitisch-Hierarchische Propaganda. Amsterdam, 1839.

 

Pour certains, l’esprit « réformé » -celui de la raison, forcément- permettait de considérer ces hauts-grades et certainement les grades templiers, mais aussi le rose-croix comme trouvant leur origine, tout ou partie, dans la religion romaine, synonyme pour eux d’obscurantisme, d’intolérance, de fanatisme et de superstition. Cet arrière-fond religieux, avec des relents Kantiens, permet de mieux comprendre cette réaction extrêmement forte, par certains côtés violente, certainement inattendue pour les concepteurs du système des Élus, des loges du sud dont les membres, même s’ils étaient anti-cléricaux et libéraux, nourris au matérialisme des Lumières françaises, n’en étaient pas moins largement catholiques. Pour eux, l’obscurantisme ne venait pas que des « petits curés fanatiques », mais pouvaient également venir du nord. Ils étaient choqués, au sens fort, de ce qu’on essayait de leur imposer, une sorte d’idéologie calviniste, de surcroît venant de personnes en principe de leur ‘bord’. L’incompréhension mutuelle aurait quelque chose de comique si elle n’avait eu, finalement, de telles conséquences, "la discorde et l'éloignement".

 

Vignette de début du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

Vignette de début du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

 

Par exemple, l’explication donnée aux deux gravures (il n’y en a que deux) repris ci-dessous publiées dans le livre de la fête des 300 ans (1835) de la Charte par la loge d’Amsterdam, La Bien Aimée, ne laisse aucune équivoque [59] :

 

1ère gravure. (traduction) « Le temps tente d'abattre le Temple chancelant de la Religion, qui penche déjà, alors que ses murs ne sont soutenus que par la superstition et le fanatisme ; mais devant le Temple ont été élevées, pour empêcher sa chute, deux colonnes représentant l'Art de l'Imprimerie et la Réforme (ARS TYPOGRAPHICA, REFORMATIO). Au-dessus du Temple flotte le Génie de la F:. M:. ; il invite à regarder vers le dessus, vers la cathédrale de Cologne qui s'élève dans les nuages où, sur le fronton de la porte du milieu, est écrit le mot CHARTA ; de l'autre main il tient un triangle dans lequel sont écrits les mots : AIMEZ VOTRE PROCHAIN COMME VOUS-MÊME : DONNEZ À DIEU CE QUI EST À DIEU ET À L'EMPEREUR CE QUI EST À L'EMPEREUR ; comme s'il disait : ‘‘Votre travail est inutile. Si les supports qui ont été élevés pour le Temple ne sont pas assez solides, alors voyez : là-bas, à Cologne, un noble prêtre garde les moyens de sa reconstruction’’ ; on lit ‘‘leurs principes fondamentaux par lesquels le véritable service de Dieu est préservé.’’ Dans les nuages apparaît une partie du zodiaque, sur laquelle, en lettres gothiques, est écrit : 24 juin 1535. La légende prévue de cette scène se lit comme suit : Quand l'intolérance et la superstition soutenaient seules la religion, le bras du temps menaçait son église fragile. Mais quand l'art de l'Imprimerie a parlé, la Réforme est apparue. Ensuite, le Temple a trouvé un soutien dans l’Amour et la Fidélité Humaine. Cet Amour et cette Fidélité, cultivés sur les purs autels de Dieu, Accordez le Tout-Puissant à travers votre enseignement, ô francs-maçons ! »

Notons que depuis l’origine de la Réforme et donc aussi du calvinisme, la religion romaine est, pour ceux-là, celle de la superstition et du fanatisme, alors que l’Imprimerie est ici synonyme, car le support par excellence, de la Bible, instrument fondamental de la Réforme, et donc sous-entendu de la Lumière et de la Raison : très logiquement elles forment les deux colonnes sur lesquelles s’appuie le temple vacillant de la religion à cause de l’obscurantisme papiste. En d’autres termes, la franc-maçonnerie est d’essence « réformée » sinon calviniste, où elle trouve effectivement son origine.

 

1ère gravure du livre:  Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

1ère gravure du livre:  Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

 

La seconde gravure ne dit pas autre chose. (traduction) « Le Génie de la F:. M:. indique au temps rajeuni, les fruits qu'ont produits les vrais principes fondamentaux, et qui sont marqués sur une colonne sur laquelle sont les noms de toutes les Sociétés, Associations et Institutions des Lumières qui sont nées à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle. Dans la mesure où leurs Fondateurs et co-Fondateurs étaient des F:. M:., ceci est indiqué, du côté de l'ombre, par l’équerre et le compas, placés à côté de leurs noms. Au-dessus de la colonne, dans une lumière scintillante, se trouve le nom de JÉHOVAH en hébreu. Le Génie encense cette colonne, et la fumée de l'encens s'élève le long de celle-ci jusqu'au sommet, comme s'il disait : ‘‘Voici, ceux-ci conduisent aussi l'homme et le frère à la juste connaissance et au respect absolu du seul vrai Dieu.’’ Une autre partie du zodiaque apparaît dans les nuages, sur lesquels, en écriture latine, on y trouve la date du 24 juin 1835. Au sol se trouvent quelques attributs de la F:. M:., de prospérité et d’abondance. La légende ci-dessous se lit comme suit : Regarde autour de toi, ô temps gris, qui arrive ici avec jeunesse ! Pas une nuit de superstition où l’on forge des abominations ; pas de torche scintillante, criarde et éblouissante, mais la Lumière de la Raison seule... voyez ce que vous trouvez ici. Le franc-maçon applaudit ; la prospérité couronne son enseignement. Et le saint sacrifice s’élève pour honorer Jéhovah, Dieu. »

 

2d gravure du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

2d gravure du livre: Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen.

 

 

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Sceau de la Bonne Amitié, apparu en 1777, encore utilisé (rarement) en 1929.

Un des sceaux de la Bonne Amitié, apparu vers 1777, qui fut utilisé, ici en 1929. Archives de Moscou, CEDOM.

La Loge de Namur

 

Introduction

 

La loge de Namur accueillit favorablement les idées de la Révolution française lorsque celles-ci s’implantèrent dans le pays (1794), nous le verrons lorsque nous étudierons la période française. Lors du changement de régime, en 1814-15, les loges belges traversèrent passivement, avec peu de casse, même si cela se fit dans un grand désordre : « d’une confusion babylonienne ».[60] Dans la mesure où les puissances victorieuses, au congrès de Vienne, avaient réglé le sort de la Belgique sans demander l’avis des populations, il n’y avait là aucune raison de se disputer et de claquer les portes.

Il n’en sera pas de même lors de la Révolution belge de 1830 qui sera fatale à de nombreuses loges méridionales.

 

Même si la réorientation de la maçonnerie des Pays-Bas méridionaux vers le nord était à l’ordre du jour, la France maintenait une forte attraction culturelle, et pas que, au grand dam du nouveau pouvoir, outre les proscrits français bien présents. La loge de Namur était plutôt anticléricale, sans être anti-catholique. Sa 60aine de membres relevaient surtout du mouvement libéral de l’époque. Dès lors, durant un grande partie de ces 15 années de Royaume Uni des Pays-Bas, la loge se trouvait plutôt en accord avec le pouvoir orangiste, d’autant que, dans cette province wallonne, la question linguistique ne se posait pas. Sur le plan religieux, on restait avec l’évêque Pisani de la Gaude, plutôt un libéral, même s’il fit cause commune avec l’évêque de Gand, Maurice de Broglie. Il s’entendait d’ailleurs fort bien avec Joseph Walter, l’ancien président de l’Assemblée départementale (Département de Sambre et Meuse : Namur) dans sa lutte contre les « stevenistes », nous étudierons cela lors de l’examen de la période française. Et Namur restait, certes avec un secteur agricole important, mais aussi industriel avec ses maîtres de forge, nombreux dans la loge, ses verriers et autres industries, tenu par des patrons plutôt dans la mouvance libérale et proches de la franc-maçonnerie, ce qui veut également dire que la neutralité d’un enseignement par ailleurs gratuit leur convenait. On comprend que l’indépendance de 1830 fut une étape difficile à franchir pour la loge.

 

Lorsque, après 1825, le pouvoir se raidit, en appliquant une censure de plus en plus sévère sur la presse, les libéraux se distancièrent de Guillaume 1er, la rupture sera consommée lors de l’emprisonnement en 1828 de Louis de Potter, puis son bannissement. C’était d’ailleurs un franc-maçon de la loge Bruxelloise « La Paix et la Candeur », initié apparemment en 1808 à « La Candeur », mais il était très peu actif, de son aveux même.

 

De même, trois des présidents de la loge namuroise durant la période hollandaise, devinrent des « révolutionnaires » engagés de 1830, membres du Congrès national du nouveau pays qui se formait. Mais tous ne suivirent pas ce chemin. Tant le prince de Gavre, pilier du régime et de la maçonnerie orangiste, que Joseph Walter, un des piliers fondateurs de l’université de Liège, ou Victor Marchot fils, restèrent orangiste. Et puis n’oublions pas que ce beau monde, relativement « endogame », est souvent lié à l’industrie, les glaceries avec les Wasseige, les maîtres de forge avec les Raymond ou les Zoude, etc. Et que de nombreux mariages les lient les uns aux autres. Peut-être opposés politiquement, ils restèrent copains financièrement, parents familialement, frères en maçonnerie, les lignes avaient dès lors tendance à bouger selon les circonstances.

 

Avec la fin de l’Empire français, des officiers des différents pays de la coalition firent partie de nos loges, comme le souligne Auguste de Wargny.[61]

« Avril [ndr :1814]. La grande crise paraissait calmée après les mémorables événemens militaires et politiques qui venaient de se passer en France ; les Maç∴ Belges, malgré l’immensité des charges qui pesaient sur eux, commencent à rentrer dans leurs LL∴ Plusieurs officiers russes, prussiens, Suédois, Anglais et Allemands, sont initiés à Bruxelles, Gand, Anvers, Bruges et autres villes ; des Maç∴ de presque tous les peuples de l’Europe fraternisent au sein de la Belgique. »

 

Et par exemple, la loge de Huy, sur la Meuse en aval de Namur, petite ville qui possédait un fort dont la garnison se montait à ce moment à 10 000 hommes de troupes, fille de la loge de Liège et portant le nom des « Amis de la Parfaite Intelligence », créée en 1809, initia 2 officiers prussiens lors de sa tenue du 9 juin 1814.[62]

 

Wargny, tome 1

Tableau des LL rég en activité dans la Belgique méridionale, à l’époque du premier janvier 1814, par ordre d’ancienneté de constitutions, et avec les indications nécessaires.

 

1. La Bonne Amitié à Namur, fondée par la G L d’Edimbourg, les nones de février 5770, (9 février 1770 [63]) reconstituée par le G Or de France, le 24 juin 1808, professait exclusivement le rite dit Écoss primitif, dont elle était la Mère-Loge ou chef-d’Ordre dans les Pays-Bas, où aucune autre L rég ne pratiquait ce rite au premier janvier 1814. Le G Or de France ne l’avait d’ailleurs jamais reconnue que sous ce seul rite et jamais sous celui dit moderne ou anc réf Adresse. AM. Labonmienatie, sous le couvert de M.J. Walter, rue St. Nicolas, N° 1081 .[64]

 

 

La loge occupait un local situé sur la rue des Brasseurs qu’elle louait. Mais sa tranhumance ne s'était pas arrêté là. Cf document repris ici.

Archives de Moscou. CEDOM.

Archives de Moscou. CEDOM.

 

Le 1er juillet 1818

 

Ce fut Charles-Alexandre de Gavre (1759-1832) qui succéda à Charles-Henri Serome (1755-1813) comme Grand Commandeur du Rite écossais Primitif et du ‘Grand et Sublime Chapitre de l'Intérieur du Temple’, à partir du 1er juillet 1818. Autant Serome fut le représentant emblématique de la loge durant la période française, autant Gavre sera celui de la période hollandaise, qui vit la loge atteindre une notoriété remarquable.

 

Cette désignation fut l'occasion de se réjouir.

Le long discours qu’il prononça durant la cérémonie est repris in extenso dans sa biographie réalisée par Jean de Dorlodot [65] : « En m’acquittant du devoir que m’impose l’honneur que vous avez bien voulu me faire en me nommant Gr:. Mtre:. du Rit primitif, je sens plus que jamais le prix de cette faveur. Qu’il soit donc permis à ma reconnaissance de se produire dans toute son étendue. Comment pourrai-je mieux reconnaître vos bontés qu’en les ayant sans cesse présentes à ma mémoire. Dès que je reçus le Bref que vous daignâtes m’adresser en me faisant part de ma nomination, je compris tout ce que ce choix avait de flatteur pour moi, mais j’envisageais en même temps toute l’étendue des obligations auxquels ce choix me soumettait. L’amour-propre ne m’aveugla pas au point de céder sans réflexion à une offre aussi honorable ; je sentais mon insuffisance ; mais j’osais me reposer sur mon zèle ».

Que c’est bien dit ! Suit une longue dissertation sur le templarisme. Il succède ainsi, 5 ans après son décès, à Charle-Henri Sérome. Probablement que cela fait suite à la réorganisation du rite qui se réalise dès le 5 janvier 1818, rendue sans doute nécessaire suite, d’une part au discussion de rapprochement des deux Grandes Loges du sud et du nord et à l’apparition du Suprême Conseil des Pays-Bas à Bruxelles, né par fusion en décembre 1817, du moins on peut le penser. (Je renvoie pour celles et ceux intéressés par ce Rite écossais primitif aux 10 articles que je lui ai consacré en 2023, et que vous trouverez ici).

 

Fronton à l'entrée du château de Monceau sur Sambre. Blason de la maison de Gavre. Image wikicommon.

Fronton à l'entrée du château de Monceau sur Sambre. Blason de la maison de Gavre. Image wikicommon.

 

Les présidents de la loge durant cette période furent Isidore Fallon (1815-8) qui succédait à Joseph Walter, dernier vénérable maître de la période française (1808-1814). Ensuite, ce fut Léopold de Labeville (1819-20), Désiré Arnould (1821-4-6-9) puis son frère Théophile Fallon (1822, 1825, 1827, 1830-1) qui devient membre de la deuxième Chambre des États Généraux en 1822, Philippe-Casimir Marchot (père) (1823) et Louis Lonhienne (1828).

Trois d'entre eux, les Fallon et de Labeville, furent des figures importantes de la révolution belge de 1830, membres du Congrès fondateur du nouveau pays, je renvoie à l’article sur les débuts de la période belge ; Arnould fut directeur du Mont-de-piété de Namur et fondateur de la société pour l’encouragement de l’instruction élémentaire ; Marchot-père fera l’objet d’une notice lors de l’étude de la période française[66] (l' ‘orangisme’ de son fils Victor a été abordé dans l’article portant sur les premiers temps de la période belge) ; et Lonhienne, un avocat de Dinant, sera le moteur de la création des « Enfants de la Bonne Amitié » de Dinant, loge éphémère apparue en 1838.

Notons que deux Zoude, Charles et Léopold (lui est membre de la loge), dont les liens familiaux avec des membres de la maçonnerie namuroise -les Fallon par exemple- sont anciens, mais aussi Ignace Henri, Léon Coupienne, de même que Stassart, également membres de la loge, firent partie du Congrès national.

 

Isidore Fallon. Image Wikicommon.

Isidore Fallon. Image Wikicommon.

 

Ce fut une période faste pour la loge namuroise ; elle existait depuis une bonne cinquantaine d’année. Cela nous semble aujourd’hui peu, mais à cette époque, si elle était considérée comme la plus ancienne loge encore en fonction dans nos régions, par rapport aux anciennes loges septentrionales, elle est loin du compte. C’est dire que la maçonnerie dans nos régions était encore jeune, d’autant plus que, contrairement à la partie septentrionale, la grande majorité de nos loges étaient très récentes car créées durant la période française : c’est une vraie différence. Beaucoup restait à inventer. De plus, celles-ci pratiquaient majoritairement « leur » rite ancien reformé, même nom que pour le nord, sauf que dans ce cas-ci le rite lui vient de France (c’est le rite moderne-français), tandis que pour l’autre partie, le rite venait directement d’Angleterre, des « modernes ».

 

Deux maçons de la loge firent véritablement le lien entre la maçonnerie namuroise d’ancien régime et celle de cette époque, tant pour le bleu que pour les hauts grades, ce furent Sérome et de Gavre. L’un et l’autre, initié à peu près en même temps, vers 1774, rejoints rapidement après l’arrivée de la révolution française dans nos contrées (1792-4) par Joseph Walter et Pierre Darrigade, furent les moteurs de la réussite de la loge, en lien avec les décennies passées. Elle ne connut aucune solution de continuité, sauf durant les 2-3 ans de guerre austro-française, assumant des périodes non-obédientielles (1786-1789 & 1794-1808) sans réel problème, nous l’examinerons lors d’un prochain essai. C’est assez remarquable pour être souligné.

 

Charles-Henri Serome était décédé à la fin de la période française, le 25 avril 1813. Sur le plan familial, la famille Serome était liée avec les familles Fallon (et Wasseige), Zoude, Piéton, dont on trouve des représentants dans la loge.

 

Sketch of the History of the Knights Templars. 1ère édition, 1837 (ici seconde édition de 1840).

Sketch of the History of the Knights Templars. 1ère édition, 1837 (ici seconde édition de 1840).

1819 et le Sketch

 

C’est à ce moment que se place la « guerre des Hauts-Grades » (voir plus haut) qui risquait de détruire l’essence même du rite primitif. On comprend que Charles-Alexandre de Grave, Joseph Walter, Marchot-père, avec d’autres, furent au premier plan pour s’élever contre le projet et refuser de l’appliquer à Namur et plus largement dans la maçonnerie des Pays-Bas septentrionaux.

 

Notons ce point particulier et curieux. La prétendue Charte de Cologne de 153 va être utilisé par Marchot père (Philippe-Casimir), qui apparemment pense que, non seulement le document n’est pas apocryphe, mais est « intéressant ».

Marchot père entretient un réseau de correspondance et de transmission de copies de document manifestement assez large, ce qui permet, les uns les autres, de s’informer et le cas échéant d’agir. C’est un lettré, le latin lui est familier, il a des connaissances d’histoire, etc., mais de son aveux, ne parle pas le néerlandais. Notamment, il correspond avec le fr:. Etienne-Louis de Joly (1756-1837), de Paris, homme politique, avocat, ancien ministre, il est membre du Grand Consistoire des Rites (qui devient en 1826 le Grand Collège des Rites). La France est toujours très attractive, surtout sur le plan culturel, d’autant plus que la langue usuelle d’échange de ces provinces wallonnes est mise à mal par le nouveau régime. Sa correspondance avec Joly porte principalement sur les affaires des Suprêmes Conseils de Bruxelles et de Paris. Nous avons cependant ici une longue lettre qui porte sur la Charte de Cologne. En voici le long passage qui traite de cet objet, dans le but de réfuter l’opinion de son correspond lequel pense qu’il s’agit d’un faux fabriqué dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

 

Étienne-Louis de Joly. Peint par Antoine Vestier. Image wikicommon.

Étienne-Louis de Joly. Peint par Antoine Vestier. Image wikicommon.

 

Courrier de Nivelles du 2 novembre 1819 à Étienne-L Joly : « La première des pièces dont je viens de vous communiquer la substance, jette au grand jour, T:. Ill:. F:., sur la question que vous m’avez proposée par votre dernière lettre relativement au manifeste du Convent de Cologne, du 24 juin 1535. En effet, si cette pièce n’est point elle-même fabriquée tout récemment elle prouve d’un manière incontestable que ce manifeste n’a point été fabriqué de 1762 à 1780, comme vous paraissez disposer à la croire. Or je n’ai nul motif de penser qu’on ait poussé, en l’an 1818, l’impudence jusqu’à ce point de nous donner comme rédigés en 1637 et 1638, des procès-verbaux qui auraient été composés l’année dernière, et pourquoi ?[67] Pour donner un air d’antiquité à une charte -celle de 1535- qu’on aurait aussi bien pu nous présenter comme datant de 1535 sans devoir la mentionner dans des pièces auxquelles on aurait assigné une date postérieure d’un siècle. Je le répète, je ne saurais me familiariser avec l’idée qu’on ait pu pousser la supercherie jusqu’au point de fabriquer tout à la fois, dans le courant de l’année dernière, et la pièce de 1535, et celles de 1637 et 1638 en mentionnant celle-là. Si l’innovation projetée n’eut été que le résultat d’une combinaison politique, il me paraît qu’il était bien plus aisé de la proposer en 1816, lorsque le Prince Frédéric a été nommé Gr:. Maît:. de l’Ordre maç:. en Hollande. C’était alors qu’il aurait fallu fabriquer et présenter comme étant de la plus haute antiquité, le manifeste de 1535 et les procès-verbaux des années 1637 et 1638. Bien loin que l’on ait songé à employer alors cet artifice, le Prince Frédéric a été promu aux plus hauts grad:. dans le Chap:. Supérieur établi à Groningue. C’est en 1817 que le même Prince a proposé les voies propres à réunir les maç:. Belges et Hollandais et à leur procurer une administration commune. C’est encore à cette époque, me semble-t-il, qu’on aurait dû tenter l’innovation, et fabriquer les pièces propres à l’établir si tant il est vrai que cette innovation puisse être attribuée à des vues politiques. Au lieu de cela, le projet des Statuts fondamentaux, rédigé par les commissaires nommés par le Prince lui-même, et dans le nombre desquels se trouvait le F:. d’Yvoy, qu’on croit généralement n’être point étranger à cette innovation, ce projet, dis-je, reconnaît en principe l’existence, la liberté, l’indépendance de tous les Rits alors connus. On était donc de bonne foi alors, et personne ne pensait à la charte de 1535. L’on voit dans le procès-verbal hollandais qui se trouve imprimé avec les exemplaires qui ont été adressés de cette charte, que cette pièce a été exhibée le 15 mars 1818 par le Fr:. Vanvreedenburch à l’assemblée réunies des Loges de l’Union royale, de la Concorde, de l’Union Frédéric à La Haye, et du Silence à Delft, comme étant un document ancien nouvellement retrouvé, et que peu de temps après cette époque du 15 mars 1818, qu’elle a été adressée circulairement aux Loges du Royaume. Si l’on pouvait croire que les différentes branches de l’Écossisme eussent été de nature à alarmer le gouvernement, cette crainte eut dû plutôt être ressentie en 1817 qu’en 1818, puisque pendant la première de ces deux années, il y avait une sorte de dissensions entre le Rit ancien et le Rit moderne, à raison de la suprématie que celui-là cherchait à établir sur celui-ci. Ce qui me porte à croire que le record de Cologne ne peut dater du siècle dernier, c’est la mauvaise latinité dans laquelle il est rédigé, et qui est celle dans laquelle on écrivait au 16e siècle. (dans la copie que vous avez, le latin a été retouché.) Enfin, j’ajouterai comme un fait propre à assigner au même record la date qu’il porte, les circonstances dans lesquelles on se trouvait alors. À cette époque l’autorité civile et religieuse craignaient la propagation des principes lumineux qui, depuis ont éclairé le monde : les états étaient en proie aux dissensions religieuses ; les peuples cherchaient à reconquérir la liberté, en brisant les chaînes de l’esclavage qui les tenaient asservis. Tout porte à croire qu’en ce temps, la Mac:. était dépeinte comme une suite, une filiation de l’ordre des Templiers : considérée sous ce point de vue, elle était de nature à donner de l’ombrage aux gouvernements civil et religieux et à provoquer des persécutions contre les sectateurs. Il y a assez d’apparence que, craignant les persécutions, les chefs des Loges des principales villes de l’Europe ont cherché à donner le change au vulgaire. Sur l’opinion qu’on avait généralement de l’origine et du but de l’institution maç:. , en attestant par un record donné en assemblée générale, que cette opinion n’avait aucun fondement. Il est très apparent que cette publication aura suffi pour calmer l’orage qui grondait alors, puisque malgré la profession de foi que cette pièce renferme, l’opinion vraie ou fausse, que la maç:. était une filiation de l’ordre du Temple n’a pas discontinué à régner dans l’intérieur des Chap:. qui suivaient ce système. Les procès verbaux de 1637 et 1638 donnent une forte consistance à cette idée puisqu’on y voit que, lorsqu’on a retiré les cahiers de la cassette à trois clefs, le Prince Guillaume d’Orange les lut en secret, et sans les communiquer aux App:., aux Compagn:. ni aux Mait:., se borna à annoncer qu’ils concernaient des grad:. supérieurs et les renferma de suite dans la cassette*. Je me trompe fort, ou ces grad:. supérieurs n’étaient rien d’autre que le Kad:. , désigné sous la dénomination de Maît:. El:. -le soleil de la Vérité-**, que les Maît:. Élus portaient en 1638 fait partie des décorations du Grad:. : le mot de KADOZ signifie lui-même Élu. Les même motifs qui ont déterminé le convent de Cologne peuvent avoir provoqué celui tenu à Willemsbad en 1782 ; mais il paraît qu’on fut plus réservé alors, qu’on ne l’avait été en 1535, puisque d’après la circulaire de convocation, on devait agiter les questions de devoir si l’ordre maç:. pouvait déduire son origine d’un ordre plus ancien, quel était cet ordre qui avait des Supérieurs inconnus et qu’au lieu de résoudre ces questions, on s’est borné à décider que les maç:. n’étaient pas les successeurs immédiat des Templiers. Cette décision ne fut pas même goutées par les Loges d’Allemagne -Histoire du Gr:. O:. de France par Thory, page 187 et 188- l’une desquelles s’était engagée à produire des pièces originales et authentiques, et sans doute la charte universelle de 1535, qui prouvaient la filiation contestée et l’existence du problème des Supérieurs inconnus. Je dis que ce convent fut plus réservé que celui de Cologne puisque celui-ci avait attesté qu’il existait un Supérieur inconnu « quo factum est, ut ex iis quidem electis magistris unum insuper eligi coeptus sit, …, qui ut summus electus magister vel patriarcha veneraretur, solis electis magistris cognitus, … , quemadmodum et hodie hoc pacto supremus magister atque patriarcha, siquidem paucissimis notus, re vera existit »***. J’ai jeté, T:. Ill:. F:., ces idées sur le papier, à la hâte, sans les classer, et sans leur donner le développement qu’elles sont susceptibles d’avoir. En somme totale, je pense, et cette opinion est partagée par plusieurs maç:. instruits de Bruxelles, que le record de 1535 n’est point apocryphe ; mais je pense aussi, que loin de prouver que la maç:. n’a jamais pu être considérée comme une filiation de l’ordre du Temple, il prouve que l’opinion contraire était l’opinion générale, et que cette opinion, malgré le soin qu’on a pris pour la cacher, était celle des signataires de cet acte même. Je pense aussi que ceux qui à l’aide de cette pièce, veulent aujourd’hui vouer nos Hauts Grades à la proscription n’en ont point compris le vrai sens, non plus que les motifs qui l’ont provoquée. Je pense enfin que s’ils étaient plus avisés, ils se seraient donné bien des gardes d’invoquer, pour établir leurs projets d’innovation, un document qui, sainement entendu, suffit pour le renverser. »[68][69]

 

* La fameuse cassette en noyerse trouvaient les documents controversés, aurait été laissé au palais d’Orange à Bruxelles. Lors de révolution de 1830, elle aurait disparu ou du moins son contenu. « Selon une légende répandue dans des pays de langue anglaise, les pièces originales n'auraient pas disparue. Elles auraient été déposées aux archives de "La Bonne Amitié", qui était la loge mère du prince de Gavre, "représentant particulier" du Grand Maître le prince Frederik ».[70] Cette légende provient du Sketch. Comme on peut le constater avec ce courrier, il n’est pas question de cassette et de documents originaux, cependant le courrier à Joly date de 1819 et le Sketch a été publié en 1837, une petite dizaine d'année après le décès de Philippe Casimir Marchot (père).

** Précisément, le 29e grade du rite primitif, un grade Kadosh, s’appelle « Élu de la vérité ».

*** Traduction : «  Ce qui conduisait à la pratique d'élire parmi ceux qui étaient déjà Maîtres élus, un en particulier, qui, étant supérieur aux autres, devait être vénéré en tant que Maître élu suprême ou Patriarche. N'étant connu que des Maîtres élus, il était considéré à la fois comme le chef visible et invisible de toute notre association ; de sorte que, selon cette ordonnance, le Maître Suprême et Patriarche, bien que connu de très peu de personnes, existe toujours.  » (cet extrait se trouve au point Γ ou T de la Charte.)

 

Pierre de soubassement d'une potale restaurée à La Bruyère (près de Namur). Elle reprend les armoiries de Jérôme de Homblières, commandeur de Chantraine, 1520-1533 (Commanderie -hospitaliers- de Huppaye en Brabant wallon); à partir de Google map.

 

Ce long extrait est une sorte de résumé des opinions qui agitaient la sphère maçonnique de l’époque et des discussions que cette prétendue charte devait susciter. Est-ce un faux, ce serait gros de la part d’un prince de sang. Et puis pourquoi maintenant. Bien sûr Marchot ne connaît pas le dessous des cartes.

Il fait encore confiance à l’honnêteté des intervenants, il n’y a aucune animosité envers le prince Frederick : la charte vient d’être découverte, il n’y a aucune instrumentalisation politique là derrière. Mais si on suit Clavel, et il n’est pas seul à le prétendre à cette époque, cette charte serait entrée en possession du prince Frederick déjà en 1816, année de son initiation et de son passage express comme Grand Maître, il avait 19 ans. Dès lors, la question se pose d’une tentative d’instrumentalisation politique de celle-ci. Ce éventuel constat introduit immédiatement l’hypothèse d’un faux récent. Fernand Clement rejoint cette hypothèse.

 

Mais puisque ce document est authentique, estime Marchot, dès lors nous devons user de la méthode des « Hiéroglyphes », voilant par l’emblème la vraie signification : le message caché à travers des allégories. C’est la base même du grade de Préfet de l’Intérieur. La filiation forte de la franc-maçonnerie sur l’Ordre Templier que ces documents paradoxalement proposent, est donc établie (selon lui). Ceci conforte l’existence ancienne d’un Kadosh, d’un Ordre intérieur et de Supérieurs inconnus. Bref, cette Charte serait de nature à confirmer l’antiquité du Rite écossais Primitif venant d’Écosse. Intéressant le détour par, et la critique qu’il réalise du convent de Willemsbad, qui eut lieu 37 ans auparavant, donc ce n’est pas très loin -PC Marchot est né en 1767-, en s’appuyant sur Thory qu’il reprend presque mot à mot, p 188 : « Les opérations du convent de Willemsbad ne furent point goûtées par les Loges de l’Allemagne, qui rejetèrent, en général, le décret d’abrogation du système Templier. » On comprend son intérêt puisque le système namurois est, dans ses derniers grades, de type Stricte Observance.

 

Néanmoins, le doute subsiste, dans un autre courrier, daté de Nivelles, le 19 novembre 1819, également adressée à Étienne-L Joly, il y revient :

« Le Gr:. Mait:. nationale de l’Ordre maç:. , dans le Royaume des Pays-Bas, le prince Frédéric, avait annoncé, dans une des dernières circulaires, l’envoi prochain du Fac-simile de la charte de Cologne de l’an 1535. Il vient de remplir sa promesse, en en transmettant un exemplaire à chacune des LL:. du Royaume. J’ai réussi à me procurer un exemplaire particulier ; et je m’empresse de vous l’adresser, en vous priant d’en agréer le don.

La copie latine de cette charte que je vous ai envoyé dans le tems, contient la correction d’une infinité de mots qui se trouvent estropiés dans la copie exacte qui en a été faite sur l’original -et par conséquent, dans cet original même-. Celle-ci est conçue en ces termes : « Nos electi bagistri venerandae joannique sacrae societatis sive liberurum aementariorium ordinis socii moderatores mansiorum seu tabernaculorum que londini edemburgi viennae amsielaedami parisiis augduni francofurti hamburgi antverpiae rotteraedami madriti venetiis gandavi regiomonte bruxellis dantsci medioburgi fabirai atque agripinae civitata constituta sunt capititulatm in eadem civitate agripinae ano bensi diebus que & & »

Je désire connaître quelle opinion vous vous serez formée sur l’authenticité ou la fabrication de cette charte ; ensuite de l’inspection que vous aurez prise du Fac-simile de son original. »[71]

 

On voit bien que le doute subsiste. Il insiste auprès de son correspondant Étienne-Louis Joly : est-ce un faux ou est-ce un vrai ? Cet échange nous permet de comprendre que la controverse concernant l’authenticité de ces documents n’est pas tardive, n’est pas celle d’historiens venant plus tard, elle est en fait immédiate. Le malaise des loges, probablement surtout au sud, devait être pesant, les membres écartelés. Car comme les autres Loges, la loge de Namur a reçu copie des documents (ceux de 1535 et son fac-simile, ainsi que les minutes d’une loge hollandaise, Fredericks Vredendall, de 1637 et 1638 portant sur la charte), celles-ci furent versées dans ses archives. N’oublions pas que la loge-mère de Namur est celle de Gavre, sorte de substitut Grand-Maître pour la partie méridionale, ils furent donc les premiers à les recevoir, faire autrement auraient été un véritable affront. Marchot, qui tient le secrétariat du Rite, comme on le voit, en réalise une large diffusion, avec probablement ses commentaires, de plus il en assure la traduction en anglais et l’envoie à Édimbourg. Cette traduction se retrouve dans le fameux livre « Sketch of the History of the Knights Templars », qui se vend aujourd’hui à des prix insensés. Marchot sous-entend que le prince Frederick en avait fait donc une mauvaise lecture, faute de connaissance maçonnique suffisante, il est si jeune ! Il y a une certaine logique.

 

Extrait du courrier de Marchot-père à Joly, Nivelles le 2 novembre 1819, BnF.

Extrait du courrier de Marchot-père à Joly, Nivelles le 2 novembre 1819, BnF.

 

Notons que cette prétendue Charte, fut et reste la controverse la plus importante qui eut lieu dans la maçonnerie hollandaise. Par ailleurs, elle fera le tour de l’Europe, et suscitera également de nombreux débats passionnés, est-ce un vrai, est-ce un faux. Des études sortent encore aujourd’hui sur le sujet. De quand date-elle réellement ? Personne ne sait, on reste dans la spéculation. Certains auteurs avancent fin du XVIIIe siècle comme le fait Étienne-Louis Joly. À peu près à la même époque, Wargny, subdélégué du prince Frederick des loges méridionales portant sur le nouveau système des Élus, ceci explique cela, dans ses commentaires sur la Charte de Cologne, proteste de son authenticité et avance la date de 1816 pour sa réception par le prince Frederick (c’est probablement la source de Clavel).[72]

Fernand Clement spécule lui sur une forgerie fabriquée par Johannes Kinker, notamment sur base de son courrier à Falck du 7 décembre 1817 qu’il relate, (Kinker a la formation latine pour réaliser cela), mais probablement a-t-il eu également connaissance des longues considérations de Carpentier-Alting sur le sujet, publié en 1884, où il écrivait : (traduction) « Kinker a été principalement impliqué dans la préparation des rituels de ces sections [ndr : des Élus et Élus suprêmes], et n’est peut-être pas complètement étranger aux origines de ce soi-disant document ancien. »[73] Clement ne serait donc pas très loin de la « vérité ».

Le remarquable travail de H Van Heuven portant sur l’histoire de cette charte est d’une grande aide. Il se lit comme un roman policier. Il suggère que ce pourrait être un « coup monté » qui débute dès l’accession du prince Frederick à la Grande Maîtrise en 1816, en toute connaissance de cause. Projet sans doute informe au début, mais qui, progressivement, par touches successives, gagne en épaisseur où l’idée d’aligner l’ensemble de la maçonnerie du Royaume uni des Pays-Bas sur un même système, simple, fait son chemin. Il avance que le baron d’Yvoy, Grand-Orateur de l’obédience, un homme peu scrupuleux selon lui, pourrait avoir fabriqué la charte et les procès-verbaux. Il résume ainsi l’action de l’homme : (traduction) « Un homme qui n'a guère de scrupules lorsqu'il s'agit de produire de « vrais » documents et qui sait le faire avec adresse, de sorte que seulement un siècle plus tard, sa famille se retrouve confrontée à des documents falsifiés quant sa généalogie. Un homme qui parvient aussi à se cacher, lors de polémiques, en lançant ses attaques sous un pseudonyme. Mais aussi : un homme avec une grande expertise dans le domaine des documents anciens et, en l’occurrence, de l'époque durant laquelle ils auraient été rédigés ; donc la personne idéale pour faire « émerger » des pièces quand on en a besoin ».[74]

L’historien maçonnique A. Hanou avance qu’il faut effectivement chercher dans l’entourage maçonnique proche, le cercle intime, du prince Frederick, e.a. les Kinker, d’Yvoy, et d’autres. Ils ont les capacités, les connaissances, la position pour le réaliser.[75] Van de Sande propose le quatuor : prince Frederic, Kinker, d’Yvoy et van Vreedenburch.[76] Et cela se comprend : Kinker aurait été le rédacteur, il en a les capacités intellectuelles, et d’Yvoy le faussaire, il en a les capacités techniques. Quant à van Vreedenburch, le ritueliste, il aurait été utile pour l’invention des rituels d’Élu et d’Élu suprême que la cassette en noyer aurait contenu et le prince Frederick pour sa diffusion et sa défense.[77] Travail d’équipe, l’entreprise dut prendre du temps pour atteindre un degré de vraisemblance suffisant, mais l’objectif d’une maçonnerie unifiée sur un modèle simple en valait la chandelle.

Le résultat, nous le connaissons : en abusant de sa position maçonnique pour faire de la mauvaise politique, en instrumentalisant ces documents, le prince Frederick provoque une situation pire après qu’avant, augmentant les méfiances réciproques, séparant encore plus le nord et le sud sur le plan maçonnique.

 

Tiré du Sketch of the History of the Knights Templars

Tiré du Sketch of the History of the Knights Templars

 

Voici d’autres passages de la Charte qui ont du agréablement titiller la curiosité de Marchot et qu’il évoque à demi-mot dans son courrier :

(traduction de l’anglais) « (Μ) … Mais dans ces signes et paroles sont inclus ceux qui sont en usage dans la Loge ou Tabernacle d'Edimbourg* et ses Loges affiliées, ainsi que dans les Tabernacles de Hambourg, de Rotterdam et de Middleburg, et dans celui que l'on trouve érigé à Venise, dont les activités et les travaux, bien qu'ils soient ordonnés à la manière des Écossais, ne diffèrent pas de ceux qui sont utilisés par nous, dans la mesure où ils respectent l'origine, la conception et l'institution. »

« (Ν) Notre Société est supervisée par un Prince Général, tandis que les différents gouvernements qui la composent sont dirigés par divers Maîtres Supérieurs, adaptés aux différentes régions et aux différents royaumes, selon les besoins. ... »

« … à Cologne sur le Rhin, en l'an mil cinq cent trente-cinq, le vingt-quatrième jour du mois de juin, selon l'ère, désignée Chrétienne.

Harmanius + Carlton, Jo. Bruce, Fr. V. Upna, Cornelius Banning, De Colligni, Virieux, Johani Schröder, Kofman, 1535, Jacobus Praepositus, A. Nobel, Ignatius de la Terre, Dona Jacob Uttenhove, Falk Nacolus, Va Noot, Phillippus Melanthon, Hugssen, Wormer Abel.

Certifié conforme à l'exemplaire imprimé, déposé aux Archives du Gr :. et Sublime Chap :. du Temple Intérieur, siégeant à l'Orient de Namur.

Le Gr:. chancelier de ce Chapitre chef d’Ordre. _ Marchot. »[78]

 

*Le grade templier repris sur le diplôme namurois pour l’officier Pyman de 1776 avec le fameux sceau Kadosh, est précisément d’ « A:d:T:P:E » que Crowe/Clement traduit en « Adepte/Adjudant du Tabernacle des Parfaits Élus ».[79][80][81] (Ceci fait également penser à l’OSCE!)

 

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Vignette du faire part du décès d'Alphonse Gerard (5875), ancien Vénérable Maître  de la Bonne Amitié. Archives de Moscou, CEDOM.

 

La fête septénale, 1821

 

Le 12 novembre 1821, une cérémonie funèbre, en théorie septennale, mais l'époque impose une certaine élasticité, fera notamment l’éloge de Charles-Henri Serome décédé en 1813. Il fut Vénérable Maître pendant la période française, c'est d'ailleurs lui qui demanda l'affiliation de la loge au Grand Orient de France. Il était devenu le Grand Maître du Rite primitif: il avait été elevé Rose-Croix le 6 mai 1782 et Commandeur de l'Intérieur le 12 décembre 1786.

 

Fernand Clement reprend longuement le tracé de cette cérémonie.

Un peu avant, en 1820, Goswin de Stassart s’affilie à la loge ; à ce moment il habite Corioule (Assesse dans le Namurois). Il est membre de la deuxième Chambre des États Généraux. Ce sera le premier Grand Maître du Grand Orient de Belgique.

 

Lors de la cérémonie funèbre septennale, furent célébrés les frères : Charles-Henri Serome ; Jean-Joseph Lambiotte, négociant et bourgmestre à Barvaux, sa fille avait épousé un petit-fils de Thomas-Bonaventure Maloteau, ancien vénérable maître (ancien régime) de la loge namuroise ; Nicolas Misson, maître de forges ; Potier jeune maçon et capitaine dans la maréchaussée ; Charles-Joseph Evers, lieutenant-général (il fit ses armes dans l’armée de la république française, devint général de brigade en 1812 ; il fit la campagne de Russie à l’issue de laquelle il fut fait prisonnier ; il est promu lieutenant-général en 1814 et rejoint ensuite l’armée des Pays-Bas réunis ; il meurt à Namur en 1818) ; Jacques-Joseph Pierard, jeune maçon et avocat ; Victor-Xavier Zoude-Mazure, maître de forges à Namur (père de Victor-fils) ; Charles de Moniot d’Hestroy, député des États de Namur ; Auguste Raymond, maître des forges à Sansom.

 

Clement reprend dans son ouvrage consacré à la Loge[82], les discours prononcés à cette occasion : celui du Vénérable Maître Désiré Arnould, celui de Marchot-père, représentant le Gr :. Mait :. du Rite primitif, puis l’énumération des décédés et de leurs qualités, et enfin le discours de l’Orateur.

Dans les archives de Moscou déposé au CEDOM, on trouve le texte recopié et dactylographié par Clement de celui de Marchot-père. Ici la reproduction de la première page.

Archives de Moscou. CEDOM.

Archives de Moscou. CEDOM.

 

La fête du jubilé, 1825

 

La nouvelle structure des Élus proposée par le prince Frederick introduisit des troubles au sein de la loge de Namur. En 1821-2, Victor Marchot (le fils), alors secrétaire de la loge, étaient de ceux qui soutenaient cette initiative, de même que Darrigade-père et d’autres. Après discussions que l’on peut penser houleuses, ils souhaitèrent démissionner, sinon de la loge, certainement de leurs charges.

Lassés de ces ‘disputeke’, Arnould, Théophile Fallon alors Vénérable Maître, de Labeville proposèrent de faire de même. Les choses purent être aplanies pour la plupart, puisqu’on retrouve Marchot-fils, secrétaire de la loge les années suivantes.

 

Pierre Darrigade est un membre important de la loge, époque française. Il en fut un pilier avec Charles-Henri Serome et Joseph Walter, surtout dans les débuts de la période française. Médecin, originaire des Landes, il arriva avec l'armée du nord et s'installa en 1794 à Namur. Il s'y maria avec la fille d'André-François Ackerman, un membre ancien de la loge (ancien régime; celui qui loue le local de la rue des Brasseur à la loge, voir plus haut). Il fit carrière et fortune dans cette ville. Cette histoire est racontée ici. Il aurait donné sa démission à la loge en novembre 1821, suite à ces "disputeke"?

Jules Darrigade, son fils, reçu en 1837 à la loge, fit également un mariage dans le milieu maçonnique, puisque son épouse est Marie-Emma Pieton, la fille de François Pieton, un membre essentiel de la loge pour sa reprise après la révolution belge. Son mariage rocambolesque en 1842-3 est raconté ici.

 

Le calme était revenu, le loges belges se portaient bien, la période est féconde pour les loges méridionale. Dès lors, quatre ans plus tard, le 18 juillet 1825, la loge fêta en grande pompe, le jubilaire de Charles-Alexandre de Gavre, au faîte de sa carrière politique (grand maréchal de la Cour et membre de la première Chambre dont il deviendra président en 1830 -sorte de Chambre des Lords dont les membres sont nommés par Guillaume 1er-) et maçonnique (représentant du Grand Maître pour la Grande Loge d’administration méridionale). La pompe est d’autant plus grande que, précisément, 4 ans auparavant, le couperet jetant à la trappe le Rite primitif, comme les autres rites, n’était pas passé bien loin. Mais ils en étaient sortis « vainqueurs », les loges du sud et leurs Hauts-Grades pouvaient se congratuler.

 

Wargny, dans les annales, tome VI, en fait un très court résumé, notant que ce jour là, il avait fait « une chaleur excessive de 29 degré » et terminant sa notice par « un programme pompeux avait été imprimé et distribué ».[83] Pour le reste, il ne semble pas avoir digéré l’absence du prince de Gavre, de la députation de la Grande Loge méridionale dont il était Grand Orateur, ni du prince Guillaume encore en Russie, lors de la fête réalisée en avril à Bruxelles, apparemment sur son instigation, pour le prochain mariage du prince Frederick (qui eut lieu le 21 mai à Berlin), sur le modèle de ce qu’avaient fait les loges du nord. Sans doute les réactions et finalement l’abandon dans les provinces méridionales du nouveau système des Élus dont il était subdélégué, n’ont pas non plus été oubliés.

 

C’est Théophile Fallon, Vénérable Maître, qui préside aux festivités.

« C’est un beau jour pour la Bonne Amitié, Mère-L:. du Rit Écoss:. Primitif dans le Royaume des Pays-Bas, celui où comblant ses désirs les plus chers, son Sér:. Gr:. Maît:. vient, pour ainsi dire, retremper son âme maç:. aux feux étincelants de cette Étoile flamboyante qui, pour la première fois, a frappé ses regards, il y a 50 ans et plus. ...À qui serions-nous redevable de ce précieux avantage si ce n’est à ceux de nos FFF:. qui, d’une main ferme et assurée ont frappé les premiers coups de maillets qui ont retenti dans ce temple. Vous voyez devant vous un de ces vétérans de La Bonne Amitié ; vous voyez devant vous un de ces bons frères, auxquels vous êtes redevables et de votre prospérité, et de votre bonne renommée. ... »

 

Lors du jubilé, toujours chez Clement, on trouve un extrait du discours de l’orateur Antoine Grooters  qui nous permet une computation de l’année de réception du prince au sein la loge namuroise : « Héritier des vertus libérales du T∴ Ill∴ Prince de Gavre, son digne père, cet Ill∴ fils a montré dès avant quinze ans le désir ardent de marcher sur ses traces, en se faisant initié à nos sacrés mystères. Bientôt, il brille dans tous les Or∴ qui ont eu le bonheur de le posséder ; il y occupe les fonctions les plus éminentes ; il y dirige les travaux avec une telle régularité que les Atel∴ qu’il préside acquièrent une réputation justement méritée. Partout ses actes de bienfaisance lui ont acquis la vénération du malheur ... ».[84] Cela donne la date de ~1774-5 pour son initiation.

 

Franz Kegeljan

Il s'agit du petit-fils de François Kegeljan, membre de la loge.

 

L’organisation de la fête est confiée, sur décision du Comité supérieur, à François Kegeljan, à ce moment maître de cérémonie de la loge (cf le tracé du comité supérieur, archives de la loge). Il sera vénérable maître de la Bonne Amitié en 1839-40. Et Régent de l’Ordre (du rit écossais primitif au décès de Walter) jusqu’en 1868, année de son décès. Famille de banquier, c’est un nom bien connu à Namur, surtout par son petit-fils, également François Kegeljan qui, avec son épouse Louise Godin (une rue à Namur porte son nom), créeront notamment l’hospice Kegeljan (actuellement l’espace Kegeljan).

 

Pour Charles-Alexandre, tristement, deux ans plus tard décède son unique fils, le laissant sans postérité, les princes de Gavre s’éteignent avec lui. Sic transit gloria : la Révolution belge fut un coup très dur qu’il n’accepta pas. Il se perdra en imprécations contre les mutins, se coupant de tous, ne reviendra plus en Belgique et décédera en 1832 à La Haye quasi dans l’oubli. Dommage, car il fut présent, actif, parfois décisif, dans toutes les étapes importantes de la loge La Bonne Amitié durant la période française et hollandaise, ainsi que dans la maçonnerie en général de nos régions. 35 ans véritablement au service de sa et des Loges (il s’était affilié à autres loges en cumul), comptabilisant à son décès 58 ans de maçonnerie, durée assez exceptionnelle pour cette époque.

La loge avait alors presque 70 ans d’âge : elles furent fructueuses, les cinquante suivantes le seront moins.

 

Les innondations de 1825 furent dévastatrices surtout au nord du pays. Ici le prince Guillaume visite des victimes de celles-ci. La Loge de Namur enverra des secours selon ses moyens. Image wikicommon.

Les innondations de 1825 furent dévastatrices surtout au nord du pays. Ici le prince Guillaume visite des victimes de celles-ci à Amsterdam. La Loge de Namur enverra des secours. Image wikicommon.

 

La bienfaisance était importante. La loge interviendra, pour soulager la pauvreté et l’état de famine suite à la rupture des relations industrielles du sud avec l’ancienne France impériale, en 1816-17. Le pain des pauvres était un devoir sacré. On voit la loge intervenir lors des grandes inondations de 1820 et 1825. En 1826, elle versera en faveur des Grecs en lutte contre les Turcs pour leur indépendance (qui arrivera en 1829), les frais du banquet du solstice d’été, supprimé, demandant à chaque frères de verser l’équivalent au tronc de solidarité : « la sainte cause pour laquelle nous nous imposerons cette privation est celle de tous les maçons puisqu’elle est celle de la Civilisation et des Lumières contre l’ignorance et la barbarie, celle de la liberté contre le despotisme le plus atroce, celle enfin de l’humanité toute entière contre les froids calculs d’une cruelle politique ... » Procès-verbaux du registre de la Bonne Amitié.[85]

L’année suivante, la loge porte secours en faveur des frères espagnols bannis, victimes de leurs opinion politiques.

 

Felix Godefroid, dessin de Félicien Rops (membre de la loge de Namur). Musée Félicien Rops.

Felix Godefroid, dessin de Félicien Rops (membre de la loge de Namur). Musée Félicien Rops.

 

La loge avait besoin de musiciens et elle se montra très satisfaite des prestations musicales de son directeur d’harmonie, le F∴ Laurent, un professeur de musique à Namur, et lui octroya les 2e et 3e grades avec dispense de rétribution, nous sommes le 10 novembre 1826 ; il était accompagné de Dieudonné Godefroid qui sévissait depuis 1809 comme frère à talens (tableau de 1809, apprenti) et de George Angelroth, chef de musique de la 12e division militaire, ‘frère artiste’. Le 28 décembre 1829 était initié Dominique Hora, musicien, lequel est rejoint le 13 décembre 1830 par Louis Cousin, chef de musique à Namur et ‘frère à talent’, et le 10 janvier 1831, par Auguste Keyser, musicien, lequel est aussi initié comme ‘frère à talent’. Lors de la réunion du Comité Supérieur de février 1862, il fut décidé de faire l’ « acquisition d’un instrument de musique de la valeur de 200 fr maximum, destiné aux cérémonies de la L∴ ». On trouve un peu plus tard Jules Dethise, professeur de musique à Wanlin, initié en 1881.

Dieudonné-Wery Godefroid, né à Liège en 1779 et initié en 1809, comme frère à talent de la loge (selon le tableau de la loge en 1809), avait accepté d’assumer, à ses risques et périls, la direction du théâtre de Namur. Il dut vendre sa maison pour combler le déficit et partit en France où il dirigea le théâtre de Boulogne, qui connut également des déboires financiers. Il eut deux fils, Jules et Félix, également musiciens et compositeurs, qui firent leurs classes à Paris. Jules, mort trop jeune, c’est Félix qui sera un musicien harpiste connu de son époque. Si Henri Vieuxtemps s’était fait connaître dans le monde du violon, par ses interprétations et aujourd’hui toujours par ses puissantes compositions jouées dans le monde entier, Felix Godefroid (1818-1897), ils sont à peu près du même âge, fit de même pour le monde de la harpe. Ses œuvres sont également toujours jouées. Une rue du centre de Namur porte leur nom.[86] Sa petite fille, Julie Godefroid, fille du célèbre harpiste épousa Adolphe(-junior) Sax, fils du célèbre facteur d’instrument, inventeur du saxophone.[87]

 

 

Jusqu’à la révolution belge de 1830, après l’affaire de la Charte de Cologne, la loge connut une vie plus paisible ; bien sûr ses membres suivaient de près l’évolution contrastée de nos régions, sur le plan économique, politique, social et religieux. La loge évoluait comme le pays évoluait.

C’est ainsi que la Loge La Bonne Amitié vota rapidement la déchéance du Grand Maître Frédéric d’Orange (deuxième fils du roi Guillaume), en fin novembre 1830, en présence de francs-maçons officiers de la nouvelle armée belge qui occupaient la citadelle en remplacement des troupes fidèles au Roi Guillaume qui l’avait quitté en octobre. Mais la loge eut difficile de gérer les tensions entre ses membres orangistes et belgicains. Elle ne se ralliera au nouveau Grand Orient de Belgique, créé en 1833, qu’en 1836 : cette histoire est racontée ici.

 

 

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Charles-Alexandre de Gavre en grand uniforme de Grand-Maréchal de la Cour, avec son cordon d'Orange-Nassau (orange et bleu nassau). Peint par Navez, 1828.  Musée royaux des Beaux-Arts, Bruxelles.

Charles-Alexandre de Gavre en grand uniforme de Grand-Maréchal de la Cour, avec son cordon d'Orange-Nassau (orange et bleu nassau). Peint par Navez, 1828.  Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles.

 

 

Notice sur Charles-Alexandre, 3e prince de Gavre

 

Beaucoup de choses ont déjà été dites dans les sections précédentes, je vous y reporte. Pour approfondir le sujet, je vous conseille l’article de Guy Schrans [88] et le livre de Jean de Dorlodot[89].

 

Né le 15 octobre 1759 à Bruxelles, il décède le 2 août 1832 à La Haye. Il est fils et petit-fils des princes de Gavre, gouverneurs de la province de Namur sous l’ancien régime. Son père, François-Joseph de Gavre, qui succède à la charge de gouverneur en 1771, de son propre père, sera chevalier de la Toison d’or, grand-maréchal de la cour, grand chambellan, etc. L’enfant est tenu sur les fonts baptismaux par Charles-Alexandre de Lorraine, le double beau-frère de l’impératrice-reine Marie-Thérèse, d’où son prénom.

Il épouse la comtesse Marie-Thècle d’Egger, Mimie, née le 23 janvier 1765 en Carinthie (Autriche) ; ce sera un mariage heureux. Il auront un fils, Franz (François), né en 1800. Elle meurt à Bruxelles le 7 janvier 1817. C’est sa belle-sœur, la comtesse Marie-Aloyse d’Egger qui prend en charge la « maison » du prince. Elle est de 20 ans plus jeune que sa sœur (née en 1785), avait épousé un belge, Emmanuel Deneubourg et habitait à Bruxelles, le couple n’a pas d’enfant. Elle sera d’ailleurs sa légatrice universelle et décède à Monceau sur Sambre en 1864.

 

Franz de Gavre, marquis d'Aiseau. Fils du prince de Gavre, peint par David en 1816.

Franz de Gavre, marquis d'Aiseau. Fils unique du prince de Gavre, peint par David en 1816. (Image PubHist)

 

Second malheur, son fils qu’il aimait énormément et avec qui il entretenait une correspondance soutenue, décède le 5 décembre 1826 à Bruxelles, sans postérité. Il existe un magnifique tableau de Franz de Gavre peint par David en 1816 et un non moins superbe buste exécuté par Godecharle, réalisé un an après son décès en 1827. Il porte le titre ancien de la famille (avant que cette branche ne soit élevé au principat), marquis d'Aiseau, le titre de prince se transmettant par primogéniture, les autres étant comte.

Le château familial se trouve à Monceau-sur-Sambre près de Charleroi ; il existe toujours. D’ailleurs Franz était bourgmestre de Monceau-sur-Sambre (sous l’ancien régime, cette commune se trouvait dans le Comté de Namur, puis, avec la réorganisation administrative de l’époque française, la commune passe en province du Hainaut). La commune de Monceau sur Sambre est juste à côté de celle d'Aiseau près de la Sambre où se situe le berceau et le caveau familial: il reste d'ailleurs des souvenirs familaux éparpillés dans cette dernière commune (le château d'Aiseau, au centre du village, fut détruit par l'occupant français en 1794; à son emplacement se trouve aujourd'hui l'école communale).

 

Chateau de Monceau sur Sambre
Chateau de Monceau sur Sambre
Château de Monceau sur Sambre
Aiseau, commune d'Aiseau-Presles
Pierre (écu de Gavre, marquis d'Aiseau, 1722) au-dessus de l'entrée du corps de garde du chateau disparu d'Aiseau.

 

 

Colonne-fontaine à la tête de lion - Aiseau
Aiseau, commune d'Aiseau-Presles
Pierre tombale de Charles-Alexandre de Gavre, son frère Leopold et son fils Franz - Aiseau
Aiseau, commune d'Aiseau-Presles
Chapelle où reposent les trois Gavre (en face du corps de garde) - Aiseau
Aiseau, commune d'Aiseau-Presles
État lamentable dans laquelle se trouve cette chapelle historique - Aiseau

 

Charles-Alexandre est issu de la dernière branche, cadette, des Gavre, les marquis d’Aiseau.[90] Cette illustre famille s'éteindra avec lui. Les branches aînées, princières, furent grands d’Espagne et chevaliers de la Toison d’Or -Espagne- (par exemple le célèbre comte d’Egmont, prince de Gavre, parent du roi d’Espagne, dont la décapitation en 1568, sur ordre du duc d'Albe, commença la guerre civile des 80 ans dans les Pays-Bas de Charles quint, gouverné alors par son fils Philippe II).

 

Dans ses mauvaises relations avec Frédéric d’Orange, grand-maître du Grand Orient des Pays-Bas, le prestige familial eut probablement également sa part.

 

Sa branche, les Gavre-Frezin, marquis d’Aiseau, reçut le principat sous Charles VI. Son grand-père et son père furent également chevaliers de la Toison d’Or -Autriche- .

 

Chambellan de l'archiduchesse Marie-Christine d'Autriche (1792), sa carrière militaire fut brisée par la révolution brabançonne de 1789. Il était alors major dans le régiment belgo-autrichien de Würtemberg.

 

Suite à ses amitiés avec Hugues-Bernard Maret, futur duc de Bassano (tenant le rôle d’un ministre des affaires étrangères), il est appelé à la nouvelle cour de Napoléon dès 1805, avec le titre de comte d’Empire :

  • Chambellan de l'impératrice Joséphine : 1805-1809

  • Chambellan de Napoléon : 1809-1814

  • Préfet de Seine-et-Oise : 1810-1814 (Versailles).

 

Plus tard durant la période hollandaise, il sera Grand Maréchal de la cour du roi Guillaume 1er des Pays-Bas et le représentant particulier (sorte de substitut Grand Maître) du Grand Maître du Grand Orient des Pays-Bas, le prince Frédéric d’Orange, deuxième fils du roi Guillaume 1er, auprès de la ‘Grande Loge d'administration méridionale du Grand Orient des Pays-Bas’ (regroupant les loges du Sud du nouveau pays – grosso modo la Belgique actuelle).

Politiquement, il fit rapidement partie de la 1ère Chambre, sorte de Chambre des Lords à la Hollandaise, dont les membres étaient nommés directement par le Roi, dès l’installation du Royaume uni des Pays-Bas. Il en deviendra le président en 1830 jusqu’à son décès et c’est à ce titre qu’il présida les derniers États-généraux communs convoqués par Guillaume 1er, le 13 septembre, où ce dernier réalisa son funeste discours (voir plus haut).

Il sera également le curateur (secrétaire-inspecteur) de l’Université de Gand, fondée en 1817, tout comme Joseph Walter l’était devenu pour l’Université de Liège. Dans le corps professoral de cette nouvelle université, nous trouvons Georg-Wilhelm Rassmann, fils d'un pasteur protestant dans le Hanovre. Après des études de théologie et de philosophie, il devint le précepteur de Franz de Gavre, avant de rejoindre l'université. Cette annecdote montre l'ouverture d'esprit des Gavre, famille catholique, dans le sens des "Lumières".[91] Dans le tableau repris ci-dessous, peut-être y reconnaitrez-vous le prince de Gavre!

 

Ouverture de l'Université de Gand, le 9 octobre 1817, par le prince Guillaume. Rijksmuseum.

 

Lors de la révolution belge de 1830, Gavre resta fidèle au Roi des Pays-Bas. Mais il partageait aussi des valeurs propres au régime : par exemple la situation de l’enseignement lui tenait à coeur, il voulait celui-ci gouverné par l’État et non par l’Église : À la question « s’il est utile et convenable de rendre au clergé la direction exclusive de l’instruction publique », réponse de Gavre à la première Chambre, en 1826 : « … On concentrerait mal à propos dans des corps, qui auraient tant d’influence par eux-mêmes, un pouvoir exorbitant sous les rapports constitutionnels. Il y aurait dans un tel ordre des choses, un conflit très à craindre entre la loi civile et la loi canonique. Ne chargeons pas les ministres du culte d’autres devoirs que ceux du sacerdoce ; ceux-là sont assez étendus pour que les prêtres s’en contentent, s’ils veulent les remplir dignement. »[92] Mais son attachement au Roi l’était aussi par fidélité à l’honneur de sa famille, écrira-t-il. La haute-société belge, dans sa majorité, était plutôt en phase avec le régime orangiste, surtout pour sa politique économique, contrairement à la classe moyenne, de plus en plus nombreuse et critique, vivier du mouvement libéral.[93]

Vieillissant, peut-être par sentiment d’avoir été trahi par ses amis et/ou humilié, il adressa cette lettre privée pleine de rancoeur à Zézette de Roisin – Falck, sa parente, le 24 octobre 1831. « J’ai abjuré pour jamais la Belgique, cloaque affreux de tous le crimes, où à peine on aperçoit quelques restes des vertus qui la distinguaient autrefois. … »[94] À sa décharge, son hôtel particulier située dans le quartier du Parc, non loin du palais à Bruxelles, avait été une des premières cible des émeutiers du 24 août 1830. Il décédera 9 mois plus tard quasi dans l’oubli.

 

Anton Reinhard Falck (1777-1843). Rijksmuseum.

Anton Reinhard Falck (1777-1843). Rijksmuseum.

 

Le ministre Anton Falck (1777-1843) était un ami sincère de Charles-Alexandre de Gavre. Il était son cadet d’environ 20 ans et son parent par alliance. En effet, il avait épousé une wallonne, issue d’une très vieille famille, la baronne Rose de Roisin (1792-1851), ou Zézette, en 1817, ce qui le liait familialement au prince de Gavre. D’ailleurs celui-ci était venu à Tournai comme témoin, pour signer le contrat de mariage.[95] Mariage protestant mais avec bénédiction catholique, Zézette resta catholique. Pour les enfants, qu’il n’eurent pas, il semble que l’arrangement était que les garçons seront de la religion du père et les filles de la religion de la mère. Cela ne semble pas avoir été une question essentielle pour eux. C’est la petite-fille de la tante du prince de Gavre (sœur de sa mère, née de Rouveroit, épouse de Rodoan, lequel fut membre de la loge La Bonne Amitié), donc une cousine issue de germain. C’est en fait très proche, car la famille Gavre est peu nombreuse. Son mariage, réussi, lui ouvrait la porte aux plus grandes familles de la partie méridionale.

Rose (Zézette) de Roisin épouse Anton Falck. Image geneanet.
Rose (Zézette) de Roisin (Image geneanet).

Zézette était une femme qui convenait bien à Anton Falck : cosmopolite, indépendante, sachant voyager, avec des qualités de sociabilité indéniable, elle accompagna son mari, organisa sa vie sociale (réception, rencontre de prestige, etc.), prenant part aux rencontres. Elle restait aristocrate et sa correspondance montre l’étendue internationale de ses amies dans ce milieu. Femme aimante et consciente de sa position, elle soutenait son mari dans ses options politiques. Ils n’eurent pas d’enfant. En 1837, après 20 ans de mariage, il lui rendra ce bel hommage, disant qu’elle était sa « merveilleuse amie de coeur » et qu’ils faisaient preuve entre eux « d’amour réciproque et de tolérance ».[96]

 

 

Cette anecdote que j’avais déjà rapportée lors de cet article. Elle donne de l’épaisseur au personnage. C’est le père de Bernard de Saxe-Weimar, un proche de Guillaume 1er, qui écrivit cette gaudriole galante en 1814, concernant Zézette de Roisin, la future épouse d’Anton Falck :

« Nous Charles-Auguste duc régnant de Weimar, etc. etc. etc.

Considérant Napoléon comme bien plus grand ennemi des femmes que des hommes, puisqu’il ne cause que la mort des derniers, et qu’il condamne les autres à vivre dans le deuil et l’isolement,

Nous les engageons à joindre leurs justes ressentimens au nôtre, et les exploits des Boticea, des Jeanne Darc, et de mille autres amazones célèbres nous sont un sûr garant des succès brillants qu’elles obtiendront.

En conséquence nous avons résolu de former dans la Belgique un corps d’amazones composé des demoiselles de vingt à trente ans, et les nommons pour les commander, Mademoiselle Suzette de Roisin, dont le courage, les talens et les avantages personnels nous sont connus,

... »[97]

 

Anton Reinhard Falck était membre de la loge, à l'origine, "La Saint-Napoléon" qui vit le jour en 1810 à Amsterdam. Cette loge changea son nom en "Willem Frederik" en 1813, sur sa proposition notamment. C'est une des trois loges survivantes crées durant la période "française", elle existe toujours. En homme fidèle à ses convictions, il oeuvra puissamment à renouer des relations apaisées entre le sud et le nord, lorsqu’il fut nommé ministre plénipotentiaire par Guillaume 1er pour la Belgique en 1839 après la signature des 24 articles. On l’avait aimé lorsqu’il fut ministre, on l’avait respecté lorsqu’il fut ambassadeur à Londres, on l’appréciait comme envoyé extraordinaire de Guillaume 1er. Et lorsqu’il décédera le 16 mars 1843 à Bruxelles, la Belgique lui fera l’honneur de funéraille officielle en remerciement, avant le retour du corps à Utrecht où il est enterré, du même type que ce que le pays fit pour le général Augustin Belliard, décédé en 1832 également à Bruxelles (ce dernier avait été initié aux Amis Philanthropes en 1802), avant le retour de la dépouille en France.[98] Godert van der Capellen (1778-1848) aura ces mots adressés à Zézette lors du décès de son ami Falck : « Qui mieux que lui méritait les honneurs qu’on s’est empressé de rendre à ses restes mortels, lui qui a tant fait pour d’autres, dont toute la vie a été une vie de dévouement pour ses concitoyens et pour son pays, dont cette Belgique que nous avons perdue faisait à ses yeux comme aux miens une partie si essentielle. Nous avons vu surgir ensemble ce Royaume des Pays-Bas et nous avons déploré ensemble son déchirement. Il est tout naturel qu’à Bruxelles on se soit empressé de lui rendre hommage ; on n’y aura pas oublié les services qu’il a rendu ; ... »[99]

 

Médaille commandée par le Gouvernement belge en l'honneur d'Anton Falck. Réalisé par J Wiener, 1844.

Médaille commandée par le Gouvernement belge en l'honneur d'Anton Falck. Réalisé par J Wiener, 1844.

 

Sur le plan maçonnique, Gavre apparaît comme un maçon « écossais » :

 

Il fut initié très jeune, à 14-15 ans (~1774-5) à Loge « La Bonne Amitié » de Namur (Rite Écossais Primitif), qui s’appelait encore la « Parfaite Union ». Quoique surprenant et exceptionnel, c’était possible. En effet, c’est un « Lowton » (fils de maçon), et en cette qualité, il pouvait être initié très jeune. Il existe encore un règlement pour l’admission des profanes, repris dans le manuscrit du premier grade des « Enfants de la Bonne Amitié » <1840 (qui professait également le Rite écossais Primitif), qui se trouve dans ses archives de la Loge, et dont l’origine est probablement d’ancien régime. On trouve cet article : « Un Louveton pourra être reçu à l’âge de 18 ans, et si son père est membre de la L∴ et qu’il en suive les trav∴, il pourra être reçu à 17 ans, même au-dessous, par faveur particulière. »

 

Il fut un Vénérable Maître d’honneur très actif de la loge versaillaise du Rite Écossais Philosophique « Les Militaires réunis » (1811) durant sa période française où il était préfet de Seine et Oise (Versaille).

 

Jeton de la Loge Les Militaires Réunis, Versailles.

Jeton de la Loge Les Militaires Réunis, Versailles.

 

Dans le même temps, il était Grand Officier d’honneur du Grand Orient de France (1810 ; Grand Chapitre général).[100]

 

Plus tard, il sera également Vénérable d’honneur de la Loge nivelloise « Les Amis Discrets » qui pratiquait le rite écossais primitif. Il s’était affilié à la loge Impériale des Francs Chevaliers à Paris en 1808 (fichier Bossu), à la loge La Concorde de Mons en 1812 (fichier Bossu), à la loge L’Espérance de Bruxelles en 1818 [101], de même qu’à la Félicité Bienfaisante de Gand [102], toujours en 1818, ses amours gantoises « ma Julie » l’y poussèrent.

 

Ensuite, il fut le deuxième Grand Commandeur du Rite écossais Primitif (dit de Namur), son titre était « Le Command d’Alep, le F De Gavre, grand-maréchal de la Cour de S.M. le Roi des Pays-Bas, Gr Maît du Rit, à Bruxelles ».

 

En 1817, lors de la création du Suprême Conseil des Pays-Bas dit militaire, il était considéré 33e au Rite Ecossais Ancien et Accepté : ceci est non contesté et d’ailleurs cela semble logique dans la perspective d’un grade administratif.[103] En fait, il avait été élevé au 32e grade par Cambacéres en personne le 20 avril 1812.[104] Membre fondateur de cette juridiction maçonnique particulière, il côtoyait ainsi le général Nicolas-Joseph Daine qui en était le Grand Commandeur ou le duc Bernard de Saxe-Weimar (qui eut un rôle décisif dans la bataille de Waterloo en conservant les « fermes » dans le camp allié, maintenant ainsi le lien avec les prussiens qui arrivaient). Les patentes avaient été fournies par Grasse-Tilly.[105] Ce Suprême Conseil fut probablement établi en réaction à la création, quelques semaines auparavant d'un autre Suprême Conseil, celui « dit » des « Amis Philanthropes », majoritairement par les proscrits français, avec une patente délivrée par C.A. Thory. De Gavre restera membre du Suprême Conseil fusionné, fin 1817[106], jusqu'à sa mort.[107] Il signe le nouveau règlement du Suprême Conseil de décembre 1818 [108], mais ensuite il semble y devenir inactif. N’oublions pas que commence en 1818, dont la première alerte se situe en 1817, la saga de la prétendue charte de Cologne que nous avons traité plus haut. Ceci a peut-être accéléré le mouvement des Hauts-Grades dans la partie méridionale : fusion des deux Suprêmes Conseils en un seul -décembre 1817-, mise en ordre du Rite primitif -début 1818- etc. : le temps n’était plus aux disputes entre rites, mais à la défense acharnée de ceux-ci.

 

Il devint le représentant particulier (le substitut) du Grand Maître Frederick d’Orange du Grand Orient des Pays-Bas pour la partie méridionale (Grande Loge d’administration méridionale), alors que le ministre Falck sera le représentant de la partie septentrionale, en 1817.

 

Contrairement à ses excellents rapports avec le frère en maçonnerie et ministre Falck, la différence d’âge (presque 40 ans) jouera manifestement négativement avec le second fils du roi Guillaume 1er, le jeune prince Frédéric (né en 1797), devenu Grand Maître du Grand Orient des Pays-Bas depuis 1816 à l'âge de 19 ans. Leurs relations étaient empreintes de méfiance mutuelle, ce dernier écrivit en décembre1818, lors du banquet en petit comité pour le solstice d’hiver à la loge L’Espérance à Bruxelles (voir plus haut) :

(traduction) « Le prince de Gavre s’escrime avec ses templiers, le rite primitif et ancien accepté et philosophique. Mais ce ne sont la plupart du temps que des arabesques sculptées dans l’air. ».[109]

 

Il se hâtera de s’excuser, mais le mal était sans doute fait.

 

Ou encore, en mai 1819, -la saga de la charte de Cologne et de la tentative de remplacement des Hauts-Grades par une chambre des Élus (voir plus haut) bas son plein-, Frédéric écrivait : (traduction) « Hier, nous avons eu une séance de travail avec le prince de Gavre. Nous nous tenions l’un à côté de l’autre héroïquement. Il est fâché et voit que je n’ai pas confiance en lui ».

 

En effet, lorsque le prince Frédéric voulut réformer radicalement les Hauts-Grades dans la partie méridionale du pays en 1819-21, en les remplaçant par deux grades de son cru, contre finalement l’avis de Falck, il provoqua une levée de boucliers unanime de tous les rites professés dans cette partie du royaume, nous avons examiné cela plus haut.

 

Le prince de Gavre était d’un abord aimable, montrant « L’absence totale de morgue et la parfaite affabilité envers grands et petits qui donnent à son abord tant d’agrément ».[110] Néanmoins, ajoute de Dorlodot, il se savait grand seigneur. Dans ses rapports avec les frères maçons, il était plein d’aménité et savait s’amuser, en témoigne ce petit brouillon d’une chanson à boire (que j’ai retrouvé dans ses archives) :

 

Archives de Gavre. Archives Générales du Royaume, Bruxelles.

Archives de Gavre. Archives Générales du Royaume, Bruxelles.

 

Et pour terminer cette notice sur le ton d’un Jacob de Lennep et son « Het dorp aan de grenzen », mais en sens inverse, cette appréciation des Hollandais, mais on les aime aussi comme cela :

 

Archives de Gavre. Archives Générales du Royaume, Bruxelles.

Archives de Gavre. Archives Générales du Royaume, Bruxelles.

 

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P.S. Avec Paul Devaux, qui apparaît en première partie de ce travail (Aperçu historique), j’ai fait un court détour familial. Si vous désirez en savoir plus sur cette famille de marins, pas d’hésitation, lisez mon travail sur les corsaires de la famille ; pour l’obtenir, il suffit de me le demander.[111]

 

Références

 

  1. Henri Pirenne. Histoire de Belgique. Tome 3, Le Renaissance du Livre, 1950 (1ère édition : tome VI, 1935).

  2. P Van den Eekhout, J Hannes. Sociale verhoudingen en structuren in het zuiden 1770-1840. In Algemene Geschiedenis der Nederlanden. Tome 10. Fibula-Van Dieshoeck, 1981, p 462.

  3. Donald Haks. Tussen verlichting en revolutie. Anton Reinhard Falck 1777-1843. Éditions Hilverson-Verloren, 2023, p 246.

  4. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, pp1790-8.

  5. Etienne de Gerlache (1785-1871). Histoire du Royaume des Pays-Bas depuis 1814 jusqu’en 1830. Tome 1, Hayez imprimeur, Bruxelles, 1842, pp 406-408.

  6. JA Bornewasser. Het Koninkrijk der Nederlanden 1815-1830. In Algemene Geschiedenis der Nederlanden. Tome 11. Fibula-Van Dieshoeck, 1983, p 261.

  7. Yvan Vanden Berghe, Yvan. Jacobijnen en traditionalisten. De reacties van de Bruggelingen in de revolutietijd. Pro civitate, 1972.

  8. J Van Den Berg. Godsdienstig leven binnen het protestantisme in de 18de eeuw. In Algemene Geschiedenis der Nederlanden. Tome 9. Fibula-Van Dieshoeck, 1980, p 359.

  9. Els Witte. Le Royaume perdu. Les orangistes belges contre la révolution, 1828-1850 (traduction française). Éditions Samsa, 2016, pp 323-28. (Titre original : Het Verloren Koningkrijk. Het harde verzet van Belgische orangisten tegen de revolutie (1828-1850). 2014)

  10. Étienne de Gerlache. Histoire du Royaume des Pays-Bas depuis 1814 jusqu’en 1830. Tome 2, Hayez imprimeur, Bruxelles, 1842, p 57-8.

  11. E Witte, E Gubin, JP Naudrin. Nouvelle Histoire de Belgique. Volume 1 : 1830-1905. Éditions Complexe, 2005.

  12. GJ Hooykaas. De politieke ontwikkeling in Nederland 1830-1840. In Algemene Geschiedenis der Nederlanden. Tome 11. Fibula-Van Dieshoeck, 1983, p 306.

  13. Jacob van Lennep (1802-1868), un écrivain et homme politique qui deviendra franc-maçon à la prestigieuse loge Willem Frederik d’Amsterdam en 1832. Il occupera diverses fonction au Grand Orient des Pays-Bas pour finalement devenir député-Grand-Maître en 1867, un an avant son décès. C’est le 22 décembre 1830 qu’eut lieu la première de la pièce de théâtre : Het dorp aan de grenzen. Marita Mathijsen. Jacob van Lennep, een bezielde schafuit. Éditions Balans, Amsterdam, 2018.

  14. Frans Van Kalken. Royaume des Pays-Bas et de la Révolution belge de 1830. J Lebègue, libraire-éditeur, Bruxelles, 1910.

  15. Pierre Noël. La Franc-Maçonnerie belge en 1817 et le problème des rites. In Le Rite écossais ancien et accepté : aspects inconnus et questions inédites. Éditions du Suprême Conseil pour la Belgique (rue Royale), 2017, pp 123-247.

  16. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814. tome II, Pièce XXII, Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1823, p 252-4.

  17. DH Colenbranden. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Lartinus Nijhoff, s’Gravenhagen, 1913, pp 195-7.

  18. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814. tome II, Pièce XXXV, Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1823, p 330.

  19. Voir par exemple : Anton Van de Sande. Prins Ferederik der Nederlanden 1797-1881. Gentleman naast de troon. Éditions Vantilt, 2013.

  20. Ces deux documents sont repris dans Auguste de Wargny. Opus cit., tome III, pièce n°XCIII, pp 488-507.

  21. Marcel De Schampheleire. Histoire de la Franc-maçonnerie belge depuis 1830. Un siècle et demi de Grand Orient de Belgique. Tome 1, Éditions Grand Orient de Belgique, 1986-7.

  22. DH Colenbranden. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Lartinus Nijhoff, s’Gravenhagen, 1913, pp 403-4. (Le courrier de 1816 est également repris, de façon plus large, dans Pierre Noël, voir référence.)

  23. DC van Peype. Prins Willem Frederik Karel (Grootmeester 1816-1881) en de andere werkwijzen in Nederland. Thoth n°48-5, 1997, pp 173-186.

  24. Fernand Clement. Histoire de la Franc-Maçonnerie belge au XIXè siècle. Première partie : 1800-1850. Imprimerie Suprême Conseil, 1949, p 55.

  25. Marcel Doher. Proscrits et exilés après Waterloo. Éditions J. Peyronnet, 1965.

  26. H. Maarschalk. Geschiedenis van de Orde der Vrijmetselaren. Breda, 1872, p 192.

  27. Egbert A. Boerenbeker. De totstandkoming van de vereniging met Belgie en van de Statuten van 1817. Thoth n° 47-1, 1996, pp 1-10.

  28. AJ Hanou. Sluiers van Isis. Édition Sub Rosa, Deventer, 1988 & AJ Hanou et GJ Vis. Johannes Kinker (1764-1845) Briefwisseling. 3 parties, Éditions Atlanta, Amsterdam, 1992-3-4.

  29. AJ Hanou. Sluiers van Isis. Édition Sub Rosa, Deventer, 1988, p 366.

  30. AJ Hanou et Dr GS Vis. Johannes Kinker (1764-1845). Briefwisseling. (Deel I : 1792-1822). Éditions Atlanta, Amsterdam, 1992, pp 357-8. Johannes Kinker est un personnage intéressant. Écrivain reconnu au nord, il venait d’être nommé professeur à la nouvelle université de Liège (« avant mon tombeau à Liège »). Il y restera jusqu’à la révolution belge, ne fuyant pas vers le nord. Il fut arrêté pour servir d’échange avec une autre personnalité que les Hollandais avait arrêté.

  31. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814. tome III. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1824, p 61.

  32. HT Colenbrander. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Martinus Nijhoff, 1913, p 266.

  33. Petrus J. van Loo. Geschiedenis van het Hoofdkapittel der Hoge Graden in Nederland. Uitgegeven bij het 150-jarig van het Hoofdkapittel, 1953, p 55.

  34. AJ Hanou. Sluiers van Isis. Éditions Sub Rosa, Deventer, 1988, p 384.

  35.  Dans son livre, Wilhem Begemann propose un reproduction de ce fac-simile que j’ai photographié.  Die Haager Loge von 1637 und der Kölner Brief von 1535. Entgegnung auf Ludwig Kellers Ausführungen im Hohenzollern-Jahrbuch für 1906. Mit einem Faksimile des schlusses und Unterschriften des Kölner Briefes. Berlin, 1907.

  36. Petrus J. van Loo. Geschiedenis van de Orde van Vrijmetselaren onder het Grootoosten der Nederlanden. Maçonnieke Stichting Ritus en Tempelbouw, 1967, p 112.

  37. Anton Van de Sande. Prins Ferederik der Nederlanden 1797-1881. Gentleman naast de troon. Éditions Vantilt, 2013.

  38. Pierre Noël. Prins Frederik der Nederlanden (1797-1881). Communication personelle par courrier, 2017.

  39. De Haan, M.J.M. The Grand East of the Netherlands. A journey through history. Maconnieke Stichting Ritus en Tempelbouw, Den Haag. 2006, p 21.

  40. Dirk van Peype. Prins Frederik, 65 jaar Grootmeester. Acta Macionica n°5, 1995, pp5-26.

  41. FTB Clavel. Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie et des sociétés secrètes anciennes et modernes. Pagnère éditeur, Paris, 3e édition, 1844, p 123-4.

  42. Pour un descriptif plus détaillé de la pérégrination supposée de la cassette en noyer et des documents s’y trouvant : Davaly. La "Charte de Cologne" (1535) Examen du dossier. Acta Macionica n°6, 1996, pp 229-243.

  43. H. Van Heuven. Kanttekeningen bij de geschiedenis van het charter van Keulen. Thoth n°24, 2/3, 1973, p 80.

  44. Jef Van Bellingen. Fredericus eques a Leone Belgico: maçonnieke politiek en het Charter van Keulen. Thoth n°60, 3, 2009, pp 129-148.

  45. Jef Van Bellingen. Gavre, Charles-Alexandre, prince de (1759-1832). In sous la direction de Charles Porset et Cécile Révauger. Le Mondes maçonniques des Lumières. Dictionnaire prosopographique. Volume II, Honoré Champion, 2013, pp 1255-7.

  46. James Burnes LL.D. F.R.S. Knight of the Royal Hanoverian Guelphic Order. Sketch of the History of the Knights Templars. Seconde Édition. WM. Blackwood & sons, Edinburgh; Payne & Foss, London; John Cumming, Dublin. Edinburgh, MDCCCXL.

  47. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814. tome III. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1824, p 685.

  48. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.Cit. tome IV. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1825, pp 238-9.

  49. Pierre Noël. Loge L’Espérance, loge phare du rite moderne. Communication personnelle par courrier du 3 juin 2017.

  50. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.Cit. tome V. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1826, p 34.

  51. Fernand Clement. Contribution à l’étude des Hauts Grades de la Franc-Maçonnerie et particulièrement à l’Histoire du Rite Écossais Ancien et Accepté en Belgique. Édition du Sup :. Cons :. de Belgique, septembre 1937, pp 135.

  52. Fernand Clement. Contribution à l’étude des Hauts Grades de la Franc-Maçonnerie ... OpCit., pp 132-4.

  53. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.Cit. tome IV. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1825, pp 184-6.

  54. EA Boerenbeker. Invoering van de Afdelingen van de Meestergraad en de gevolgen daarvan. Thoth n°45, 4/5, 1994, p 151.

  55. Petrus J. van Loo. Geschiedenis van het Hoofdkapittel der Hoge Graden in Nederland. Uitgegeven bij het 150-jarig van het Hoofdkapittel, 1953, pp 72-4.

  56. Entretien avec Jan Snoek par Pierre Mollier sur une controverse entre Grand Chapitre et Suprême Conseil aux Pays-Bas, les difficiles relations entre systèmes de hauts grades maçonniques. Renaissance Traditionelle, n°125, 2001, pp 64-72.

  57. Dialogue entre penseurs et franc-maçons en Allemagne. Chaîne d’Union n°53, 2010.

  58. L’Esprit des Journaux français et étrangers par une société de gens de lettres. Tome V, Pluviose an 13 (Janvier 1805), 2e trimestre, à Bruxelles, p 251.

  59. Feestviering der L:. La Bien Aimée, ter gedachtenis van het 300jarig jubilé van het Charter van Keulen, en het 100jarig jubilé der stichting van de L:. de la Paix. Édition de la Bien Aimée, Amsterdam, 1835, pp 202-3.

  60. Guy Schrans reprend un mot de F. De Backer, dans : Les amours gantoises du prince de Gavre, représentant particulier du Grand Maître le prince Frederik. N°6, Acta Masionica, 1996, pp 121-144.

  61. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.cit. tome II. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1823, p 12.

  62. Adrien Lhomme. Si ma Loge m’était contée … Cercle d’étude Joseph Lebeau, 2009.

  63. 5 ou 9 février comme l’écrit ici Wargny ou ailleurs Draffen ou Gould. Le 5 février est repris par Alviella dans son article paru dans AQC n°20 de 1907, mais 9 février dans sa version française. 5 février dans les « The Laws and Constitutions » de la Grande Loge d’Écosse en 1848, mais 9 février dans celui de 1836. Etc.

  64. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.cit. Tome I, Bruxelles, Presses du Frère L. Jorez Fils, 1822, p 357.

  65. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, pp 132-41.

  66. On peut trouver une courte notice à son propos dans : Maurice-A Arnould. Les Francs-maçons nivellois et carolorégiens sous l'Empire (1807-1813), in sous la direction de H Hasquin, Visages de la Franc-Maçonnerie belge du XVIIIè au XXè siècle. Éditions de l'Université de Bruxelles, 1983, pp 151-152.

  67. Les procès-verbaux de la supposée loge de La Haye de 1637 et 1638, ont été traduits en français pour les « Annales Maçonniques » (déjà cit.), tome I, pp 335 et suivantes.

  68. Correspondance entre Philippe-Casimir Marchot et Etienne-Louis Joly, 1819. BnF. FM1. Archives centrales. Namur, Rite écossais primitif. 1819.

  69. Le texte latin, dans sa version primitive et dans sa version corrigée -ce qu’utilise ici Marchot- peut être trouvé dans 1. avec une version française : Wargny, Annales … op. Cit., tome 3, pp 165-170 ; 2. avec une traduction néérlandaise : Feestviering der Loge: La Bien Aimée, ter gedachtenis van het driehonderdjarig jubilé van het Charter van Keulen. 5835. (sur Google livre)

  70. Jean-Baptiste Davaly. La "Charte de Cologne" (1535) Examen du dossier. Acta Macionica n°6, 1996, p 234.

  71. Correspondance entre Philippe-Casimir Marchot et Etienne-Louis Joly, 1819. BnF. FM1. Archives centrales. Namur, Rite écossais primitif. 1819.

  72. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, ... Op.cit. tome III. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1824, pp 190-1.

  73. AS Carpentier Alting. Woordenboek voor Vrijmetselaren. Haarlem, 1884.

  74. Aujourd’hui, ses héritiers se débattent avec une généalogie familiale fausse, fabriquée (les techniques actuelles permettent de l’affirmer sans détour). H. Van Heuven. Kanttekeningen bij de geschiedenis van het charter van Keulen. Thoth n°24, 2/3, 1973, pp 55-120.

  75. A Hanou. Sluiers van Isis. Johannes Kinker als voorvechter van de Verlichting, in de vrijmetselarij en andere Nederlandse genootschappen, 1790-1845. Sub Rosa, Deventer, 1988, pp 385 et suivantes.

  76. Anton Van de Sande. Telemachus en Nestor. Enkele kanttekeningen bij de maçonnieke verwantschap tussen prins Frederik en Jan Kinker in de jaren 1816-1818. Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman. Jaargang 29, Amsterdam 2006, pp 230-245.

  77. EA Boerenbeker. Invoering van de Afdelingen van de Meestergraad en de gevolgen daarvan. Thoth n°45, 4/5, 1994, pp 134-152.

  78. James Burnes LL.D. F.R.S. Knight of the Royal Hanoverian Guelphic Order. Sketch of the History of the Knights Templars. Seconde Édition. WM. Blackwood & sons, Edinburgh; Payne & Foss, London; John Cumming, Dublin. Edinburgh, MDCCCXL.

  79. FJW Crowe. The Scottish Loge at Namur. AQC n°20, 1907, pp 205-208.

  80. Fernand Clement. Contribution à l’étude des Hauts Grades de la Franc-Maçonnerie et particulièrement à l’Histoire du Rite Écossais Ancien et Accepté en Belgique. Édition du Sup :. Cons :. de Belgique, septembre 1937, pp 46-7.

  1. Christophe de Brouwer. Les 250 ans du Rite Écossais Primitif, dit de Namur, 1e partie. Renaissance Traditionnelle n° 172, 2013.

  2. Fernand Clement. Contribution à l'Histoire de la RL « La Bonne Amitié » à l'Orient de Namur. Bulletin du GOB, 1924, p 215-231.

  3. Auguste de Wargny. Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814. tome VI. Presses des Frères Walhen et Compagnons, Bruxelles, 1829, pp 77-8.

  4. Fernand Clement. Contribution à l'Histoire de la RL « La Bonne Amitié » à l'Orient de Namur. Bulletin du GOB, 1924, p 235.

  5. George de Froidcourt. La Franc-Maçonnerie à Namur avant 1830. In Annales de la 31e session du Congrès de Namur en 1938. Fédération Archéologique et Historique de Belgique, p 385.

  6. André Dulière. Les fantômes des rues de Namur. Imprimerie Vers l’Avenir, 1956, pp 167-70.

  7. Journal « La France », 20 novembre 1899. https://www.retronews.fr/journal/la-france/20-novembre-1899/649/2046085/1

  8. Guy Schrans. Les amours gantoises du prince de Gavre, représentant particulier du Grand Maître le prince Frederik. Acta Masionica n°6, 1996, pp 121-144.

  9. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, pp 132-41.

  10. Voir également: Christophe de Brouwer. 1817, apparition du Suprême Conseil des Pays-Bas réunis. http://sifodierisinvenies.overblog.com/2017/12/1817-apparition-du-supreme-conseil-des-pays-bas-reunis.html

  11. Université de Gand. Liber Memorialis. Notices biographiques, tome I. Éditions VanderPoorten, Gand, 1913, p 36.

  12. DH Colenbranden. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Lartinus Nijhoff, s’Gravenhagen, 1913, p 758.

  13. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, pp 176-7.

  14. Els Witte. Le Royaume perdu. Les orangistes belges contre la révolution, 1828-1850 (traduction française). Éditions Samsa, 2016, pp 323-28. (Het Verloren Koningkrijk. Het harde verzet van Belgische orangisten tegen de revolutie (1828-1850). 2014)

  15. Donald Haks. Tussen verlichting en revolutie. Anton Reinhard Falck 1777-1843. Éditions Hilverson-Verloren, 2023, p 203.

  16. Donald Haks, idem, p 204.

  17. HT Colenbrander. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Lartinus Nijhoff, s’Gravenhagen, 1913, p 766.

  18. Donald Haks. Tussen verlichting en revolutie. Anton Reinhard Falck 1777-1843. Éditions Hilverson-Verloren, 2023, pp 366-70.

  19. Le Baron Godert van der Capellen fut présent lors des négociations du congrès de Vienne en 1814. Avant cela, il avait été préfet du département de Frise du royaume de Louis Napoléon jusqu’à l’annexion française où il se démit alors de toute fonction. Durant le Royaume uni, il fut Gouverneur général des Indes orientales, accueillant beaucoup de Belges dans cette colonie. À son retour, il devient curateur de l’Université d’Utrecht. Il est à Paris lors du décès de son ami Falck. L’extrait de sa lettre à Zézette est tiré de : DH Colenbranden. Gedenkschriften van Anton Reinhard Falck. Lartinus Nijhoff, s’Gravenhagen, 1913, p 702.

  20. Pierre Mollier et Pierre-François Pinaud. L’État-major maçonnique de Napoléon. A l’Orient, 2009.

  21. Pierre Noël. Loge L’Espérance, loge phare du rite moderne. Communication personnelle par courrier du 3 juin 2017.

  22. Guy Schrans. Les amours gantoises du prince de Gavre, représentant particulier du Grand Maître le prince Frederik. Acta Masionica n°6, 1996, pp 121-144.

  23. Christophe de Brouwer. L’apport du Suprême Conseil dit militaire dans la création du Suprême Conseil historique de Belgique en 1817. In Auguste de Grasse-Tilly et la diffusion du Rite Écossais Ancien Accepté au début du XIXe siècle. Tome 1. Les Essais Écossais, volume 22. Grand Collège des Rites Écossais, Actes du colloque du 19 octobre 2019.

  24. Extrait du Livre d’or du Suprême Conseil de France. Assemblée du 6 et 20 avril 1812, MSS-FM-Impr-2620. BnF.

  25. F Clement. Contribution à l’étude des hauts grades de la Franc-Maçonnerie… , op.cit., p 115.

  26. Wargny.  Annales..., op. cit, Tome III, p 378.

  27. Le Globe. Archives des initiations anciennes et modernes. Tome III, 1841, p 381.

  28. Pierre Noël. La Franc-Maçonnerie belge en 1817 et le problème des rites. In Le Rite écossais ancien et accepté : aspects inconnus et questions inédites. Éditions du Suprême Conseil pour la Belgique (rue Royale), 2017, pp 123-247.

  29. Anton van de Sande. Prins Frederik der Nederlanden 1797-1881. Gentleman naast de troon. Éditions Vantilt, 2015, p 126.

  30. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, pp 149.

  31. Christophe de Brouwer. Erasmus de Brouwer et les kaepers d’Ostende. Éditions Clepsydre, 2022.

 

 

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Rédigé par Christophe de Brouwer

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