La liberté maçonnique aux Pays-Bas autrichiens face à Marie-Thérèse

Publié le 18 Juin 2019

La Franc-Maçonnerie dans les Pays-Bas autrichiens, qui n'était que tolérée, connut un développement remarquable au cours du XVIIIe siècle. Elle devra se frayer un chemin entre gallicanisme, régalisme, ultramontanisme et liberté. L'hypothèse, développée ici, est celle d'une maçonnerie, qui, pour vivre et croître, s'était immergée, tout ou partie, dans l'aufklärung catholique, si important pour les Pays héréditaires habsbourgeois du temps de Marie-Thérèse.

 

Il s'agit ici d'un texte revu, remanié et augmenté, d'éléments utilisés pour la communication donnée à ICOM (International Conference on Masonic History), à Bordeaux, entre les 7 et 9 juin 2019.

 

(Avertissement liminaire : j’utilise le terme de gallicanisme comme l’inverse d’ultramontanisme : celle d’une église catholique qui essaye de s’organiser de façon régionale et autonome par rapport au Pape et à la Curie romaine. Tandis que le régalisme est une politique fondée sur les droits -supposés tels-, en ce compris dans le domaine religieux, du prince souverain.)

 

 

Table de matières:

  1. Marie-Thérèse
  2. L'affaire Crudeli à Florence
  3. L'affaire Ransonnet à Namur
  4. Providas
  5. Loge de Namur
  6. Vie corrompue
  7. Censure
  8. L'organisation de l'administration
  9. L'Autorité civile
  10. Les actions de l'Autorité civile contre la franc-maçonnerie
  11. Gallicanisme et Franc-Maçonnerie
  12. Position des Autorités face à la Franc-Maçonnerie
  13. Conclusions
  14. Quelques références ...

 

 

1. Marie-Thérèse

Le tableau de Meytens, peintre de la Cour, réalisé en 1744, en pleine guerre de succession d’Autriche, décrit fort bien l’Impératrice-Reine Marie-Thérèse, mais représente aussi un message à ses adversaires.

 

Adorant jouer la comédie dans sa jeunesse, l'Impératrice-Reine Marie-Thérèse aimait aussi danser et faire la fête avec son mari bien-aimé (ils font d’ailleurs chambre commune, une exception à cette époque) ; elle était capable de donner le change. Durant la guerre de succession d'Autriche, alors que celle-ci faisait rage, que ses troupes étaient particulièrement malmenées, que la plupart des hauts personnages de la Cour de son père Charles VI avaient fui vers l’Italie, elle fit face avec une ténacité hors norme ; et pour redonner le moral et montrer sa détermination à la population et à Frédéric II, elle organisa fêtes sur fêtes à Vienne.

Il ne faut donc pas se tromper sur la signification de ce très beau tableau. D’ailleurs Frédéric II, qui avait appris à la craindre, aura ce mot devenu célèbre : « Elle pleurait alors même qu’elle volait, et plus elle pleurait, plus elle volait ». Et en effet, déclarant à tout va que le (premier) partage de la Pologne en 1772 était contraire à la morale (catholique), était inacceptable, que Dieu n’en voulait pas, elle signa la convention et lorsque ses troupes envahirent la portion de Pologne dévolue aux États héréditaires habsbourgeois, ils allèrent bien plus loin. Frédéric II et Catherine II eurent toutes les difficultés pour les remettre dans les limites acceptées ! Un autre exemple est tout aussi probant. Elle traîna des pieds pour envisager la suppression de la compagnie des Jésuites, ne l'acceptant qu'à "contre-coeur". Mais lorsque ce fut innévitable, elle exigea que l'entièreté des biens de la compagnie soient dévolus à l'État et non à l'Église, ce qui retarda de quelques mois le bref pontifical de 1773, le temps de trouver la formule qui ne blessait pas l'image de la papauté et qui satisfaisait les exigences de l'impératrice-reine.

 

Elle refusa d’être Impératrice auprès de son mari, estimant que ses titres de Reines avaient bien plus de poids, assista cependant avec plaisir au sacre de celui-ci en 1745 et accepta qu’on l’appela l’Impératrice-Reine(s). Cependant le qualificatif de Reine(s) lui importait vraiment et Louis XV en fera les frais pour l’avoir oublié.

Elle aimait s’amuser, et bien s’amuser, certes, mais avec moralité et elle instituera une « police de la chasteté » qui sévira parfois durement sur tous, nobles ou manants.

Elle ne donnait que difficilement son amitié et sa confiance, mais elle restait fidèle une fois donnée. [Bled, 2011 ; Badinter, 2016, etc.]

 

C’était cependant une monarque absolutiste, qui se représentait elle-même comme la « mère » de ses peuples (elle s’appuyait sur ce concept). Il était dangereux de l’oublier : elle avait toujours le dernier mot, la décision finale.

 

Nous avons ici une circulaire officielle de l’Impératrice-Reine, dont l’en-tête reprend les États héréditaires habsbourgeois (on remarquera que ses titres venus par mariage viennent en dernier) [AEN]

 

Il n’empêche, son ‘empire’ n’était pas homogène, ni sur le plan administratif, ou culturel, ou simplement dans l’emploi des langues : sa tâche de fédérer cet ensemble était singulière : « Au XVIIIe siècle, pluralisme et internationalisme sont des « topoï » du discours sur Vienne. Cette diversité ethnique propre à la population viennoise a plus frappé les étrangers qui venaient à Vienne et faisaient des comparaisons avec leurs yeux d'Européens que les habitants de la Monarchie elle-même. Ainsi le Bavarois Johann Pezzl, auteur du roman joséphiniste à succès Faustin ou le siècle philosophique, relate en 1787 dans son guide commenté Esquisses viennoises : « En ce qui concerne la spécificité intrinsèque des Viennois, elle s'efface de plus en plus ; aucune famille n'est établie depuis plus de trois générations. Hongrois, Tchèques, Moraves, Transsylvaniens, Styriens, Tyroliens, Hollandais, Italiens, Français, Bavarois, Souabes, Saxons, Silésiens, Rhénans, Suisses, Westphaliens, Lorrains, etc. immigrent à Vienne sans relâche, ils y cherchent fortune, en partie avec succès et se naturalisent. Les Viennois d'origine ont disparu. Ce mélange de nationalités si diverses engendre ici ce babélisme sans rivage qui distingue Vienne de toutes les autres places européennes ». Le pluralisme ethnique, linguistique et culturel des territoires et villes de la Monarchie ne constitue donc pas seulement un argument artistique, méthodologique de la reconstruction historique. Ce pluralisme est bien plutôt un facteur réel dont les habitants de l'Empire des Habsbourg étaient tout à fait conscients au XVIIIe et au début du XIXe siècle ». [Csaky, 1988]

 

Tableau de Meytens, peintre officiel de la Cour, 1755 : tableau à 12 enfants (la dernière-née, dans son berceau, est Marie-Antoinette). Il y plusieurs versions de ce tableau, seul le nombre d’enfants varie.

 

Femme moderne pour son époque par bien des aspects. Elle se levait tôt, à 4h le matin, travaillait jusqu'à 13 heures, l'après midi étant plutôt réservé aux audiences et visites, elle était assez accessible. Sa chancellerie commençait le travail à 7 heures.  Et pour le reste elle vivait bourgeoisement avec son mari, se disait heureuse en couple, et s’occupait de son « poulailler » (comme elle appelait ses 16 enfants), ainsi que le montre cette belle gouache intimiste faite par une de ses filles aînées Marie-Christine (qui sera gouvernante des Pays-Bas autrichiens au temps de Joseph II). Et par exemple, elle fera inoculer ceux-ci (contre la variole), une pratique dangereuse : 10 d’entre eux atteindront l’âge adulte, score remarquable pour l’époque !

Que François Ier eut des aventures galantes, c'était dans la normalité de l'époque, mais on ne lui connaît pas de liaison réellement soutenue.

[Villermont, 1895] rapporte une anecdote suspecte, qui, même si elle ressemble trop à d'autres du même type, tend à montrer un couple complice et qui se parlait : Se promenant dans les environs de Vienne par une belle et chaude journée de fin d'été, Marie-Thérèse se délecta d'une savoureuse grappe de raisin qui jaillissait d'un coteau. François se précipita, grimpa le coteau et rapporta le larcin à sa belle. Coups de cors et bientôt apparurent des garde-vignes qui les rudoyèrent, exigèrent une compensation financière pour le chapardage (que n'avait pas François sur lui) et les emmenèrent à la justice du village. Le "juge", qui était dans son champ, dut interrompre son travail et de méchante humeur, fit enfermer les tourtereaux qui s'amusaient de l'aventure. Et bien sûr, le dénouement heureux est connu à l'avance!

 

 

Gouache intimiste réalisée par Marie-Christine, une des filles aînées. La petite fille tenant une poupée est Marie-Antoinette.

 

Ce n’était pas une femme des Lumières au sens français ou allemand (aufklärung), encore moins des Lumières radicales ; bien que bigote et l’Europe s’en moquait, avec un vrai fond philo-janséniste, elle était cependant intéressée par la théologie-philosophie optimiste d’un Ludovico Muratori [Solé, 1972 ; Reb, 1995 ; Boutier, 2005], qui pratiquait une sorte d’ « ascétisme utilitaire » dans ses relations avec les autres. Il fit une distinction nette entre dogme et discipline ecclésiastique, la seconde étant soumise à la critique et aux vicissitudes du temps, invitant donc le catholique à s’adapter selon ses besoins. Notons que Muratori fit partie de la « Royal Society » de Londres à l’initiative de Newton avec qui il partagea son opposition à Leibnitz. Muratori entretint également une correspondance avec le pape Benoît XIV qui, tout en avouant avoir été heurté par nombre de ses réflexions, voulait éviter une condamnation qui ferait plus de tort que de bien. D’ailleurs il empêcha que les œuvres de son ami Muratori soient mis à l’index.

En ce sens, on peut penser que Marie-Thérèse était proche de ce courant qu’on a appelé dans le centre de l’Europe, les « Lumières catholiques » (un mot un peu valise où l’on retrouve le Portugal de Pombal, la Toscane du Grand-duc Léopold, Mayence du prince-archevêque-électeur Breidbach zu Bürresheim, Salzbourg du prince-archevêque Colloredo, Breslau du prince-archevêque Zinzendorf et son successeur franc-maçon Schaffgotsch, ou même Liège du prince-évèque franc-maçon Velbrük, etc.) ; l’expression « Aufklärung catholique » serait peut-être plus appropriée et ce sont les termes qui seront employés ici. D’ailleurs si son chancellier Wenzel Kaunitz était véritablement un homme des Lumières, son médecin officiel, qui lui était très proche, Gotfried Van Swieten, également membre de la Royal Society, était un savant et médecin janséniste d’origine hollandaise, élève de Boerhaave, de même que son médecin ordinaire Anton De Haen qui était membre de l’église d’Utrecht « vieille-catholique ». Van Swieten va réformer en profondeur les relations de l’État habsbourgeois avec la sphère ecclésiastique (université, théologie, censure, etc.). Après s’être séparé de son confesseur jésuite en 1767, Marie-Thérèse prendra le prêtre Ignaz Müller, un des jansénistes les plus en vue de Vienne. Et elle n’hésitera pas à rencontrer Gabriel Dupac de Bellegarde (l’auteur des « Nouvelles Ecclésiastiques ») lors de son séjour viennois en 1774. C’est dire ! [Reb, 1995]

Notons que l’accès à l’enseignement l’intéressait et elle favorisa celui-ci dans ses États. L’alphabétisation doublera aux Pays-Bas autrichiens, où environ 60 % des hommes et 40 % des femmes adultes signaient de leur nom en cette fin d’ancien régime, plus dans les villes que dans les campagnes, ce qui est une belle performance pour cette époque. Une sécularisation de l’enseignement, même dans un cadre privé (comme on peut le voir avec l’affaire Zyben -voir plus loin-) devient progressivement visible à côté de celui des Jésuites ou des Augustins. [Ruwet, 1978]

Sa politique suit des lignes de force constantes : Elle favorisera systématiquement le gallicanisme contre l’ultramontanisme (curialisme), et le régalisme contre le gallicanisme. [Bosch, 1969] Bref l’intérêt de l’État devait toujours passer devant (celui-ci doit se comprendre comme un ensemble de moyens à disposition du prince visant la recherche du bonheur de ses peuples -selon les idées de l'époque-). Ceci n’était pas sans incidence sur une franc-maçonnerie tolérée, mais pas plus, comme on le verra par la suite.

D’un pragmatisme prononcé, elle dirigea ses États héréditaires de façon mercantiliste. L’utilitarisme est un maître mot de sa politique. Dans cette optique, François, son mari, s’était révélé un chef d’entreprise avant la lettre, de grande ampleur, mettant à profit les découvertes techniques de son époque. Il fera une fortune, à ce point imposante, qu’elle profite encore aujourd’hui aux membres de la famille Habsbourg-Lorraine. Et d'ailleurs Marie-Thérèse prenait volontiers conseil auprès de lui.

 

Couronne des Pays-Bas autrichiens (Brabant, Flandre), 1765. C'est une croix de Bourgogne au centre, que l'on retrouve tant chez les Habsbourg Espagnols qu'Autrichiens, symbole mythique des ducs de Bourgogne dont ils descendent.

 

Et c’est bien cette politique-là qui fut menée aux Pays-Bas autrichiens. Son double beau-frère, Charles-Alexandre de Lorraine, qui avait épousé son unique sœur chérie, Marie-Anne, était le frère de son mari adoré (!) ; il sera le gouverneur des Pays-Bas autrichiens durant son règne : cela coïncide quasi parfaitement. Il avait été à bonne école, puisque son père Léopold de Lorraine instrumentalisa systématiquement le jansénisme lorrain, très important, pour contrer l’influence française dans ses États. [Taveneau, 1960]

Il y aura véritablement des liens de confiance entre l’administration entièrement belge des Pays-Bas autrichiens de cette époque avec l’administration de Vienne et Marie-Thérèse [Lefèvre, 1928] ; cela fut un élément important (déterminant même si l’on voit la catastrophe causée par Joseph II qui n’eut que mépris pour cette administration ‘locale’), lequel permit le relèvement du pays après un XVIIe siècle funeste et une première moitié du XVIIIe bloquée.

Marie-Thérèse, peu avant sa mort, à son fils Joseph II qui préparait son voyage aux Pays-Bas : « Je ne crois pas que nous ayons besoin de changer en quoi que ce soit la Constitution et les principes de l'administration de ce pays. C'est notre seul État heureux, qui paie beaucoup d'impôt et auquel nous devons notre position prépondérante en Europe ... Vous savez combien les peuples de ces provinces tiennent à leurs préjugés traditionnels -peut-être ridicules ; mais puisqu'ils sont obéissants et fidèles et qu'ils paient plus d'impôts que nos provinces allemandes épuisées et mécontentes, que pouvons-nous leur demander de plus ? » [Bled, 2011].

 

Cela ne veut pas dire que le pays ne connut pas de réformes, bien au contraire : « Le régime autrichien, surtout le règne de Marie-Thérèse, compte parmi ces moments favorables. L’impératrice a considérablement étendu l’emprise du gouvernement central en matière administrative, ecclésiastique, économique, mais sans heurts ni éclats, la main de fer dans le gant de velours » [Douxchamps-Lefèvre, 1961].

 

Voilà le cadre général dans lequel la franc-maçonnerie va se développer. Marie-Thérèse ne l’aimait pas, mais elle va la tolérer.

 

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2. L’affaire Crudeli à Florence

Tomasso Crudeli (1702-1745) (image amazon)

 

De l‘importance de l’affaire du Dr Tommaso Crudeli, poète de Florence et secrétaire de la première loge anglaise de Toscane, durant la régence (1737-1765).

Il est arrêté par l’inquisiteur de l’Officialité de Florence et incarcéré de 1739 à 1741.

Il est probable que cette première expérience pour le couple François/Marie-Thérèse fut déterminante dans la politique qui sera ensuite suivie, notamment maçonnique.

François de Lorraine s’était marié avec Marie-Thérèse d’Autriche en 1736. La pragmatique sanction l’obligea à abandonner la Lorraine en échange du Grand-duché de Toscane dont il devint le grand-duc en 1737 à la mort de Gaston de Medicis, sans postérité. Ceci résulte de la paix de Vienne de 1738 qui concluait la guerre de succession de Pologne. Avec son épouse, il y fit un court séjour en 1739. C’est une « régence » qui gouverna le grand-duché, dominé par des Lorrains durant la période "François", dont le prince de Craon, président du conseil de Régence et surtout pour ce qui nous concerne le comte de Richecourt, bras droit du duc régnant en Toscane.

L’inquisiteur Ottoboni dénonce en 1738 l’existence d’un cercle (la loge anglaise) dans la librairie Rigacci, où s’échangent et se lisent des livres interdits. Autres membres : Giullio Rucellai et le baron von Stosch (autre libraire et espion anglais). La Loge cesse de se réunir. Notons déjà ici le lien entre franc-maçonnerie et censure, nous y reviendrons, mais aussi avec les réunions / sociétés de lecture, ainsi que les cabinets de lecture (souvent propriété des libraires eux-mêmes), qui vont se multiplier au XVIIIe siècle.

L’Office ecclésiastique obtint de François de Lorraine l’arrestation de Crudeli et l’expulsion de von Stosch, qui fut indéfiniment remise après plainte des Anglais (alliés des États héréditaires à ce moment). Il refusera ensuite tout autre demande de l’inquisition qui voulut confirmer ce premier succès.

 

Crudeli fit alors une narration ‘spontanée’ sur les francs-maçons (répondant aux 43 questions préparées au Vatican), et fut convaincu de blasphèmes envers la religion par des témoins (la raison maçonnique n’était pas officiellement retenue, l’appartenance de François de Lorraine à la fraternité était parfaitement connue). Ceux-ci se rétractèrent et Crudeli fut relâché en 1741. Il mourra quelque temps après de tuberculose pulmonaire, et peut-être aussi des mauvais traitements subis durant son incarcération.

 

En 1743, une sévère réforme de l’Office intervint, ainsi que de la censure, où l’affaire Crudeli fut nommément utilisée, qui limitèrent fortement le pouvoir ecclésiastique. Cette affaire est longuement relatée dans le livre de [Ferrer-Benimeli, 1976].

 

Notons le rôle central du talentueux Giulio Rucellai (1702-1778), d'une vieille famille florentine, membre de l’éphémère loge et qui défendra bec et ongle son 'frère', collaborateur proche de Richecourt, sénateur, chargé du "Regio Diritto", organe qui prenait notamment en charge les affaires ecclésiastiques et qui voulait (et va) étendre la juridiction du prince ("le juridictionnalisme"), et donc ses compétences, au détriment de celle de la Curie. C'était un peu le "Van Swieten" de la Toscane. Et par exemple, pour lutter contre les effets de la mainmorte, il s'appuiera sur les écrits de Zegher Van Espen (1646-1728), un canoniste de Louvain, central dans le traitement juridique du gallicanisme, dont il sera question plus loin. Ceci permet de mieux comprendre les enjeux de l'affaire Crudeli : une sorte de répétition générale pour les États héréditaires et notamment pour les Pays-Bas autrichiens. [Chapron, 2004] [Edigati, 2017]

 

On voit apparaître ici l’action anti-maçonnique décidée du nonce à Vienne, le (futur) cardinal Camillo Paolucci qui sera très présent et actif dans toutes les actions de ce type au niveau des États héréditaires (l’affaire Crudeli, la fermeture de la loge viennoise en 1743, l’affaire von Schaffgotsch à Breslau qui aurait été un des fondateurs de la loge Viennoise « Aux Trois Canons »), comme le fut son oncle le cardinal Fabricio Paolucci, secrétaire d’État au Vatican, dans toutes les actions anti-jansénistes et notamment l’affaire Van Espen aux Pays-Bas autrichiens. [Nuttinck, 1969]

 

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3. L’affaire Ransonnet à Namur

 

Jean-Joseph-Antoine Ransonnet, chanoine de Saint-Aubain (cathédrale) de Namur, fut patenté comme écolâtre par l’Autorité (prérogative du Prince) en 1746. Il restera en fonction jusqu’en 1767 (décès).

J.B. Adolphe : dans son dossier de désignation comme maître d'école. [AEN]

 

Ransonnet déposa plainte en 1754 entre les mains du procureur général (le « fiscal ») qui était à ce moment son « ami » Jacques-Joseph Stassart (qui est le grand-père du premier Grand Maître du Grand Orient de Belgique) parce qu’un maître d’école dont il a la charge, Jean-Batiste Adolphe, s’occupait « des comptes des Francs-Maçons ». [Pisvin, 1963]

 

Journal du chanoine Ransonnet. [Archives de la Société Archéologique de Namur].

 

Dans son journal [Archives de la Société Archéologique de Namur], on trouve relatée son histoire : « « … Nous nous étions proposés de questionner ledit Adolphe sur la confraternité ou ordre des francs-maçons dans lequel on nous a rapporté qu’il était inscrit dont même nous avons déjà des informations préparatoires, mais nous avons trouvé convenir de remettre à une autre visite cette affaire, et si nous pouvons parvenir à l’éclaircir à fond, nous conclurons à la cassation et destitution dudit Adolphe de sa maîtrise d’École, comme assistant à des assemblées dangereuses, suspectes, et où se passent les choses les plus infâmes contre les bonnes mœurs et la pudeur, étant à remarquer que les francs-maçons sont depuis 5 à 6 ans excommuniés publiquement par NSP le pape Benoit XIV et que S.M. les a fait chasser à perpétuité de sa ville capitale de Vienne, comme gens suspects à l’église et à l’état, et d’une vie corrompue. »

Tout ce qui faisait reproche, à l’époque, à la franc-maçonnerie, se retrouve ici !

 

1751, Courriers, Conseil Provincial de Namur. [AEN]

 

Mais pourquoi s'adressait-il au fiscal ? Il avait déjà eu quelques disputes, non seulement avec son Chapitre-cathédral mais aussi avec le Magistrat de la Ville, ce qui obligea le Conseil privé (dont le rôle est de conseiller Son Excellence le gouverneur général Charles-Alexandre de Lorraine) à s’y pencher et le Conseil provincial de Namur à prendre position en 1751 : « Déclare en outre S. E., que le Maître ou la Maîtresse d’École, étant une fois établi et commis, soit depuis quelque temps par d’autre, soit pour l’avenir par le suppliant ou ses successeurs dans ladite Écolâtrie, ne pourront être dépossédés ou destitués, que par le jugement concursif [avec le concours] du Conseiller Procureur Général du Conseil de Namur moderne et de ses successeurs, que S.E. a autorisé, comme elle l’autorise à cet effet, et d’un échevin à nommer au même effet par ceux du magistrat de la ville de Namur ».

Voilà pourquoi il s’adressait au fiscal du Conseil provincial et non, par exemple, à l’Office diocésain (comme dans l’affaire Crudeli) : il n’avait pas le choix. Mais cela montre aussi une capacité de l'Autorité d'anticiper des événements qui apparaîtraient sans doute insignifiants, mais qui pouvaient mettre en cause l'autorité du prince.

 

Il ne lâche pas le morceau ... nous sommes en 1757 !

1757. Toujours concernant le maître d’école Adolphe : Où Ransonnet menace, dans post-scriptum, le prince de Gavre (gouverneur de la province) d’un « vacarme général dans la ville » parce qu’il a reçu J.B. Adolphe !  [AEN]

 

N'ayant pas obtenu gain de cause, toujours furieux contre son maître d’école, qui était manifestement un franc-maçon, un frère servant selon Hugo De Schampheleire, il alla se plaindre (écrit) auprès du gouverneur, le (premier) prince de Gavre qui avait fourni des prix pour ses élèves, ce que Ransonnet refusait de faire depuis sa première plainte de 1754.

Apprenant que le Prince avait, en outre, comble de l’humiliation, reçu ledit Adolphe, Ransonnet perdit patience et le menaça d’un « vacarme général dans la ville ». (Devons-nous soupçonner des liens maçonniques entre le maître d’école et le prince, -son fils et petit-fils le seront- ?)

 

1757. Observations du prince de Gavre à ce sujet. [AEN]

 

La réponse ne se fit pas attendre, à son secrétaire Paubon : « … je ne trouve pas à propos de répondre, il faut qu’un homme soit bien vif et bien outré ou peu chrétien pour escrire une lettre pareille … je crains peu ses menaces … luy montrer aussi [au président du Conseil] la lettre de cet homme violent ... ». (On peut soupçonner le président du Conseil provincial Maloteau d’être également un franc-maçon ? Son fils le sera.)

 

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4. Providas

 

 

Examinons les reproches dans un contexte plus général. Que dit la constitution (bulle) du pape Benoît XIV, « Providas romanorum» contre les francs-maçons de 1751 ?

Les reproches que l’on trouve dans les constitutions papales Eminenti (1738) / Providas (1751), sont grosso modo les mêmes qui furent auparavant prononcés par la Résolution des États de Hollande (1735) ou pour le Craftsman (1737) (nous examinerons cela plus loin), avec une cause locale et souvent un arrière-fond anti-anglais.

  • Secret.

  • Les serments (« sur la Bible » Eminenti) qui s’opposent au droit (canonique) légitime de savoir.

  • Le relativisme religieux (« fortement suspect d’hérésie » Eminenti).

  • Le droit d’association sans permission.

  • Mœurs (« Perversion et méchanceté » Eminenti).


Nous nous pencherons plus loin sur les éléments de l’accusation : vie corrompue, censure, bulle « Providas » de Benoît XIV et la position de l’Autorité séculière.

 

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5. Loge de Namur

 

La maçonnerie namuroise se trouve dans une situation « utile ».

L’exemple d’Antoine Egersma est très parlant. Il était né à Namur en 1725 (registre de l’église wallone = réformée).

On le retrouve, dans le tableau de la loge de 1776 [De Brouwer, 2008]:

Voici les sept rubriques le concernant:

  • Office dans la loge: Ambassadeur.
  • Nom de la personne: Mr Antoine Egersma, né à Namur
  • Qualité des personnes: Capitaine au régiment de SAR le prince de Bade-Durlach, aide-major du château de Namur.
  • Age: 46
  • Grade de l'Ordre: Reçu par le frère de Gavre en 1751. Dans les hauts Grades.
  • Condition des membres: Constituant.
  • Circonstances: -

D'autre part, le "Registre de naissance de l’Église wallonne" à Namur  [AEN], nous précise qu'Antoine Egersma était né le 1 mars 1725, 4e enfant de François Egersma et de Baukjen Van Ommen. Le fait qu'il soit repris dans le registre de l'Église wallonne nous indique qu'il est de religion protestante. (Un tel registre avait été ouvert dès 1715, lorsque les troupes des Hautes Puissances s'étaient installées à la citadelle de Namur avec leurs familles.)

 

Il tient donc l'office d' « ambassadeur ».

En 1751, à 26 ans, Antoine Egersma, d’origine frisonne, né à Namur, était initié par le prince de Gavre (le 1er ou le 2e : ils seront, l’un à la suite de l’autre, Gouverneur de la Province ; ce sont des proches de Charles-Alexandre de Lorraine. Le deuxième, tout comme le troisième, sera un féru de maçonnerie).

Egersma, ayant fait ses armes dans le régiment de Durlach (prince de Bade-Durlach, famille d’Orange-Nassau), devient le ‘commandant-adjoint’ de la citadelle de Namur.

On comprend pourquoi, dans une loge composée, moitié d’officiers réformés, et moitié de bourgeois-nobles catholiques de Namur, il fait office d’ « Ambassadeur ».

Les relations civiles entre les troupes des Provinces-Unies et les autorités namuroises furent réputées assez bonnes, avec des gestes de bonnes volontés de part et d’autre. [Denys, 2005]

La loge trouve là une évidente utilité (maître-mot habsbourgeois !).

 

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Vignette pour sa loge, réalisée par Antoine Cardon père, membre de la loge des Vrais Amis de l'Union à Bruxelles.

 

Densité maçonnique avant 1786 dans les Pays-Bas autrichiens.

Selon les estimations de [Hugo De Schampheleire, 1980] :

> 3/1000 hommes-adultes ont été franc-maçons.

Pour la période obédientielle (1770-1786) : 1/3 faisaient parties de loges obédientielles (huppées) et 2/3 de loges non-obédientielles.

Il recense 1575 noms de francs-maçons pour cette période dont il donne une courte description (un peu comme le fichier Bossu).

 

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6. Vie corrompue

L’accusation d’une vie corrompue était ancienne, mais était-elle encore relayée à l’époque de Ransonnet ? Rien n’est moins sûr.

Cela montre cependant que notre écolâtre, qui est quelqu’un de manifestement lettré, était parfaitement au courant de la position de la franc-maçonnerie. Nous savons, par ses besoins d’argent et son journal, qu’il voyageait beaucoup pour rencontrer des personnes qui pouvaient l’informer.

 

Placard, 2 décembre 1735, Amsterdam, interdisant la franc-maçonnerie.

[De Schampheleire, 2003]

 

La première interdiction de la Maçonnerie vient d’un pays protestant : résolution du 30 novembre 1735 des États de Hollande : « … en altyd gehouden zyn voor Queekscholen van factien en debauches ».

Le terme « débauche » vise clairement, notamment des actes de sodomie.

Ici à Londres, là en France.

 

« London Magazine » du 16 avril 1737 (repris ci-dessus) ; intitulé Craftsman n°593 et signé Jachin. 

« ..., it is likewise a Term in Gunnery for a flat Piece of Lead to cover the Touch-hole of a Cannon, when it is loaded : and I leave my Superiors to judge whether it may not be made Use of by our Free-Masons to typify something of the same Nature. »

 

 

Ou cette chansonnette en France de décembre 1737 :

"De toute republique

Chassé honteusement

Vint un corps socratique

Tumultueusement

Le ponpon s'écria

Quelle est donc cette troupe

Ce sont les freys maçons dondon

Et que si nous étions la la la

Nous taterions la croupe"

[De Brouwer, 2015]

 

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La question peut, en effet, se poser lorsqu'on examine ce dialogue. Probablement pour les tenants d'une Église ultramontaine, le combat contre le jansénisme ou contre la franc-maçonnerie devait bien souvent se confondre.

 

Anselme : Je trouve qu’au contraire, il y a grand sujet de s’humilier. Avoir pour adhérants des monstres de nature qui ne connaissent ni bien ni mal, ni vertu, ni vice, ni vérité ni erreur, se peut-il imaginer rien de plus ignominieux ?

Isidore : D’autant plus ignominieux, illustre Anselme, que ces mêmes monstres de nature ne travaillent à se rendre incrédules que pour demeurer toujours vicieux. Accorder tout à ses plaisirs ; voilà leur principe.

 

De qui parle-t-on ici ? Des jansénistes ou des Francs-maçons … la confusion, au vu de Providas, semble possible (d’autant que, lorsqu’on lit la réfutation des 101 propositions des « réflexions morales » de Pasquier Quesnel dans Unigenitus, il n’y a apparemment rien de tel) !

(Pasquier Quesnel, un oratorien, arriva à Bruxelles en 1685, l’année de la révocation de l’édit de Nantes, y fut arrêté en 1703, s’enfuira de Bruxelles en 1707 pour arriver dans les Provinces Unies où il décéda en 1719.)

 

Notons l’affaire de Salzbourg en 1740, où on confond « à la Muratori » avec franc-maçonnerie ; où il semble que la confusion entre ‘philo-jansénisme’ et franc-maçonnerie soit volontaire, d’autant que la première loge (connue) ne date que de 1783, sous le règne réformateur du prince-archevêque Hieronimus von Colloredo (1772-1812).

 

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7. Censure

 

Courriers, Conseil provincial. [AEN]

 

Censure de deux livres anti-jansénistes en mars 1755 : Les "Entretiens d’Anselme et d’Isidore" & "Vijf Waerheden". C’est une tendance très réelle de cette époque : la censure des livres anti-jansénistes outranciers, malgré leur approbation par l’autorité ecclésiastique, fut effective, alors que les œuvres des Van Espen, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, l’Encyclopédie (le plus vendu), Hume, Locke, ... sont en libre circulation ou quasi.

En 1764, Charles-Alexandre de Lorraine décida de substituer systématiquement la censure ecclésiastique pour celle du fiscal : "attendu que quantité de livres de la plus grande utilité et contenant les meilleures maximes pour l'État y sont représentés comme proscrits [par la censure ecclésiastique], tandis que d'autres opposés à ces maximes, au bien de la religion et aux bonnes moeurs, y sont représentés comme bons et approuvés".

Il y a, dans les faits, peu de censure et si censure, peu de suivi : les fiscaux sont surchargés et cela n’entre pas dans leurs préoccupations principales ; il y a un laxisme presque officiel.

Notons que Van Swieten avait établi une liste de livres interdits, méthode consacrée par un édit à Vienne de 1754, mais que le Conseil privé refusa fermement et Marie-Thérèse s’inclina devant les raisons invoquées. Cobenzl (1755) : "En faire davantage dans un pays limitrophe des deux sources des plus mauvais livres, de la France et de la Hollande, pouvait être dangereux, parce que la situation de ces provinces est telle qu'il est impossible d'y empêcher l'entrée des mauvais livres, et qu'au lieu d'en prévenir la lecture on pourrait exciter la curiosité du public qui n'est nullement porté pour la lecture".

[Puttemans, 1935]

Par exemple en 1774, le procureur général Dupaix de Namur, dont on félicite, pour la forme, le zèle (?), se vit ordonner par le Conseil Privé de laisser en vente libre des ouvrages qu’il estimait séditieux ! Ou le ministre plénipotentiaire et franc-maçon Cobenzl, qui entretenait une petite correspondance avec JJ Rousseau, ne se gênait pas pour acheter aux Provinces-Unies, juste à côté, au vu et au su, tout ce qui était interdit …

 

Il n’empêche, l’exemple de l’ex-jésuite François-Xavier Feller (1735 à Bruxelles-1802) est, à la fois particulier par l’ampleur de son travail et de sa diffusion, et exemplaire. Devenu prêtre séculier avec la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, il se transforma en pamphlétaire ultramontain outrancier, un adversaire décidé du pouvoir habsbourgeois, reconnu au-delà des frontières belges. Après avoir subi la censure à Luxembourg, et ce fut bien difficile à établir, d’autant que son journal changea simplement de titre pour continuer à être débité, il s’était finalement installé dans la principauté de Liège. Il va inonder les Pays-Bas autrichiens de divers écrits (par ex. son dictionnaire des hommes célèbres en 17 volumes) et notamment son « Journal Historique et littéraire », très lu. C’est d’ailleurs une bonne source de connaissance historique. Possédant un réseau d’informateurs à dimension internationale, il fut par ailleurs systématiquement censuré à partir de janvier 1788 par décret impérial, sans beaucoup de succès. Bien plus, ce sera un des moteurs importants de la révolution brabançonne de 1789 dans sa composante réactionnaire et archaïque, qui apparut majoritaire, écrasant les partisans des Lumières. Sa lutte contre la franc-maçonnerie fut incessante, reprenant à son compte les éléments de la condamnation de ceux-ci que nous avions retrouvé dans l’affaire de Louvain de 1774 (voir plus loin) ou chez Ransonnet : « Comment le défenseur des Francs-Maçons a-t-il pu avoir l’audace de soutenir que leur institut est une école de vertu et de bonne mœurs ? qu’il n’attaque en rien l’autorité souveraine, ni la religion ? Alors qu’il tend évidemment à la destruction du genre humain et à lui arracher son bonheur temporel et éternel, en le libérant des liens de la société et de la religion pour le laisser vivre dans une licence sans limites et un libre arbitre qui ne peut être retenu par aucun frein ». (1777, affaire de Naples. Dans [Ferrer-Benimeli, 1976].)

 

Il y eut, certes, des ‘nombreux’ ecclésiastiques dans la maçonnerie belge, un loge "Les Amis Thérésiens" à Mons leur fut dédicacée, et même un évêque à Liège "François-Charles de Velbruck" (1772-84) en fit partie ; cependant l’exemple de Feller nous montre que la réaction ultramontaine fut vigoureuse, efficace (la révolution brabançonne en est témoin) et ne pouvait être sous-estimé par l’Autorité.

 

 

En effet, le livre de Zegher Van Espen (1646-1728), « Responsio », fut lacéré en place publique à Bruxelles en 1725 (soit un an après la consécration de l’évêque Cornelius Steenoven de l’Église d’Utrecht par Dominique Varlet), livre qui traite et défend cette consécration. [Puttemans, 1935 ; Nuttinck, 1969]

C’est la cause et le début des procès contre Van Espen qui trouvèrent leur aboutissement en 1728, ce dernier se réfugiant alors à Maestricht puis dans les Provinces Unies où il décéda en 1728 à l’âge de 82 ans.

Depuis l’époque avait changé : ses livres étaient à nouveau libres de vente, et pour cause, et ceux de ses détracteurs étaient devenus interdits !

Zegher Van Espen était, déjà de son vivant, un célèbre canoniste janséniste de Louvain, nous dirions aujourd'hui un juriste 'spécialiste' du gallicanisme. Il était limpide et brillant, et la 'brique' que [Nuttinck, 1969] lui consacre se lit avec facilité et plaisir. La ligne "Marie-Thérèse" épousait parfaitement cette logique. Son influence dans tous les État héréditaires fut indéniable, nous en avons vu un exemple avec Rucellaï à Florence, ou avec Febronius qui fut un de ses élèves.

 

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8. L'organisation de l'administration

 

 

Le choix des personnes qui remplirent les plus hautes charges aux Pays-Bas autrichiens, même si le népotisme était présent, faisait l’objet de soins attentifs et soupçonneux, à travers diverses étapes et de multiples rapports (en ce compris pour les plus hautes charges ecclésiastiques). Marie-Thérèse gardait le dernier mot, mais s’écartait rarement du choix final proposé. Les critères étaient, d’une part la fidélité aux objectifs du régime (par ex. un soupçon de tendance ultramontaniste faisait écarter une candidature), leur bagage universitaire, leur expérience, leur capacité de travail et leur esprit de réforme. [Lefèvre, 1939] [Placide Lefèvre, 1938] On ne doit donc pas s’étonner qu’ils furent généralement favorables à la franc-maçonnerie, et pour certains, en firent partie.

 

  • Chancelier de l’Impératrice-Reine, Wenzel von Kaunitz (1753-92) était franc-maçon. Par contre, on ne connaît pas ses activités maçonniques. Trois de ses fils, ainsi que d’autres membres de sa famille, en firent également partie.
  • Gouverneur général : Charles-Alexandre de Lorraine (1741-80) Il fut très probablement un franc-maçon ; cependant, il n’existe qu’une donnée d’époque ( Défense apologétique des franc-maçons de 1747), et des données du XIXe siècle (Cordier, 1856).
  • Ministre plénipotentiaire : Charles de Cobenzl (1753-70 ; Slovène). Il avait été initié en 1741 à Bayreuth. Il fut actif dans les hauts-grades. Il sera par exemple un protecteur du comte de Saint-Germain lors de son séjour dans les Pays-Bas autrichiens en 1763.
  • Chef-président du Conseil privé : Augustin de Steenhault (1740-58) / Patrice de Neny (1758-83). Ce dernier entretint une correspondance suivie avec Gabriel Dupac de Bellegarde qui existe toujours. Il n’était probablement pas franc-maçon ; cependant un Neny apparaît comme visiteur à la loge d’adoption d’Alost, il pourrait s’agir de son fils.
  • Gouverneur de la Province : Charles-Emmanuel Prince de Gavre (1739-70). Il existe une donnée namuroise certifiant un prince de Gavre initiant en 1751 (voir plus haut). C’est probablement lui, mais ce pourrait être aussi son fils (quoiqu’alors très jeune) dont on connaît les multiples attaches maçonniques. Son petit-fils sera membre de la loge namuroise (après-guerre de 7 ans).
  • Président du Conseil : Juste-Jacques Bervoet (1749-55) / Thomas Maloteau (1756-64) : s'il existe des soupçons concernant l'appartenance de ce dernier à cette loge namuroise de 1754 (comme le premier prince de Gavre), en réalité on n'en sait rien. Son fils sera membre et vénérable maître de la loge namuroise (après-guerre de 7 ans).
  • Procureur-général du Conseil : Jacques-Joseph Stassart (1746-1757). Il n’est manifestement pas franc-maçon. Il deviendra plus tard président du Conseil de Namur, ainsi que son fils. Son petit-fils, Goswin de Stassart sera le premier Grand Maître du Grand Orient de Belgique.

 

En effet, n’oublions pas que nous sommes toujours dans des structures médiévales qu’il fallait faire évoluer. Par exemple, le « Conseil Provincial » était l’héritière de la Haute Cour des Comtes de Namur. C’est donc l’instance suprême régionale au service du prince (l’Impératrice-Reine, comtesse de Namur) ; y siège son « fiscal », en l’occurrence le « procureur général », qui est son bras armé.

Il n’y a pas de séparation des pouvoirs et donc cette instance était compétente en matière judiciaire, mais aussi administrative, exécutive et parfois législative. C’était l’instrument par excellence du gouvernement central. C’était la chambre d’appel des cours subalternes (les Magistrats des villes, les justices de village -haute-moyenne-basse-, les cours privilégiées comme la cour des Ferons à Namur), mais aussi de l’Office (cour ecclésiastique) et, dans certains cas, de la haute cour des nobles (le « Souverain Baillage »).

Les États de Namur (noblesse, ecclésiastique et tiers) fonctionnaient indépendamment des autres États des Pays-bas autrichiens, avec ses propres privilèges, jurisprudence, et mode de fonctionnement. Mais tous ces États (Namur, Hainaut, Flandre, Brabant, Luxembourg, etc.), jaloux de leurs privilèges, avaient le pouvoir de l’impôt … (et Joseph II va s’y fracasser).

Dans certains cas, les décisions du Conseil provincial pouvaient faire l’objet d’un appel au « Grand Conseil de Malines » (héritière du Conseil « fixe » des ducs de Bourgogne sur leurs différents États).

 

L’organisation centrale est grosso modo celle de la période espagnole. Le gouvernement central était composé de trois Conseils collatéraux (mis en place par Charles-quint). Le principal était progressivement devenu le "Conseil privé" (héritière de la cour de justice itinérante des ducs de Bourgogne), dont le rôle s'était transformé en celui d’un ministère élargi de la justice et de l’intérieur. Le "Conseil d’État" (politique extérieure) perdit de son importance avec le régime autrichien (remplacé par le ministre plénipotentiaire) et n’était plus qu’honorifique. Par contre, le troisième Conseil, celui des "Domaines et des Finances" prit une grande importance à cause de la politique mercantiliste (douanes) et industrielle de Marie-Thérèse. À côté de ces trois Conseils, il y avait la chambre de comptes (actuelle cour des comptes), et des jointes (par exemple la jointe des eaux qui préfigure le ministère des travaux publics). L’interface entre l’administration centrale et - le gouverneur général / ministre plénipotentiaire de l’Impératrice-Reine -, était réalisée par le "secrétariat d’État et de Guerre". Sauf le gouverneur et le ministre plénipotentiaire, il n’y avait pas d’ « étranger » au sommet de l’administration centrale. C’était une vraie différence par rapport à la Toscane. [Alexandre, 1895; Lefèvre, 1928; Lefèvre, 1939; Douxchamps-Lefèvre, 1961]

Cette organisation réellement compliquée, en partie décentralisée, qui nécessitait une négociation permanente, fonctionnait à la satisfaction de « tous » durant le règne de Marie-Thérèse, ce qui n’empêchait nullement les réformes. Même la perception de l’impôt fut grandement améliorée pour la rendre plus efficace et plus ‘juste’. Curieux absolutisme où chacun s’y retrouvait et que Joseph II ne pouvait pas comprendre, bien qu'il fut un continuateur en accéléré de la politique maternelle. La rupture se fera en milieu de règne, autour de 1785, où, signe de perte de confiance et de raidissement, l'on voit de hauts-fonctionnaires étrangers entrer dans l'administration belgo-autrichienne, tel le baron de Martini qui venait de Lombardie. Joseph II fut un adepte acharné du « tout pour le peuple, rien par le peuple » : ce dernier le lui rendit bien en 1789 dont le tout premier acte dans sa « révolution brabançonne » ‘conservatrice’ (réactionnaire et ultramontaine dans ses éléments principaux) fut de le destituer ! [Lefevre, 1928 ; Douxchamps-Lefevre, 1961; Hasquin, 1988 ; etc.]

 

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Le livre le plus vendu au XVIIIe siècle !

 

Les évolutions sont fortes, et l'enseignement n'est pas en reste ; non seulement il se sécularise, mais il se privatise aussi.

 

Où l'écolâtre Antoine Ransonnet rue dans les brancards de la « réforme », presqu'en vain !

 

Après de nombreuses démarches depuis 1762, notamment auprès du fiscal, plainte est déposé au Conseil privé le 19 mai 1764, par l’écolâtre Antoine Ransonnet, à charge d’un canonnier hollandais (calviniste), nommé Zyben, « qui tient une école publique dans laquelle il enseigne une doctrine perverse et hérétique » (ainsi que contre la femme du soldat Casnau pour la même raison).

Il résulte de l’enquête que l’école était excellente, que de nombreux parents catholiques désiraient son maintien parce qu’on y enseignait le flamand, et que le comte de Berlo, évêque du diocèse, avait autorisé Zyben à continuer ses leçons, moyennant la promesse formelle qu’il ne parlerait pas de religion à ses élèves. 

Il n'empêche, en mai 1766, un placard du Conseil provincial de Namur, ordonnait le retrait des enfants de ce type d'école. [Ronvaux, 2019]

 

La position du Conseil privé, indifférente ou même favorable à ce genre d'établissement, en accord avec Charles-Alexandre de Lorraine, apparaît étonnante, mais semble constante sur ce plan : dans une affaire similaire, en 1779, il blâma le curé d’Eupen et lui enjoignit de s’abstenir de molester de façon quelconque le dit ministre (calviniste). Il ne convenait pas « de donner aux réformés quelque matière à user de représailles et à inquiéter davantage les catholiques dans les païs où la religion réformée domine ». [Hubert,1902] [Douxchamps-Lefèvre, 1961]

 

Le chanoine Ransonnet se plaignit donc des écoles réformées (calvinistes) à Namur, nécessités par les garnisons de soldats des Hautes Puissances qui tenaient la citadelle. Là, à nouveau, avec un succès très partiel, plusieurs années de bataille et une réforme de sa propre écolâtrie qui dut offrir des services au moins équivalents. Les raisons sont multiples : ici la connaissance du flamand donnait un avantage pour le commerce, notamment avec la garnison et leurs familles qui sont également présentes, mais aussi via la Meuse vers Maestricht et les Provinces Unies ; là elle permettait de soulager des populations catholiques soumises à une Autorité réformée.

 

Ransonnet pouvait certainement fabuler sur une main de la franc-maçonnerie présente derrière tout cela, tant avec son maître d’école, c’est explicite, qu’avec le prince de Gavre qui en est probablement, qu’avec les officiers et les bourgeois-nobles de Namur qui se retrouvaient dans la loge (en tout cas celle apparue vers 1763), outre le fait que les premiers logeaient chez les seconds (la Ville de Namur, plutôt que d’imposer un logement aux officiers, leur donnait une somme d’argent, à eux de trouver leur logeur : ceci a certainement favorisé l’émergence d’une franc-maçonnerie « mixte » catholique-réformé à Namur [Hubert,1902]).

 

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9. L'Autorité civile

 

1755. Charles-Alexandre de Lorraine demande d’accueillir les religieux qui fuient les persécutions françaises liées à Unigenitus et aux fameux "billets de confession", en usant de précautions pour ne pas troubler l'ordre public. [AEN]

 

Reprenons les différentes constitutions papales autour de « Providas » de 1751.

  • In Cœna Domini. 1536, Excommunication des hérétiques et ennemis du pape (refus de soumission au pape = schismatique).

  • Vineam Domini Sabbaoth. 1705, confirme les bulles anti-jansénistes précédentes et condamnation du silence respectueux.

  • Unigenitus Dei Filius. 1713, contre le jansénisme. (Pastoralis officii. 1718, excommunication spécifique) ; placetée aux PBA mais pas ailleurs dans les États héréditaires

  • In eminenti apostolatus specula. 1738, contre la franc-maçonnerie. (excommunication latæ sententiæ = automatique) ; non placetée.

  • Providas romanorum. 1751, contre la franc-maçonnerie (idem).

  • Encyclique Ex omnibus Christiani orbis. 1756, limitant la portée d’Unigenitus.

 

Les deux dernières constitutions nous intéressent particulièrement, elles sont l’œuvre de Benoît XIV, -un long pontificat de 1740 à 1758-, probablement le pape le plus éclairé de ce XVIIIe siècle, "le sage Lambertini" (lettre de Voltaire à son ami et condisciple d'étude Le Cornier de Cideville, 1743). À la fois, il condamne à nouveau la franc-maçonnerie et, à l’inverse, il essaye, avec un certain succès, de tourner la page de l’anti-jansénisme.

Le moment pourrait sembler délicat pour la position de la franc-maçonnerie.

 

Édit de Tolérance, 1781 … propagande ? En effet, cet édit fut généralement mal reçu dans les États héréditaires.

 

Qu’est-ce qui intéresse le pouvoir séculier. Comment réagit-il, face à l’Église, face à la franc-maçonnerie ?

  • Le problème des États héréditaires Habsbourgeois est leur manque de cohésion.

  • C’est surtout avec Marie-Thérèse et Joseph II que les efforts d’homogénéisation des territoires, en usant de ‘régalisme’ dans un contexte ‘absolutiste’ deviennent un impératif qui s’impose.

  • Le pouvoir de Rome (ultramontanisme versus gallicanisme), dans cet espace catholique, apparaît être un élément majeur contraire aux intérêts régaliens de la maison Habsbourg.

  • Les bulles Eminenti et Providas ne seront pas placetées, non pas pour le bien de la maçonnerie (que Marie-Thérèse n’aimait pas), mais parce qu’elles apparaissaient ultramontaines. Il n’empêche, tant l’exemple de Ransonnet que de Feller, montre que ces constitutions papales étaient largement diffusées et connues dans l’espace des Pays-Bas autrichiens.

  • Tant les bulles Coeni qu’Unigénitus sont des obstacles qu’il faut éliminer. Ces deux bulles (qui furent placetées en leur temps) seront finalement ‘interdites’ en 1781 (en même temps que la promulgation de l’édit de Tolérance de Joseph II). La gravure semble être de pure propagande : en tout cas l’édit de tolérance fut généralement mal accueilli dans les Pays-Bas autrichiens.

 

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10. Les actions de l’Autorité civile contre la franc-maçonnerie

 

1749. Placard d’interdiction, pris par le Magistrat de la ville d'Anvers, de la franc-maçonnerie. [De Schampheleire, 2003]

 

*Dans la foulée de la fermeture ordonnée par Marie-Thérèse, sur demande du cardinal Kollonitsch et du nonce Paolucci (1738-45), de la loge viennoise « Aux trois Canons » en 1743, deux loges sont fermées à Bruxelles par ordre de police (The Newcastle Journal), dont peut-être la loge « Égalité » (ou "Équité"?) (citée par Uriot) [De Schampheleire, 1980].

« Nous avons reçu la feuille de monseigneur le nonce [Paolucci, cf Crudeli] touchant les francs-maçons. Le zèle de la Reine est très louable. J’espère qu’il ne manquera pas de donner connaissance de ces sentiments du pape à Sa Majesté, l’excitant à faire le décret connu qui mettra la main à la racine ... » (Benoît XIV, 30 mars 1743) : cf Ransonnet !

C’est le contraire qui se passe. Le décret espéré ne sera jamais publié et les personnes arrêtées furent libérées 15 jours plus tard, sans suite.

 

*Outre le placard d’interdiction à Anvers de 1749, fermeture d’une loge dans cette ville par le Magistrat en 1754.

 

*L’affaire de Louvain en 1774-5 sera traitée ci-après.

 

*Fermeture de la loge régimentaire « Aux Trois Piliers Couronnés » (de Ligne - Ferraris) pour scandale (divulgations sur la voie publique) à Luxembourg en 1776.

 

*En 1777, lettre de l’archevêque de Frankenberg dénonçant l’existence d’une loge à Bruxelles au ministre plénipotentiaire Starhemberg. Après un va-et-vient entre Bruxelles et Vienne, … finalement Starhemberg réagit 1779 contre une loge à Malines et une à Alost !

En substance, il faut interdire ces assemblées, mais sa Majesté veut, et il insiste trois fois, que cela se fasse sans éclat, pour éviter l’effet contraire.

Donc il demande au président du Conseil de Flandres et à son fiscal d’agir par la persuasion : faire savoir le déplaisir de sa Majesté de ces assemblées et donc éviter de s’y rendre …

 

*Et c’est tout !

 

(Ce n'est pas l'objet de cet article d'étudier les circonstances de la limitation drastique de la franc-maçonnerie opérée par Joseph II en décembre 1785 dans ses États héréditaires. Renouvelant son rescrit en 1786 pour les Pays-Bas autrichiens, il ne pouvait subsister que 3 loges à Bruxelles sur l'ensemble du territoire.)

 

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Journal Historique et Littéraire – F.X. Feller, ex-jésuite, ultramontain.

Le docteur en théologie de l’Université de Louvain que l'on cite est 'de Deckers de Kevelaer' qui fut deux fois recteur.

 

*L’affaire de Louvain en 1774-5

Cette affaire permet de mieux comprendre la position des Autorités face à la Franc-Maçonnerie. Elle concerne une loge d’étudiants (où se trouvaient plusieurs ecclésiastiques) se réunissant dans l’arrière-salle d’une taverne. Elle est exemplaire de la position de la franc-maçonnerie dans les Pays-Bas autrichiens, qui apparaît assez fragile dans cet exemple. [Vander Schelde, 1923 ; Ferrer-Benimeli, 1976 ; De Schampheleire, 1980]

*Suite à des plaintes de tapages nocturne et de port d’armes (on évoque des épées utilisées lors de la réception de candidats) dans l’enceinte de l’université (on est en-dehors des raisons classiques, ce qui est étonnant puisque les bulles sont parfaitement connues), le Recteur de l’Université prit des mesure(tte)s disciplinaires contre certains étudiants-maçons, de type retraite religieuse pendant quelques semaines, abstention durant le mardi gras et paiement des frais de procédure. Ceux-ci refusèrent de se soumettre et firent appel à l’arbitrage du Conseil Privé. Large discussion. Le Conseil Privé demanda au Recteur de s’expliquer, ensuite s’en remit à Vienne. Et cela arriva à l’Impératrice-Reine !

*Charles-Alexandre de Lorraine prit finalement la décision d’éconduire les ‘suppliants’ et de donner raison au Recteur en lui demandant d’interdire ces associations sur son domaine. D’où une large discussion pour l’interdiction dans et hors Louvain pour tous les « suppôts » de l’Université …

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Conséquences maçonniques :

« Toujours est-il qu’on n’entendit plus parler, de cette loge, ni dans les assemblées de l’Université, ni au Conseil Privé, et que le vaisseau des étudiants-maçons, qui ne craignaient pas les orages, sombra de telle façon qu’il faillit engloutir tout le vaisseau de la franc-maçonnerie des Pays-Bas autrichien. » [Vander Schelde, 1923]

En effet, dès 1774, des conseils de prudence, et en 1776 une suspension temporaire des travaux de la Grande Loge provinciale des Pays-Bas du marquis de Gages « à cause d’un trouble survenu inopinément et causé par des assemblées clandestines et soi-disantes maçonniques tenues à l’or∴ de Louvain ainsi que par le grand éclat qu’avaient donné à leurs assemblées quelques loges de province. » (Le Brun, secrétaire)

 

Cette affaire tombait en effet mal à propos. Patrice de Neny, chef-président du Conseil Privé était en train de réformer l’université de Louvain, tâche de longue haleine, qui s’était transformée en une « citadelle ultramontaine » après le passage éradicateur de la Gouvernante Marie-Elisabeth, décédée en 1741 et remplacée par Charles-Alexandre de Lorraine. Celui-ci dut renverser une situation paradoxale où l’aufklärung catholique, qui avait pris son envol ailleurs vers 1730 et qui avait tant puisé dans les savants de Louvain (Opstraet, Van Espen, …), s’en trouvait bloqué sur ses terres d’origine !

(Il faut cependant concéder que les termes d’ ‘aufklärung catholique’, quoique représentant un courant important dans l’église romaine ‘allemande’ [Reb, 1995], recèle en soi quelques contradictions [Plongeron, 1969].)

Ce sera la tâche de l’ « indispensable Neny ». Il était devenu le commissaire royal de l’Université en 1754. Il va s’efforcer d’y favoriser la promotion de jeunes professeurs réformistes, tels que Corneille François Nelis, qui deviendra évêque d’Anvers à partir de 1784, un ami des Lumières mais qui s’opposera assez rapidement aux réformes de Joseph II (et qui remplaçait l’anti-janséniste Jacques Wellens), Jean-Noel Paquot, théologien et historien, Josse Leplat, jurisconsulte (qui donnera son avis dans l’affaire de la loge) ou Pierre Jacques Marant, théologien. En 1772, le chanoine Jean François de Marci, né à Chasse-Pierre dans le duché de Luxembourg, mathématicien, fut nommé prévôt et chancelier de l’université. Il avait été directeur du cabinet de physique (cabinet des médailles) de François 1er et professeur à l'Université de Vienne; en outre il avait été l'ancien précepteur de l'archiduc Maximilien (qui deviendra archevèque-électeur de Cologne). Cet homme que l’Impératrice-Reine connaissait bien, avait toute sa confiance; il proposa une réforme de la théologie au sein de l’université à l’image de celle réalisée par Van Swieten à Vienne.

De même, la jeune Académie thérésienne à Bruxelles des Sciences et Belles-Lettres s’enrichissait de l’abbé Théodore Auguste Mann, naturaliste et historien anglais, qui devint son secrétaire perpétuel, ainsi que par ailleurs de Marci.

En 1773, suppression de la compagnie de Jésus (Jésuites) et c’est le modèle de Jean-Noel Paquot qui fut choisi pour réformer et continuer à séculariser l’enseignement [Van Hamme, 1945] ; dans la commission ad-hoc on y retrouve Nelis et de Marci.

 

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L’image reprise ci-dessus montre une page du Journal Historique et Littéraire de François-Xavier Feller de 1775, traitant de l’affaire de Louvain. Le ‘parti’ ultramontain profita de la circonstance pour donner de la voix : l’occasion était belle ! Il présenta 6 raisons de condamnation qu’il développe, assez classiques en regard de ‘Providas’.

 

Lettre d’un Docteur en Théologie de l’Université de Louvain [il s’agit en l’occurrence "de Deckers de Kevelaer" qui fut deux fois recteur] à un Etudiant en Droit dans la même Université.

[Et viennent 6 raisons qui sont manifestement tirées de ‘Providas’.]

 

« En vérité vous êtes un bien zelé apologiste de la Franc-Maçonnerie ; ‘le secret des Francs-Maçons est en jeu, dites-vous, pour se divertir, pour amuser, intriguer le Public, & le tenir dans l’inquiétude sur ce qui se fait dans les Loges. S’il s’y passait quelque chose de sérieux, le tems l’eût découvert. Depuis tant d’années le secret eût transpiré, vû la légereté, l’indiscrétion des hommes. Parmi tant de milliers d’associés le scrupule de quelque ame timorée lui auroit fait révéler le mystére.’

Voilà, Monsieur, ce que vous pensez : mais croïez-moi, cette Société est suspecte ; & quelque honnête homme qu’on puisse être d’ailleurs on ne peut être Chrétien, ni même acquiescer sérieusement aux principes généraux de la Religion naturelle, si l’on ne quitte ce lien mystérieux qu’aucun motif ne peut innocenter.

En voici quelques raisons que je ne fais qu’indiquer légérement.

1°. Un sujet ne peut sans prévarication s’agréger à une société légitimement défendue par ses Souverains et ses Maîtres : Qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit. (Rom. 12.) Or, la plûpart des Princes ont défendu les assemblées des Francs-Maçons ; & avec raison : tous attroupemens clandestins & sans autorité, sur-tout de gens qui se lient par serment, ne doivent pas être tolérés ; des malintentionnés pourroient en abuser, & tramer sous ce voile de fraternité contre le Prince e& l’État. Si depuis peu un Monarque ou deux ont paru dans quelques circonstances se rapprocher d’une société proscrite par la Législation établie dans leurs Etat, c’est une distraction passagére dans les garants des Loix, qui n’en contredit point l’existence, & qui ne déroge point à la sagesse qui les a dictées. Il y a pour les Chrétiens une Loi qui les affecte encore plus directement. Leur Père commun a défendu les sociétés des F.M. sous peine d’excommunication… etc. »

(F.X. Feller. Journal Historique et Littéraire. Mars 1775, pp 406-14.)

 

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Fabre d'Églantine

Avec la discrétion, tout pouvait être possible, à preuve le procès de Fabre d’Églantine (celui de la Révolution française) à Namur en 1777. Dans sa jeunesse, Fabre d’Églantine était comédien et chansonnier. Il vint à Namur rejoindre la troupe de théâtre Hébert en fin d’année 1776. Il déclare avoir 26 ans et s’éprend d’une jeune comédienne, Catherine Deresmond, surnommée « Catiche » qui a 15,5 ans au moment des faits, sa mère était également comédienne. Les amoureux décident de fuir ensemble. Ils trouvent d’abord à se cacher à Namur dans le quartier de l’officier May, puis découvert, se réfugient en catastrophe chez Jean-Martin Tisselaer, un parementier que May connaissait, pour enfin franchir l’enceinte fortifiée afin de rejoindre, à quelques kilomètres de là, Malonne, une enclave liégeoise sortant de la juridiction des Pays-Bas autrichiens. Pas de chance, c’est un flagrant délit et dans ce cas, des accords existent ; les pandores liégeois les prennent et les remettent tout simplement à leurs collègues namurois. Là un procès s’ouvre devant le Magistrat de la Ville, et Fabre d’Églantine est finalement condamné à mort pour « rapt de séduction ». Suite à sa demande en grâce, Charles-Alexandre de Lorraine la lui accorde et paie les frais du procès. Et le voilà repartit sur les chemins pour continuer son métier et sa vie amoureuse, où il chantera bientôt "il pleut, il pleut, bergère". Seuls finalement Tisselaer et sa femme ainsi qu’un certain Antoine Cuvelier, le perruquier de Georges May, qui l’aida, eurent à subir une (assez légère) condamnation … [Froidcourt, 1941]

Lorsqu’on examine les circonstances du "rapt", on constate que ce sont des membres de la Loge namuroise qui furent directement impliqués : c’était l’officier May (du régiment suisse du même nom stationné à la citadelle), membre de la loge, qui prêta son quartier (protégé par sa position) pour loger en secret les fuyards ; puis démasqués, les fugitifs trouvèrent refuge en urgence chez le frère servant de la loge, Tisselaer. On trouve dans l’intrigue d’autres membres de la loge : Bivort (maître des forges) l’amoureux éconduit, un autre May, les officiers van Rutz (régiment d’Orange-Nassau), Hottinguer et Barbais (régiment de Saxe-Gotha.) Et pourtant pas une fois, la franc-maçonnerie ne fut évoquée dans les longues pages des interrogatoires et du procès.

Fut-il lui-même franc-maçon? On possède des témoignages indirects d'une appartenance avant la révolution française, comme sa signature le laisserait supposer.

 

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Jean-Henri de Frankenberg

 

Les archevêques de Malines et de Vienne :

 

De façon assez étonnante, le parcours de l’archevêque de Malines (1759-1801), Jean-Henri de Frankenberg, ressemble à celui de Vienne (1757-1803), Christoph Migazzi.

L’un et l’autre furent imposés par Marie-Thérèse. En ce qui concerne Frankenberg, c’est une des rares fois qu’elle dérogea à l’avis qui s’était dégagé au bout de la procédure et que lui avait transmis Kaunitz, pour préférer la désignation d'une personne proche familialement. [Placide Lefèvre, 1938]

L’un et l’autre furent des personnes très formées et lettrées, des hommes considérés comme intègres et de devoir. L’un et l’autre vont épouser dans un premier temps le gallicanisme que Marie-Thérèse voulait les voir professer, et clairement Migazzi fut un janséniste au début de sa prise de fonction. Pour Frankenberg, c’est moins clair. Mais très rapidement, l’un et l’autre vont se rapprocher du Vatican et combattront, déjà du temps de Marie-Thérèse, ses positions philo-jansénistes et régalienne. Par exemple, Migazzi s’opposa avec succès, en 1774, à la nomination de Marc-Antoine Wittola comme directeur de la faculté de théologie de Vienne, désigné par von Stock pour lui succéder. Stock fut un collaborateur sincère de Van Swieten dans les réformes théologiques et philosophiques entreprises au sein de l’Université de Vienne.

L'un et l'autre seront des adversaires résolus des réformes fébroniennes de Joseph II, entrant ouvertement en conflit. (Fébronius ou Johan von Hontheim (1701-1790) fut l’évêque co-adjuteur de Trêve. Il fut un élève de Van Espen. Ses écrits proposent un gallicanisme assez radical.)

Pour ce qui concerne Frankenberg, par exemple, il lutta ouvertement contre la réforme des séminaires diocésains (formation des prêtres), s’opposa à la franc-maçonnerie, lutta contre l’édit de tolérance de 1781, protégea autant qu’il le pourra les auteurs ultramontains dont, par exemple Feller (et plus tard, durant la période française, l’abbé Stevens, vicaire général de Namur démis, et son mouvement réfractaire le "stevenisme" : celui-ci sera un des fondateurs de la "petite-église" qui existe toujours en France), encouragea la révolution brabançonne de 1789 dans ses aspects réactionnaires ultramontains : « Regardez donc, j'ose le dire, comme les ennemis de la religion et de l’État, tous ceux qui par des raisonnements aussi frivoles que subtils, qui se ressentent de la philosophie de ce siècle, voudraient troubler un bonheur dont nous sommes à la veille de jouir » dans sa condamnation des éléments les plus éclairés de cette révolution (les Vonkistes), que Hasquin désignera comme « les vaincus de 1790 ». [Hasquin, 1988].

 

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11. Gallicanisme et Franc-maçonnerie.

 

Ferrer-Benimeli* pose la question suivante et elle me semble essentielle dans la thématique traitée :

 

« Les condamnations papales de la franc-maçonnerie d’une part (celle de Clément XII en 1738 et celle de Benoît XIV en 1851) et la présence de catholiques et surtout de prêtres et d’ecclésiastiques d’autre part, posent un curieux problème qui réside dans l’antithèse qui a première vue, paraît insoluble, des interdits pontificaux d’un côté et des prêtres affiliés à l’ordre maçonnique de l’autre ».

 

Il pense rechercher « une tentative d’explication qui peut s’encadrer dans le procès des 'lumières', en particulier dans l’interprétation du droit canon et le despotisme et démocratie dans l’Église catholique ».

(CIHEC, 1978)

 

Son article, publié en 1978 à la CIHEC, est pour le moins illustratif concernant le clergé 'franc-maçon' : « Le nombres de membres appartenant à ce que, dans l’ancien régime, nous appelons le Haut Clergé, c’est-à-dire les évêques, les archevêques, les chanoines, les Vicaires, les Généraux, les Métropolites, etc. est de 400. Parmi eux, 23 évêques, 3 archevêques, 5 métropolites et archimandrites, 30 vicaires généraux et 300 chanoines ».

(Ce qui semble indiquer l’existence d’un gallicanisme important au sein des loges, force et faiblesse à la fois.)

 

*José Ferrer-Benimeli, né en 1934, est un jésuite espagnol. Il est historien et professeur à l'Université de Saragosse. Il est l'auteur de nombreux écrits majeurs sur la franc-maçonnerie, surtout espagnole. Son livre, traduit en français, "Les Archives secrètes du Vatican et franc-maçonnerie", fut réalisé à partir d'une recherche méticuleuse notamment au sein des archives du Vatican et présente un intérêt considérable pour celles et ceux qui s'intéressent aux rapports entre l'Église et l'État sur le plan maçonnique durant le XVIIIe siècle.

 

Ceci nous ramène au combat, sur le plan canonique, de Zegher-Bernard Van Espen dont l’argumentaire très fourni essaye de mettre en lumière l’articulation entre le sacré et le profane, l’intrication et les devoirs du pouvoir civil dans le pouvoir religieux, l’importance de l’épiscopalisme et des synodes-conciles des évêques face à l’ultramontanisme et l’infaillibilité du pape qui lui est associé (mise en avant depuis le concile de Trente), la centralité de l’humain contre les intérêts privés d’une Église, donc la réforme nécessaire de l’église baroque ou tridentine (reformkatholozismus), vers une religion plus sobre. (Bien que suivant des voies différentes, Ludovico Muratori propose des conclusions similaires.)

 

Peut-on dès lors poser l’hypothèse suivante, qui serait au moins partiellement explicative, pour les Pays-Bas autrichiens : Sans jansénisme, pas de gallicanisme/épiscopalisme. Sans gallicanisme/épiscopalisme, pas d’ecclésiastiques dans les loges. Pas d’ecclésiastiques dans les loges, pas de caution morale (nécessairement catholique). Pas de caution morale catholique, pas de tolérance régalienne et donc pas de maçonnerie aux Pays-Bas autrichiens ?

En d’autres termes, la question, qui ne connaîtra probablement pas de réponse définitive, mais permet des développements intéressants, se formule ainsi : la présence d’ecclésiastiques fut-elle indispensable au développement et à la stabilité de la franc-maçonnerie en pays catholiques, et en l’occurrence aux Pays-Bas autrichiens, au XVIIIe siècle ?

 

En tout état de cause, le jansénisme est une théologie pessimiste de l’homme, alors que la maçonnerie est une socio-philosophie optimiste et centrée sur l’homme. En soi, il n’y a donc pas de relations claires entre les deux. Par beaucoup de côté la franc-maçonnerie est « kantienne », c’est-à-dire promouvant l’autonomie de la personne et la fin de sa minorité face à l’autorité ecclésiastique, mais aussi face au pouvoir politique, avec une tendance à l’irénisme dans les Pays-Bas autrichiens. Là-bas, avec l’évolution des sociétés et de la pensée, l’une fut sans doute une étape nécessaire à l’autre, c’est-à-dire à la maçonnerie, que plusieurs auteurs [par ex. Cécile Douxchamps] qualifient d’anticléricale mais pas d’anti-catholique, ou, composé de catholiques gallicans [selon Ferrer-Benimeli, 1978] dans le cadre de l’aufklärung catholique.

 

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12. Position des Autorités face à la Franc-Maçonnerie

 

La position du chef-président du Conseil Privé, Patrice de Neny :

« En réponse à votre billet que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, Monsieur, j’aurais celui de vous dire que je ne sache pas qu’il y ait dans ce Païs aucune disposition qui interdise les assemblées des Francs-Maçons ». (courrier du chef-président du Conseil privé, Patrice de Neny à Henri de Crumpipen, secrétaire d’État et de Guerre, 1770)

ou

« Je ne sache d’ailleurs pas que dans ce Païs il n’existe aucune défense d’en tenir [de réunions maçonniques], et on m’a fait dire de la secrétairerie du Conseil qu’il n’en est pas de vestige dans nos actes ». (Patrice de Neny, 1773)

 

La position de l'Impératrice-Reine Marie-Thérèse :

Marie-Thérèse aurait dit au Conseiller Kressel en 1772 (cette déclaration est douteuse, mais cela résume bien) : « Je sais qu’il y a des loges dans mes États malgré mes ordres ; je ne veux cependant rien en connaître à condition qu’elles soient discrètes et n’aillent pas s’établir sur la place publique, en donnant ainsi à tous le spectacle de la violation de mes ordres. » [Duchaine, p 44]

 

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13. Conclusions

 

Compagnie de comédiens francs-maçons, celle de Clairville (comte de Tournon), engagée à Namur en 1771. Fabre d'Églantine (voir plus haut) les rejoindra à Maestricht en 1779.  [AEN]

 

En guise de fin !

Il y a donc une certaine tolérance pour autant qu’elle ne soit pas publique.

Ce qui importe, c’est la prééminence du régalisme catholique habsbourgeois (catholicisme de type philojanséniste selon [Hersche] avec une staatkirchentum prenant le pas sur la Curie romaine ultramontaine). Et là, jamais Marie-Thérèse ne dérogea dans sa politique. Sur le plan religieux, elle remplaça son confesseur jésuite par Ignace Müller en 1767, un des principaux jansénistes de Vienne ; à côté de son médecin officiel Gottfried Van Swieten (dont on sait l’importance dans les réformes théologiques et plus généralement ecclésiastiques et censure), il y avait son médecin ordinaire Anton De Haen, appartenant à l’Église d’Utrecht. Ceci en dit long sur sa position face à la Curie. Elle recevra d’ailleurs Gabriel Dupac de Bellegarde lors de sa visite à Vienne en 1774.

Selon ces « bornes », la franc-maçonnerie, qui apparaissait être une modernité à cette époque, avec une tendance gallicane, sinon régalienne, dans les États héréditaires, pouvait être un véhicule ‘utile’. Elle semblait posséder une valeur éducative pour combattre les tendances et excès de l’Église tridentine (ultramontaine) ou face à de situations particulières comme à Namur, mais seulement dans les-dites « bornes » de la politique habsbourgeoise.

Susciter des plaintes et/ou scandales dans la sphère publique, dérangent ce cadre absolutiste fait d’équilibre et de rognage incessant du ‘pouvoir’ ecclésiastique (lutte contre la mainmorte, limitation drastique des compétences de l’Officialité, régalisme contre ultramontanisme mais aussi, dans une certaine mesure, contre le gallicanisme -et donc, hypothèse, contre les loges si elles se montraient trop ouvertement ?-, fermeture des abbayes régulières, sécularisation de l’enseignement, etc.).

Franchir « les bornes » met alors en danger l’espace non public de tolérance, concédé par Marie-Thérèse, du bout des lèvres.

 

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14. Quelques références ...

Les "salons"

 

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  • Archives de l’État de Namur (AEN).

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Rédigé par Christophe de Brouwer

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