Rite Écossais Primitif (8) Novice-Chevalier de l’Intérieur, 30 et 31e degrés.

Publié le 2 Novembre 2023

L'Ordre Intérieur (30e au 33e), introduction

 

Le rite de Namur se démarque de la maçonnerie des hauts grades pratiqués dans sa région, essentiellement par un Ordre Intérieur, de type « Stricte Observance* templière» dont l'origine est allemande. L'Ordre namurois est composé de quatre degrés :

(30e-31e) Novice-Chevalier ; (32e) Préfet et (33e) Commandeur. [1]

 

Cette suite est inhabituelle et ne rentre pas bien dans le moule classique de ce qu’on sait de la Stricte Observance. Car si le grade de Novice-Chevalier est bien un grade de la Stricte Observance Templière, celui de Préfet, bien que ce soit un grade templier, est particulier, et nous ignorons ce que contient celui de Commandeur, pour lequel nous proposerons une discussion dans une prochaine publication. La séquence n’est pas conforme non plus, puisque le Préfet est au-dessus du Commandeur dans le système allemand, ce qui n’est pas le cas ici. Le système pratiqué apparaît donc hétérodoxe.

Est-on dans un système propre à Namur ou est-on dans un système qui a existé et que Namur s’est approprié ? Même s’il n’est pas possible de répondre actuellement à cette question, l’expérience nous montre que Namur emprunte beaucoup plus qu’il n’invente. Nous devons poser l’hypothèse qu’un système de ce type a existé ailleurs. La dorsale « Est » de la France semble la source privilégiée du système namurois, on l’a vu par de nombreux exemples (même si cette dorsale « Est », elle-même, trouve ses sources ailleurs). C’est donc de ce côté qu’il nous faudrait porter le regard en premier lieu.

 

*Le terme Stricte Observance était utilisé anciennement par des Ordres religieux.

 

Abbaye d'Orval. Province de Luxembourg - Belgique. Ordre cystercien de Stricte Observance.

 

La Stricte Observance dans les Pays-Bas autrichiens au XVIIIe siècle

(Un article sera spécialement consacré à ce sujet, il s’agit ici d’un court résumé)

 

Namur n’est pas le seul lieu de pratique du ‘régime’ de la Stricte Observance templière au XVIIIe siècle dans les Pays-Bas autrichiens. Régime très militariste, sans surprise, ce sont essentiellement des ou les (peut-être toutes) loges portés par les régiments belgo-autrichiens qui ont pratiqué ce système. Et Namur, loge civile certes, mais dont la loge-mère est une loge régimentaire, et qui, elle-même, comportait pour moitié des militaires, n’a pas fait exception.

L’origine de la Stricte Observance pratiquée à Namur doit être très probablement recherché là, non pas nécessairement dans les régiments allemands (protestants, connections vers le nord et l’est de la Belgique) qui occupent la citadelle de Namur, mais aussi et peut-être surtout dans les loges des régiments belgo-autrichiens (catholiques, connections vers le sud et l’ouest de la Belgique). [2] On peut également penser que la forme, notamment rituélique, devait être "tolérable" pour les Autorités catholiques belgo-autrichiennes, c'est à dire proche d'une gouvernance régalienne fortement teintée de jansénisme, d'où peut-être la raison des rituels namurois non seulement divergeant des rituels "classiques" de Stricte Observance, mais aussi indépendant de toute influence des dirigeants de la SOT . Voir plus loin.

 

Au début de la Stricte Observance dans nos contrées, notons l’éphémère loge régimentaire luxembourgeoise « Aux Trois Piliers Couronnés », 1775, pratiquant, selon Paul Rousseau, le régime de la Stricte Observance. Elle était formée d'officiers des régiments de Tillier (avant Ferraris), et de prince de Ligne (avant Saxe-Gotha). La loge fut fermée en 1776 pour cause de scandale. Son Très Respectable, Nicolas-Joseph Catoire, officier du régiment de Murray, était un partisan résolu et un zélateur de la Stricte Observance (SOT). La majorité de ses membres, après fermeture, se retrouvèrent dans la loge « Les Frères Réunis » de Tournai.

 

C’est bien ce Catoire, selon Hugo De Schampheleire (cf référence), qui était un ami du comte Joseph Velasco Del Pico, « Eques ab Iberia », officier d'origine espagnole au service de l'Autriche -régiment comte Salm- (qui deviendra Ferraris, et enfin Tillier vers 1775). Velasco del Pico était affilié à la première loge rectifiée de Strictre Observance des États habsbourgeois, à Prague, « Les Trois Étoiles Couronnées » (Zu den drei Sternen).[3] En 1773, il quitte Prague, muni d’une patente pour créer des loges symboliques et peut-être des chapitres. Il arrive à Bruxelles en 1776 où il devient le secrétaire du duc d'Aremberg. Il crée (en 1776 ou 78 selon les auteurs) la loge rectifiée « Les 7 Ciels / Zu Den 7 Himmelen », à Luxembourg. C’est le 1er juillet 1779 que la loge demande une patente à Prague – préfecture Rodomskoy [4][5]). Cette loge pratiquait les grades de la SOT , sa vie sera également éphémère.

 

Sceau de l'Union Indissoluble.

Régiment Murray. Le 1er juillet 1778, à la séance de la Grande Loge Provinciale des Pays-Bas Autrichiens, tenue à Namur, une loge régimentaire belgo-autrichienne, « l'Union Indissoluble » à l’orient de Namur (à ce moment-là), demande à être inscrite au registre de la Grande Loge Provinciale. Remarquons que c’est Nicolas Catoire, (toujours le même), officier au régiment de Murray, qui introduisit les placets de demande à cette séance et en sera le Vénérable. Pratiquait-elle le Régime de la SOT ? C'est ce que pense Paul Rousseau sur la base du sceau de la loge qui évoque celui des «  Trois Piliers Couronnés » de Prague, loge rectifiée de l’espace habsbourgeois [6][7]. (Le terme « rectifié » désigne le passage pour la loge d’un régime habituel au régime de Stricte Observance.[8])

 

Trois Piliers Couronnés à Prague

Deux officiers supérieurs de régiments belgo-autrichiens firent rapidement, longtemps et très activement partie de la Stricte Observance. Lajos Abafi cite, à Prague dès 1765, le général d'artillerie comte Joseph Jean Ferraris lorsqu'il se trouvait attaché au régiment de Durlach (ou Baden Durlach, le régiment du frison Antoine Elgersma, un membre important de la loge de Namur) et ensuite avec sa propre loge régimentaire.[9][10] En effet, Ferraris possédait un régiment (du même nom, qui deviendra Tillier) qui transportait une loge « Union » , rectifiée.

 

Citons, sans plus de précision, l’existence d’une loge « La Sincère Amitié », qui était transportée par le régiment Deinze/Kaunitz/Wurtemberg, et qui a été inscrite à la Grande Loge provinciale, lors de sa séance à Namur en 1778. [11] [12]

 

Van der Schelden signale l’existence d’un loge au régiment des dragons d’Arberg en 1785. Il s’agit de la loge « La Ligne Équitable », inscrite au tableau de la Grande Loge provinciale en 1786 et supprimée la même année par décision de Joseph II (qui supprime les loges de provinces pour n’en garder que 3 à Bruxelles). Nous ne savons pas si elle fut rectifiée. [13] [14]

 

Parmi les membres du chapitre de la « Rose noire » (« Zur schwarzen Rose ») de la loge « Aux trois Étoiles couronnées » (Zu den drei Sternen) de Prague, en 1764 (au moment où elle se rectifie), on trouve le duc d'Aremberg, régiment de Ligne. [15] C'est précisément l'employeur de Catoire et de Velasco Del Pico à Bruxelles.

 

Noms des membres de la préfecture Rodomskoy-Prague de 1774 à 1776. Document Kloss - Latomia. On y trouve le nom de plusieurs militaires des Pays-Bas autrichiens, comme Buquoy de Longueval, Ferraris, Brady, Velasco, mais aussi des noms cités dans les rituels comme les Kinigl.

 

Novice-Chevalier de l’Intérieur du Temple (30e et 31e)

(Cette partie-ci a été publiée dans Renaissance Traditionnelle, référence [1], plus quelques augmentations)

 

Il existe, dans la liasse des rituels de Namur qui nous sont parvenus, deux rituels de Novice-Chevalier de l'Intérieur (30e-31e) (disponible sur Latomia). Le premier et le plus ancien serait de la main de Pierre Darrigade, Eques a pelicani aurei.

Le second et le plus récent apparaît être de la main de Philippe-Casimir Marchot (1767-1827), Eques a leone resurgente.[16] En effet, Marchot (même si l'écriture est un peu plus déliée, la formation des lettres apparaît la même) ajoute à la fin de son cahier de Novice-Chevalier, à propos du bijou :

« dans un autre cahier, ayant appartenu à P Darrigade, command de l'Int, on lisait en outre ce qui suit : 'La croix doit être rouge en pierre ou en email. Il doit y avoir derriere un C en couleur bleue, car C est l'initiale du nom de la province Costelez sur l'Elbe ».

 

Une note de sa main explique aussi que le rituel « Darrigade » « semble avoir été traduit d'une langue étrangère : celui-ci a été revu et corrigé ». Pierre Darrigade fut un important membre de la loge lors de la période française. Médecin formé à Partis, il vient d’une famille des Landes. (Un article sera réalisé sur cette période de la loge.) Pierre Darrigade atteint le grade de Préfet de l’Intérieur en 1806.

 

 

Accès à l’Ordre Intérieur

 

On peut penser que lorsqu'un Frère devenait Préfet et/ou Commandeur de l'Intérieur (le « nec plus ultra », cf. le règlement de 1808), ou même avant, certain retranscrivait à leur profit les rituels. Ceci nous permet de dater le rituel « Darrigade » vers 1806 (année où il accède à ces grades), et de supposer en toute logique qu’il le tenait de ses prédécesseurs, particulièrement de Charles-Henri Serome, Rose-Croix en 1782, qui devient Commandeur de l'Intérieur le 12 décembre 1786. Il sera Grand-Maître du rite. [17]

 

D’après nos rituels, le candidat rentre dans l'Ordre Intérieur en tant que Grand Écossais de Saint-André, les deux rituels sont en accord sur ce point. Ils présentent cependant deux visions quelque peu différentes de cette réception de Novice-Chevalier.

 

Marchot en fait un grade à part entière, car après avoir prêté son obligation, le candidat est consacré :

« Le Gr Mait se leve et place son glaive sur la tête du récipiendaire et dit : 'Au nom du Gr Arch de l'U, au nom du Gr Mait et de tous les Chev de l'ordre, je vous reçois et constitue Novice de l'Intérieur.' »

 

Il n'y a rien de tel dans le rituel « Darrigade » où le Novice est placé dans un état transitoire, entre son grade précédent, où il retourne s'il n'est pas reçu Chevalier de l'Intérieur. Ce qui est d’ailleurs conforme aux usages anciens de la SOT. Cet usage tend également à montrer l'antériorité de ce rituel par rapport à celui de Marchot.

 

Il existe un rituel de Novice-Chevalier de l'Intérieur, très similaire, qui se trouve dans le fonds Armand Gaboria (lequel fut membre fondateur de la Loge des Amis Philanthropes à Bruxelles en 1798 et installateur de la nouvelle loge La Concorde de Mons lorsque cette loge fut créée en 1800 et qui changera son nom, plus tard, en la Parfaite Union). Ce rituel est actuellement déposé aux archives départementales d'Alençon [18], il est très semblable à celui de Darrigade et, par exemple, l'état temporaire du Novice s'y trouve également. De minimes différences dans les transcriptions, par exemple « Geova » au lieu de « Jehova », les distinguent l'un de l'autre. Cependant, celui de Darrigade ne comporte pas d' « emprunt » à Fabré-Palaprat comme celui de Gaboria (cf. voeux en latin après l'historique). Aussi la datation approximative de 1806 pour le rituel « Gaboria », proposée par Girard-Augry, doit être discutée, notamment par rapport au rapprochement de Gaboria avec Fabré-Palaprat et son néo-temple, vers 1810.[19]

 

Notons que, a contrario, le rituel Kadosch, également repris dans le livret d'Alençon, est fort différent du 29e grade du rite namurois. Serait-il semblable au grade éponyme namurois qui est manquant (28e grade) ?

 

Il existe un autre rituel assez proche provenant de la même collection privée que le rituel de Grand Ecossais de Saint André publié par Roger Dachez. Ce rituel de Novice-Chevalier est daté « vers 1776 » (date reprise par le rituel) et est peut-être aussi originaire de Strasbourg. C’est à lui que nous allons comparer le rituel « Darrigade ». Selon Roger Dachez et Pierre Mollier, le rituel qu’ils présentent, serait « une version ancienne, sans postérité, de la SOT française, correspondant à une époque où ce système était plus ou moins en conflit avec la Rose-Croix pour occuper la place de Nec plus ultra ». [20] Que dire d’autre, sinon que cette interprétation correspond parfaitement au système namurois.

 

D'autre part, un autre rituel a été retrouvé par Ghernaouti, toujours à Strasbourg, toujours de la même époque (vers 1775, entre 1772 et 1781). Il présente des caractéristiques intéressantes: par exemple, il n'y a pas de prieur mais un aumônier dont le rôle est peu important. Le "je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et qui ne sont plus" ne s'y trouve pas et est remplacé par "repos des âmes de nos ancêtres". L'impétrant est un profes, terme non employé dans les Pays-Bas méridionaux mais qui a du sens (celui qui a terminé son noviciat pour entrer dans un ordre religieux, par extension un initié), cependant le terme de novice dans le même sens est également utilisé. L'idée de l'utilisation d'allégories et d'emblèmes pour les autres grades qui cachent le sens véritable, est également bien développée. La rituel est cependant réellement différent de celui de Namur et la légende est assez bien centrée sur l'Alsace.[21] L'intérêt est qu'il se situe en-dehors du courant "officiel" de la Stricte Observance, avec également des accents archaïques, comme celui de Namur. Il y aurait eu du côté de Strasbourg, apparemment, comme un bouillonnement à cette époque d'essais à de nouvelles formes de Stricte Observance ? Nous en verrons une autre forme avec les chevaliers du Saint-Sepulcre: voir article suivant.

 

Carte de Namur par le comte Joseph de Ferraris (1726-1814), un adepte fervant de la Stricte Observance.

 

La datation de l’introduction d’un Ordre Intérieur templier namurois (1).

 

Elle n’est pas connue. Certains la pensent tardive.

*Nous savons que Charles-Henri Serome (voir plus haut), un louveteau, son père est également membre de la loge, obtient le degré ultime de ‘Commandeur de l’Intérieur’ en 1786. On peut donc penser que l’Ordre existait à Namur avant cela. Nous savons qu’un grade templier, nec plus ultra, était pratiqué par la loge namuroise en 1776 (certificat Pyman et son cachet). Un tableau de la loge namuroise datant de 1776, reprenant les grades portés par les membres, nous est parvenu : seuls les 3 premiers grades sont mentionnés, pour les autres, la mention est « dans les hauts grades ».[22] Dans l’envoi de 1783 des tableaux de loge à la Grande Loge provincial, seul le grade de Rose-Croix est mentionné, ce qui semble logique puisque le marquis de Gage ne jurait et ne connaissait que ce grade comme nec plus ultra. On y constate que Serome-fils est bien Rose-Croix, ce qui est conforme aux données de Froidcourt qui donne la date de 1782 pour son accession à ce grade.[23][24]

*Nous avons deux autres indications. La première nous vient du même Serome, qui prend de l’âge, lors de la tenue du 12 mars 1810. N’oublions pas qu’il est contemporain de l’événement : « le 4 juin 1776, la Grande Loge d’Édimbourg, Archi camp royal d’Écosse [25], adressa à la loge de Namur des lettres patentes y érigeant un chapitre régulier de l’Intérieur du Temple [je souligne] lequel, quoique ne pouvant dépendre de la Grande Loge provinciale pour les grades supérieurs aux grades symboliques, ‘a toujours travaillé régulièrement et aux applaudissemens du Grand Maître provincial, le marquis de Gages …’ »[26] Cet événement est également relaté par Goblet d'Alviella, ensuite repris par Clement.[27][28] La seconde nous vient de Cordier [29] : « La Bonne Amitié , reconstituée par la Grande Loge provinciale, en reçut aussi les lettres patentes de constitution d'un chapitre des hauts grades, en date du 18 février 1777 ; l'érection de ce chapitre est bien et dûment actée aux procès-verbaux de la Grande Loge ». On n’en trouve pas trace dans les archives conservées, mais une partie de ces archives furent perdues par défaut de conservation (enterrée durant la guerre, l’humidité en a détruite une partie).

*Enfin, dernière indication : le rituel namurois lui-même semble nous suggérer une époque ~1775, voir plus loin.

 

Pour l'étranger, notons la création d'un chapitre pour la loge St-Andrew de Boston, loge qui avait été patenté par la Grande Loge d'Écosse en 1756. Nous savons qu'un chapitre Royal Arch semblait fonctionnel en 1767 grâce au diplôme de Seth Sweetzer. Ce chapitre fonctionnait de façon certaine en 1769 où l'on pratiquait de multiples grades dont un "scottish templar degree" (première mention aux États-Unis; nous avons traité ce point spécifique notamment ici). La demande d'une patente pour un chapitre Royal Arch adressée à Édimbourg daterait de 1762, apparemment sans succès.[30]

Nous avons déjà discuté de l'existence d'un Kadosh de type OSCE antérieur à 1774 à Amsterdam.

Il aurait existé un chapitre de Stricte Observance à La Haye en 1774, Pallas, dont il n'est plus fait mention en 1777.[31]

La loge amsteldamoise "Concordia Vincit Animos", également patenté par la Grande Loge d'Écosse en 1755, pratiquait les Hauts Grades d'Élus, de Scots Master dès les années 1770, et peut-être d'autres, et peut-être avant. Elle a reçu une Constitution émanant de la Grande Loge écossaise pour le Hauts-Grades mise en place en 1776 par le Grand-Maître van Boetzelaar (successeur de van Aerssen Beijeren, cf ci-dessus OSCE), datée du 20 juillet 1777. Pour 1803, van Loo énumère 12 grades pratiqués dans ce chapitre, tous présents dans la série namuroise sauf le dernier, ce qui est banal, débutant par un Maître parfait (comme à Namur), passant par le Rose-Croix, avant-dernier, et terminant par un grade inconnu chez nous, celui de Jonathan et David (dont un chapitre spécifique est observé en 1788; toujours pratiqué chez les anglo-saxons). Nous ne sommes d'évidence pas dans le rite moderne/français.[32][33]

 

 

Ces éléments sont très convergents et suggestifs, mais en soi ne constituent pas une preuve : il existerait un chapitre attaché à la loge de Namur depuis 1776, peut-être avant (les patentes écossaises -non retrouvées- seraient là pour régulariser une situation de fait). Il est démontré que ce chapitre/loge pratique des grades templiers, nec plus ultra, en atteste le certificat Pyman de 1776 et son cachet. Ces grades, pour partie, sont peut-être/probablement de Stricte Observance, compte tenu du nom donné à ce chapitre. L’existence d’un chapitre namurois est confirmé par le marquis de Gages en 1777, du moins pour sa partie Rose-Croix (pour lui, c’est le grade ultime, cf ses courriers avec le comte de Clermont).[34] L’indication praguoise contenue dans ces rituels (voir plus loin) pourrait suggérer une introduction de la Stricte Observance à Namur vers 1775 ou avant.

 

"Villers le Temple", dans le Namurois. Mur et tour de l'ancienne commanderie templière.

 

Comparaison entre le rituel de « Strasbourg » (1776) et le rituel namurois - Darrigade

 

Ouverture

« Strasbourg 1776 »

Darrigade - Namur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le G: M: ouvre le chapitre en sonnant 3 fois de sa sonnette, et puis tous les chevaliers se retournent et se mettent le genou droit en terre, et les grands officiers se mettent de même à leur place le visage tourné vers le sanctuaire. Et le grand M : dit « Mettons nous à la prière afin que le grand Jéhovah nous aide dans nos travaux. »

Deux servants d'arme, qui se tiennent à la porte du Chap pour tuiler l'entrée du noviciat.

S'il n'y avait point de servants d'armes, ce serait aux deux plus jeunes chev a en remplir les fonctions.

Les novices garderont la porte du Chapitre intérieurement ainsi que les novices sont déjà dans le chap et qu'au jour de réception ils sont dans l'extérieur, ne pouvant pas voir le Cadavre.

Ceux qu'on nomme servants d'armes, sont des FF qui ne sont pas nobles : sans cela ils ne peuvent pas être chev mais on les nomme servants d'armes.

Dans le sanctuaire, tous les off auront des tables placées devant ou à côté d'eux. Ils auront tous un fauteuil pour s'asseoir.

Au dessus du sanctuaire sera un dais en carré galonné en or, ou en frange. Il couvrira les gds officiers et l'autel.

Le tout doit être en rouge ainsi que les tapis des tables.

Dès que tous les FF sont au Chapitre, et habillés, un servant d'armes porte un flambeau allumé au Gd Chance porte un glaive qui le prend.

Tous les off ainsi que les Chev suivent le Gd Mait et vont se prosterner devant l'autel , où le Gd Chancelier dit en allumant chaque bougie de l'autel : je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et qui ne sont plus. Il dit la même chose en allumant chaque bougie.

Le Gd Maît sonne et dit : A la prière mes FF et ill Chev Tous se mettent à genoux et le gd M fait la prière suivante.

Prière

« Seigneur qui êtes le grand Souverain du ciel et de la terre, aidez-nous à soutenir l'union, la concorde et l'amitié parmi nous, afin que nous puissions aider les pauvres qui nous sont chers, et accordez-nous votre bénédiction ainsi qu'à vos élus ; et soyez-nous en aide. Ainsi soit-il Amen. »

Prière.

Seigneur qui êtes le Gr. Souverain du ciel et de la terre, aidez-nous à soutenir l'union, la concorde et l'amitié parmi nous. Ne permettez pas Gr. Arch de l'U que nous fassions de mauvais choix dans le F que nous nous proposons de recevoir parmi nous. Permettez, Gr : Dieu que nous puissions un jour confondre nos ennemis et que notre innocence puisse paraître au gr. Jour. Faites miséricorde à ceux qui ont été et qui ne sont plus. Accordez nous votre bénédiction ainsi qu'à vos Elus. Amen.

Tous les chev  répondent ensemble Amen.

Lorsqu'il n'y a pas de réception on ne dit pas ce qui est souligné dans la prière.

Ensuite le G: M: se relève et se retourne et le plus jeune des chevaliers lui porte l'encensoir et puis, où il renouvelle l'encens en y mettant un couple de cuillers d'encens, et puis se remet à genoux et encense le Seigneur, et se lève et en fait de même tout autour de l'autel, et le plus jeune des chev. soutient sa chasuble.

Ensuite le grand M: lui rend l'encensoir qu'il va porter au G: Inspecteur, et celui-ci va encenser le grand M: et le grand M: l'encense à son tour, après cela tous les chevaliers se relèvent, et l'encensent comme on vient de le dire.

Après quoi l'on s'assoit comme dans les autres Loges.

Le Gr. M se releve le plus jeune des chev: presente l'encens au G : M. lequel en met dans l'encensoir ; il se met à genoux, et encense le Seigneur* : ensuite il se releve et va encenser tout le tour de l'autel. Le plus jeune des chev lui soutient le bord de son manteau.

Lorsqu'il est revenu à sa place, il se tourne vers le Gr Chancelier et l'encense, après quoi celui-ci encense le Gr. Mait:cela se fait les uns à l'égard des autres, jusqu'à ce que l'encensoir arrive au plus jeune des Chev puis chacun va reprendre sa place et le G M: dit : le Chap  est ouvert.

*Dans le rituel de Marchot (mais pas dans celui de Gaboria), « Seigneur » est remplacé par « Christ ».

 

Historique

« Strasbourg 1776 »

Darrigade - Namur

Hugues de Payen, Geoffroy de St. Aldemart et 7 autres gentilshommes français touchés des périls auxquels les pèlerins dans leur voyage de Jérusalem, et au retour, étaient exposés, formèrent entre eux une petite société pour leur servir d'escorte, et ils allaient les prendre et les reconduire ensuite jusqu'au delà des défilés des montagnes et les passages les plus dangereux. Ce n'était d'abord qu'une simple association sans règles et sans avoir pris l'habit de religion ; dans l'année 1118 ils s'étaient retirés dans une maison proche le Temple, ce qui leur fit donner depuis le nom de Templiers, ou Chevalier du Temple.

Hugues de Payen, Geoffroy de St Aldemart, et sept autres gentilshommes français, touchés des périls auxquels les pelerins, dans leurs voyages de Jerusalem, et au retour, étaient exposés, formèrent entre eux une petite société pour leur servir d'escorte. Ils allaient les prendre et les reconduire ensuite jusqu'au dela des défilés des montagnes, et des passages les plus dangereux. Ce n'était d'abord qu'une simple association sans regles et sans avoir pris l'habit de religion. Dans l'année 1118 ils s'étaient retirés dans une maison près du Temple, ce qui depuis leur fit donner le nom de Templiers ou Chev. du Temple.

Le roi de Jérusalem ayant fait choix de Hugues de Payen pour l'envoyer à Rome solliciter du secours et s'il se pouvait une nouvelle escorte ou croisade, ce pieux gentilhomme après s'être acquitté dignement de sa commission auprès du pape Honoré deux, qui était alors sur la chaire papale, lui présenta ses compagnons, l'entretint de leurs zèles pour la sûreté des pèlerins, et lui demanda la permission d'en faire à l'exemple des Hospitaliers, un ordre religieux et militaire, ce qu'ils ont obtenu des pères du concile tenu à Troyes en Champagne.

Le roi de Jerusalem ayant fait choix de Hugues de Payen pour l'envoyer à Rome, solliciter du secours et s'il se pouvait une nouvelle escorte, ou croisade, ce pieux gentilhomme après s'être acquitté dignement de sa commission auprès du pape Honoré II, lui présenta ses compagnons, l'entretint de leur zele pour la sureté des pelerins, et lui demanda d'en faire à l'exemple des hospitaliers, un ordre militaire, ce qu'ils obtinrent des pères du concile tenu à Troyes en Champagne.

 

L'historique est assez semblable dans son début et sa fin. Par contre, il y a des différences dans le dispositif central, par exemple :

« Strasbourg 1776 »

Darrigade - Namur

 

Dans ce tems, Aumont, grand Prieur d'Anjou, ayant pour de bonnes raisons, prétérit trois chev nommés Squin de Florianus et Noffodei, cette preterition les anima tellement contre lui, qu'ils résolurent de s'en venger ; ils se rendirent chez lui en lui demandant à lui parler. Aumont leur accorda la demande et les fit venir dans l'endroit le plus retiré de sa maison qui donnait sur le jardin

 

Ce texte ne se trouve pas dans « Strasbourg 1776 ». Les noms sont repris dans l'instruction du grade de Préfet. Dans le rituel Gaboria, les trois assassins sont désignés : « ... trois chevaliers nommés Florianus, Noffodei et Eures » ; par contre seuls les deux premiers le sont dans l' « Explication des Hiéroglyphes », voir prochain article, le grade de Préfet. Dans d'autres textes, on peut trouver diverses propositions comme Noffodei et Montfaucon.[35]

Aussitôt ce pape sur de pareilles dépositions fit arrêter le grand Maître nommé Jacques de Molay, Bourguignon et natif du diocèse de Besançon, qui fut conduit de même que le nommé Paganis qui était grand Prieur de l'ordre, ainsi que Aumon qui était le grand Trésorier de l'ordre, à la prison d'Etat de Paris, où on leur fit leur procès. Et ils furent exécutés sur la place de Grève.

Philippe le Bel, de concert avec le pape Clement V, sur les dépositions de ces trois chev et de plusieurs autres, firent ordonner une assemblée où tous les supérieurs des ordres religieux militaires devaient comparaître. Ce fut à cette assemblée où furent arrêtés le Gr: M: Jacques de Molay le gr Prieur Paganis et le gr Trésorier le Dauphin de Viennois.

Et par un ordre de Philippe le Bel, les autres chevaliers furent arrêtés en France le 13 8bre 1310, tous en un seul jour, et en même temps leur bien fut saisis, le grand Maître Molay fut mis sur le champ à la torture pour lui faire avouer ses crimes, que lui ni son ordre n'avaient jamais commis, il était innocent de pareilles calomnies, et aima mieux mourir dans les tourments que de l'avouer par une lâche complaisance coupable de pareils crimes ; il n'en fut pas de même des autres qui furent pris, car à force de tourments, ils avouèrent qu'ils étaient coupable sans l'être. Aussitôt, comme ils étaient répandus à l'orient, au midi, et à l'occident, on les fit presque tous massacrer dans une nuit

Ils furent mis tous les trois à la torture pour leur faire avouer des crimes que ni eux ni leur ordre n'avaient jamais commis. Ils protestèrent de leur innocence, et declarèrent qu'ils aimaient mieux mourir dans les tourmens que de s'avouer coupable pour une lache complaisance a laquelle il leur était impossible de se résoudre.

Malgré leur fermeté et leur innocence, ils furent condamnés a etre brulés vifs. On leur proposa cependant de leur faire grace de la vie, et changer leur condamnation en une prison perpetuelle, s'ils voulaient convenir, en presence de tout le peuple, des crimes qui leur etaient imputés, ce que le Gr M promis de faire pour éviter de plus grand tourmens. On leur declara que s'ils n'en convenaient pas, ils seraient jetés de l'échafaud dans un brasier qu'on preparait à cet effet.

Le 18 mars 1313 /:v:ll:/ ils furent conduits sur une place, où est la statue de Henri IV. un echaffaud y était préparé. On y fit monter le Gr M le premier. Il dit qu'il s'avouait coupable d'un crime, celui d'avoir promis de se souiller d'un mensonge. Il protesta que ni lui ni l'ordre n'avaient commis aucun crime et qu'il mourrait innocent, et cita à comparaitre devant Dieu, le Pape Clement V en trente jours, et Philippe Le Bel en un an.

(Sont soulignées des parties communes qui ne semblent pas pouvoir être le fait du hasard.)

 

Essayons de comparer les deux rituels par rapport aux questions posées par Dachez et Mollier dans leur article (Renaissance Traditionnelle n°112) :

Question 1 : Avant le début de la réception du novice :

« Ceux qui ont été et qui n'étaient plus jamais et qui sont à nouveau maintenant », lors de la réception d'un Novice. (Strasbourg 1775)

* « Strasbourg 1776 » : non, mais l'ouverture des travaux semble faire défaut.

* Namur, ouverture des travaux : « Je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et ne sont plus. » : cf remarque 1.

 

Question 2 : L'obligation

* « Strasbourg 1776 » : double obligation simplifiée. La seconde comporte une interdiction d'être Chevalier de Malte et de ne jamais être Rose-Croix.

* Namur : simple obligation (ressemblant à la seconde) comportant l'interdiction d'être Chevalier de Malte.

Question 3 : « On lui ouvre le tablier, le met plus haut de façon à ce que la taillade s'ouvre. », rituel de 1775 (il ne faut pas oublier qu'au XVIIIe siècle, les tabliers étaient nettement plus grands !)

* « Strasbourg 1776 » : « retrousse le tablier d'Écossais du bout droit d'en bas à la ceinture du tablier gauche. »

* Namur : « son tablier d'Écossais replié vers la hanche gauche. »

* Gaboria : « son tablier Écossais replié du coin bas droit et mis dans la ceinture de la hanche gauche. » 

Question 4 : L'obligation de Chevalier par rapport à Chevalier de Malte.

* « Strasbourg 1776 » : « de renoncer pour la vie à être Chevalier de Malte, ainsi que d'avoir le grade de Chevalier de Rose-Croix. »

* Namur : « de n'en parler jamais à aucun Chevalier Maltais, et de ne jamais l'être ».

Question 5 : Indications complémentaires situant le rituel.

* « Strasbourg 1776 »,  au niveau du paragraphe « La Parole » : « Pour l'an 1776 depuis le 25 juin 1775 jusqu'au 24 juin 1776 fut St. Jacques, et le mot de passe KOLO et on le baptise et on lui dit de quelle préfecture il est.

Et puis on lui explique que le nom du Grand M de tout l'ordre, qui est ANART et réside à Rome.

dito Baron de Hund en Lusace

dito comte Kinigl à Prague

dito duc de MANS fels à Prague »

* Namur : le bijou au revers « un C en couleur bleue, le C est l'initiale du nom de la province de Costelez sur l'Elbe », cf. remarque 2 (chez Darrigade l'indication se trouve à la fin de l'histoire, Marchot fait référence à Darrigade.)

* Gaboria : néant.

 

Jacques de Molay est questionné.

 

La datation de l'introduction de la Stricte Observance à Namur (2), et autres remarques :

 

1. Il y a une subtilité. Tant dans le rituel de Dresde que dans celui du fonds Brunswik déposé dans les archives de la Grande Loge du Danemark, la formule « Je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et ne sont plus. » se trouve également dans l'ouverture des travaux. Par contre la formule « Ceux qui ont été et qui n'étaient plus jamais et qui sont à nouveau maintenant. » qui se trouve dans le corps de ces rituels, ne se retrouve ni dans « Strasbourg 1776 » ni dans Namur. Est-ce un indice d’un rituel archaïque antérieur à ceux de Brunswik et d’autres de même type ?

 

La phrase « Je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et ne sont plus. » semble bien au coeur du dispositif namurois. En effet, le prince Charles-Alexandre de Gavre, initié très jeune (c’est un louveteau, comme Charles-Henri Serome, ce qui lui permet cette précocité) à la loge de Namur vers 1774-75, prononce un discours à Namur lors de sa nomination comme Grand-Maître du Rite primitif, le 1er juillet 1818, en remplacement de Sérome décédé. Il utilise deux fois la formule : voici la première : « Ill:. Templiers, permettez que je développe devant vous les raisons que nous avons de croire notre Rit véritablement primitif, et qu’un tableau rapide, mais exact, en dévoilant l’antiquité de nos mystères, fasse connaître les rapports que la Maçonnerie a eus avec nos ff:. qui ont été et qui ne sont plus, et dont nous déplorons tous les malheurs et exaltons les vertus. »[36]

 

2. C'est au convent de Brunswick de 1775 que les neuf Provinces furent redécoupées, chacune d'elles divisée en Préfectures. Namur y était désignée comme Maison de Novices. Dès ce moment, elle faisait partie de la Préfecture de Luxembourg, elle-même se trouvant dans la Ve Province de Bourgogne. Ce qui paraît intéressant, c'est qu'avant ce redécoupage, la gauche de la Meuse (donc Namur) se trouvait dans la Province de l'Elbe et l'Oder : avons-nous ainsi une indication d'origine et de datation de l’introduction de la Stricte Observance à Namur ? [37] Ce pourrait être un argument pour penser que celle-ci se serait faite au plus tard en 1775, du moins pour ses rituels originaux.

 

3. Il est intéressant de relever, tant dans le rituel namurois que celui de « Strasbourg », plusieurs mentions qui pointent la Bohème et Prague, soit par un lieu proche, soit à travers plusieurs personnages, soit éventuellement par le mot de passe.

 

D’abord un lieu pour Namur :

« Costelez sur l'Elbe » désigne (en langue allemande, Elbkosteletz, en tchèque, Kostelec nad Labem) une ancienne petite ville/bourgade (3.300 habitants actuellement) située en Bohème, avec un pont stratégique sur l'Elbe qui verrouille l'accès à Prague, éloignée d'une vingtaine de kilomètres, sur la Moldau. C'est un haut lieu de la croisade hussite (Jan Huss -vers 1370-1415-, réformateur mort sur le bûcher). La Bohème se trouve dans la VIIe Province, celle de l'Elbe et l'Oder.

 

On peut ensuite rapprocher cela des deux indications du rituel de « Strasbourg », qui se centrent également sur Prague : « dito comte Kinigl à Prague dito duc de MANS fels à Prague ».

Ces personnages sont connus. Le comte Sebastian Franz Kinigl, Eques a Testudine Viridi, apparaît déjà vers 1764-65, lors de la première implantation de la Stricte Observance dans l'empire autrichien, à Prague.[38] Il est l'organisateur de la loge et président de la prépositure Rodomskoy durant cette décennie. Trois Kinigl seront actifs dans la Stricte Observance : deux à Prague, celui-ci et son fils Caspar Herman, et un à Innsbruck, Léopold-Francis.[39]

Il existe par ailleurs un comte (von) Mansfeld, qu'on trouve parmi les fondateurs de l'orphelinat maçonnique (l'Institut) créé à Prague en 1773.[40]

 

Le mot de passe « Kolo » qu’on trouve dans le rituel dit « Strasbourgeois », (il n’y a pas de mot de passe dans celui de Namur), pourrait être compris, selon Dachez et Mollier, comme évoquant le Convent de Kohlo de 1772. Mais le terme « kolo » est également un mot tchèque qui veut dire roue, rond, cercle, cycle, ronde. (C’est d’ailleurs la première langue qui apparaît lorsqu’on tape « kolo » dans google traduction.)

 

4. Il semble possible de proposer plusieurs hypothèses concernant l’origine des rituels (Darrigade - Namur) et « Strasbourg 1776 ». Ils trouveraient leur origine dans des rituels antérieurs à l'imbrication du système clérical de Starck avec la Stricte Observance, qui a dû se produire après le convent de Kohlo en 1772. En effet ces rituels sont simples, il n'y a pas de « profession », ni d’invocation « et qui sont à nouveau maintenant » qui évoque une résurrection bien dans la ligne du cléricat, et surtout ils ne mettent pas en avant un quelconque rôle du « Prieur ». Or ces aspects sont essentiels pour les rituels de la Stricte Observance, que ce soient ceux du fonds Brunswick déposés à la bibliothèque de la Grande Loge du Danemark, ou ceux du fonds Willermoz, lesquels donnent un rôle prépondérant au « Prieur ».[41]

 

Dans la mesure où deux rituels, semblables, mais issus de lieux très différents, pointent dans la même direction, l’hypothèse devient solide : l’origine de ceux-ci doit être recherché en priorité en Bohème, à Prague sans doute. Ceci soulève une nouvelle hypothèse qui a le mérite d'éclairer l'introduction en 1764 de la Stricte Observance dans l'empire habsbourgeois. Si ces rituels ont une origine commune, ils pourraient provenir de ceux communiqués en 1764, soit à Jena, soit au convent d'Altenberg , où Charles Gotthelf, baron de Hund, en personne, a confirmé les premiers Chevaliers templiers autrichiens (de Prague), lesquels furent initialement armés par George Frederik Johnson, d’où peut-être, l'évocation de Hund dans le rituel dit « strasbourgeois ». Notons que, lors du convent de Kholo (1772), Hund perd la position prépondérante qu'il avait au convent d'Altenberg.[42]

 

Synthèse. Il n'est pas non plus insensé de penser que ces rituels furent, soit écrits en français dès l'origine (l’impératrice-reine Marie-Thérèse écrivait en français à ses amies), soit rapidement traduits pour un usage local, compte tenu de la francophilie des loges de tout l’espace habsbourgois. Ceci expliquerait aussi leur absence dans le monde « allemand », devenu beaucoup plus germanophile suite à la Guerre de Sept ans (qui consacre le renversement des alliances), et, à l'inverse, leur apparition dans l'espace francophone français et/ou belgo-autrichien. L’hypothèse, pour Namur, portant sur une filière via les régiments belgo-autrichiens et leurs loges, souvent (ou toutes?) rectifiées, et qui ont stationné plus d’une fois en Bohème, trouve de la valeur.

 

Ici, il me faut rendre hommage à Jacques H. qui, le premier, a pressenti la possibilité d’une origine praguoise au rituel namurois.

 

Sceau de la Préfecture Rodomskoy (Stricte Observance Templière, Prague)

 

Maçrie écoss∴

Rit écoss∴ Prim∴

30 & 31 gr∴

L’Intérieur ou Chapitre des Chev∴ du Temple.

Novice de l’Intérieur et Chevalier de l’Intérieur (30e et 31e)

 

Dans l’en-tête du rituel de Marchot, on trouve : « Dans un autre cahier ayant appartenu à Pierre Darrigade, Command∴ de l’Intérieur, on trouve les variantes écrites en marge. Il semble avoir été traduit d’une langue étrangère ; celui-ci a été revu et corrigé. »

 

Le rituel présenté ici est celui attribué à Pierre Darrigade, qu’on peut dater ~1806 (voir plus haut).

 

Chap∴ des Chev∴ du Temple

 

Deux servants d’armes qui se trouvent à la porte du Chap∴ pour tuiler l’entrée du Noviciat.

S’il n’y avait pas de servants d’armes, ce serait aux deux plus jeunes Chev∴ à remplir les fonctions.

Les Novices garderont la porte du Chapitre intérieurement, ainsi les Novices sont déjà dans le Chap∴, et qu’au jour de réception, ils sont dans l’extérieur, ne pouvant pas voir le cadavre.

Ceux qu’on nomme servants d’armes sont des FF∴ qui ne sont pas nobles : sans cela ils ne peuvent pas être Chev∴, ainsi on les nomme servants d’armes.

Dans le sanctuaire, tous les Off∴ auront des tables carrées devant ou à côté d’eux. Ils auront tous un fauteuil pour s’asseoir.

Au-dessus du sanctuaire, sera un dais en carré galonné en or ou en frange. Il couvrira les GG∴ Off∴ et l’autel. Le tout doit être en rouge ainsi que les tapis des tables.

Dès que tous les FF∴ sont au Chap∴ et habillés, un servant d’armes porte un flambeau allumé au Gr∴ Chancelier porte-glaive, qui le prend.

Tous les Off∴, ainsi que les Chev∴ suivent le Gr∴ Maît∴ et tous se prosternent devant l’autel où le Gr∴ Chancelier dit en allumant chaque bougie de l’autel : « Je fais ceci en mémoire de ceux qui ont été et qui ne sont plus. » Il dit la même chose en allumant chaque bougie.

Le Gr∴ Maît∴ sonne et dit : « À la prière, mes FF∴ et Ill∴ Chev∴ ».

Tous se mettent à genoux et le Gr∴ Maît∴ fait la prière suivante.

 

Prière

Seigneur qui êtes le Gr∴ Souverain du ciel et de la terre, aidez nous à maintenir l’union, la concorde et l’amitié parmi nous. Ne permettez pas, Gr∴ Arch∴ de l’U∴, que nous fassions un mauvais choix dans le F∴ que nous nous proposons de recevoir parmi nous. Permettez, Gr∴ Dieu, que nous puissions un jour confondre nos ennemis et que notre innocence puisse paraître au grand jour. Faites miséricorde à ceux qui ont été et qui ne sont plus. Accordez-nous votre bénédiction ainsi qu’à vos Élus. Amen.

Tous les Chev∴ répondent ensemble Amen.

Lorsqu’il n’y a pas de réception, on ne dit pas ce qui est souligné dans la prière.

 

Le Gr∴ Maît∴ se relève. Le plus jeune des Chev∴ présente l’encens au Gr∴ Maît∴, lequel en met dans l’encensoir. Il se met à genoux et encense le Seigneur. Ensuite il se relève et va encenser tout le tour de l’autel. Le plus jeune Chev∴ lui soutient le bord de son manteau. Lorsqu’il revient à sa place, il se tourne vers le Gr∴ Chancelier et l’encense ; après quoi celui-ci encense le Gr∴ Maît∴. Cela se fait les uns à l’égard des autres jusqu’à ce que l’encensoir arrive au plus jeune des Chev∴. Puis chacun va reprendre sa place et le Gr∴ Maît∴ dit : « Le Chap∴ est ouvert. »

 

Quand il s’agit de la réception d’un Novice, il ne faut pas un cadavre.

Les trois premières lumières de la L∴ Écoss∴ de St André doivent être absolument Chev∴ de l’Int∴ et le Vén∴ être au moins d’un grade au-dessus, c’est-à-dire Préfet ou Commandeur.

Lorsqu’il se trouve un Écoss∴ de St André qui souhaite être Chev∴ de l’Intérieur, son Vén∴ Maît∴ en charge le propose au premier Chap∴ s’il s’en trouve un dans le même endroit. On procédera au scrutin en sa faveur et s’il se trouve favorable, l’on dit au Maît∴ en chaire qui l’a proposé, le nombre de briques qu’il doit donner pour son entrée au Noviciat. Sa réception ne se fera que quatre mois après sa demande. Si le scrutin a eu lieu quatre fois et qu’à la quatrième fois, il se trouve un vote négatif, le proposé ne pourra jamais entrer au Chap∴.

 

Réception d’un Chev∴ Écoss∴ de St André au Noviciat de l’Intérieur

 

Le jour de la réception sera indiqué au candidat trois jours avant. Il lui sera aussi indiqué l’heure à laquelle il devra se trouver chez celui qui sera chargé de le conduire.

Celui-ci le mènera dans la chambre de réflexions, une heure avant que le Chap∴ s'assemble. La chambre de réflexions sera tenue de noir. Dans le fond, il y aura un grand Christ en croix ; le tout sera éclairé par une lampe. Au pied de la croix sera un prie-Dieu sur lequel sera un livre ayant pour titre et pour sujet « Réflexion sur la mort ».

Dès que le Chap∴ est assemblé et ouvert, on annonce que le F∴ Écoss∴ est dans la chambre des réflexions. Sur quoi, le Gr∴ Maît∴ demande encore à tous les Chap∴ si tous les Chev∴ sont d’un commun accord pour recevoir le novice, en disant : « que tous ceux qui sont de mon avis lèvent le pouce. »

Cela fait, il ordonne au Maît∴ des Novices de se rendre près du F∴ Écoss∴ et de l’interroger sur sa résolution. Le Maît∴ des Novices lui dit de remettre ses briques pour preuve de sa soumission. Il lui fait remettre son épée et son chapeau.

Cela fait, le Chev∴ Maît∴ des Novices rentre au Chap∴ et dit au Gr∴ Maît∴ que le F∴ Écoss∴ de St André est résolu d’être reçu Novice de l’Intérieur et que pour preuve de sa soumission, il lui a remis des briques.

Le Gr∴ Maît∴ lui dit de retourner près du F∴ Écoss∴ et de l’avancer au Chap, ce qu’il exécute.

Arrivé à la porte du Chap∴ avec le F∴ Écoss∴, il se fait annoncer par un servant d’armes ou par un Novice.

Le Gr∴ Maît∴ sonne trois fois. À la troisième fois, le Maît∴ de cérém∴ entre avec le F∴ Écoss∴ de St André qui met la main droite sur les yeux, la paume appuyée sur le front.

Alors tous les Chev∴ se lèvent. Le Maît∴ des cérém∴ prend le récipiendaire par le bras, et, accompagné du Maît∴ des Novices, le conduit dans le sanctuaire où on lui demande s’il est prêt à tout abandonner pour suivre ce qui lui sera ordonné.

Il répond oui. Alors on le fait approcher et mettre à genoux. Dans cet état, il prête l’obligation suivante.

 

Obligation

 

Le Gr∴ Maît lui fait prêter l'obligation suivante :

« Je promets devant ce Vén∴ Chap∴ de ne jamais découvrir aucune circonstance de tout ce qu'on m'enseignera ou communiquera touchant ce grade, ainsi que ceux que j'ai passé, et de ne les écrire ni buriner en aucune manière, même hiéroglyphique. Je renonce à jamais de devenir Chevalier de Malte, ainsi Dieu me soit en aide et son Saint Évangile. » 

 

Cette obligation prêtée, on lui montre le signe qui est de mettre sa main droite horizontalement avec la terre, à la hauteur des yeux, le pouce appuyé contre les sourcils, son tablier d’Écoss∴ replié vers la hanche gauche.

On lui dit qu’il doit rester trois ans au Noviciat, et on lui donne la parole qui change tous les ans, à la volonté du Gr∴ Maît∴ ou Préf∴.

C’est aux Novices à arranger tous ce qui doit être disposé dans le Chap∴.

 

Réception du Chev∴ de l’Int∴

 

Un Novice ayant fini son temps, le Maît∴ des Novices l'annonce dans le premier Chap∴.

Le Gr∴ Maît∴ demande aux Chev∴ s’ils n’ont rien appris, pendant le noviciat du candidat, qui puisse faire retarder son inscription comme Chev∴. Qu’ils doivent tous examiner sérieusement sa conduite passée afin qu’on ne fasse pas un mauvais choix qui puisse nuire à l’ordre, vu qu’on ne saurait jamais trop prendre de garde pour communiquer le grade.

Alors le Gr∴ Maît∴ dit au Maît∴ des Novices d’informer le candidat qu’il est accepté et qu’on lui indiquera le jour de la réception.

Cette indication doit toujours se faire vingt-quatre heures avant le jour fixé. Le Maît∴ des Novices averti le candidat de se trouver une heure avant la réunion du Chap∴.

On le conduit dans la chambre de réflexions, afin qu’il y médite sur le parti qu’il va prendre.

 

Dès que le Chap∴ est ouvert, le Gr∴ Maît∴ dit : « Nous sommes assemblés pour tenir la réception du novice N….  Tous les Chev∴ ont-ils bien réfléchi ? Que tous ceux qui sont de mon avis lèvent le pouce. » Ayant fait l’inspection de tous les Chev∴ et dit : « Puisque nous sommes tous de même opinion, Chev∴ Maît∴ des cérém∴, allez chercher le novice. »

Le Maît∴ des cérém∴ se rend près du récipiendaire et lui fait faire son testament, et lui fait promettre que s’il avait pus tard des revenus provenant des Chap∴ ou de l’ordre, il les remettra à sa mort dans le même état qu’il les avait trouvé, sans rien demander.

Il lui fait remettre pour preuve de sa soumission les briques demandées.

Le testament étant achevé et signé de la main du candidat, le Maît∴ des cérém∴ le prend et entre au Chap∴. Il rend le tout au Gr∴ Maît∴, lequel remet le testament au Gr∴ Chanc∴ qui en fait la lecture à haute voix et le donne ensuite au secrét∴. Les briques sont remises au trésor∴ et le secrét∴ en tient note.

Le Gr∴ Maît∴ dit alors au Maît∴ des cérém∴ d’aller chercher le novice, ce qu’il exécute.

Le candidat décoré des ornements Écoss∴, en botte et éperonné, est conduit à la porte du Chap∴ par le Maît∴ des Cérém∴ qui se fait annoncer par un servant d’armes.

 

Le Gr∴ Maît∴ sonne. Les Chev∴, les Off∴ et le Gr∴ Maît∴ se lèvent et se mettent à l’ordre.

La porte s’ouvre. Le candidat entre en novice, accompagné du Maît∴ des novices et du Maît∴ des cérém∴, qui le prend à la porte du Chap∴. Le récipiendaire, l’épée à la main, fait quatre pas d’Écoss∴ et à chaque pas, il salue le Gr∴ Maît∴ et tous les Chev∴.

Le Gr∴ Maît∴ lui fait la même demande qui lui a été faite au noviciat.

Le Gr∴ Maît∴ lui dit ensuite, en lui montrant le cadavre : « Regardez et tremblez, ce sont les templiers que vous voyez. C’est ainsi qu’on les a traités bien qu’innocents. Avez-vous à présent le courage de vous mettre dans un ordre qui a souffert tant d’injustices et de calomnies ? »

Le récipiendaire répond : « Rien ne peut me détourner de ma résolution. »

Le Gr∴ Maît∴ lui dit : « Approchez pour faire vos vœux. »

Le récipiendaire monte à l’autel. Le Gr∴ Maît∴ à sa droite et le Gr∴ Chanc∴ porte glaive à sa gauche. Le candidat se met à genoux, pose la main droite sur l’Évangile et prononce le vœu suivant qui lui est dicté par le Gr∴ Maît∴.

 

« Je promets, devant le Gr∴ Arch∴ de l’U∴ qui est Dieu, et devant ce Vén∴ Chap∴, sur ma parole d’honneur et d’honnête homme, dont je fais profession, de ne jamais révéler aucune circonstance de ma réception, ni de tout ce que j’ai vu ou entendu et de ne jamais confier à aucune personne sans en avoir obtenu la permission du Gr∴ Maît∴ et de tout le Chap∴, de n’en jamais parler à aucun Chevalier Maltais et de ne jamais l’être sous peine d’être déshonoré pour toute ma vie et d’être regardé comme le plus vil des humains. Ainsi m’aide Dieu et son Saint Évangile. »

 

Après cette obligation, chacun reprend sa place. Le récipiendaire se met à genoux à sa première place, où le Maît∴ des cérém∴ va lui défaire le col et lui ouvrir le col de chemise, il lui passe le cordon de l’ordre, en lui disant : « Ce cordon doit continuellement vous faire ressouvenir les malheurs qui sont arrivés à l’ordre, et doit la porter jusqu’à la mort. »

 

On le fait lever et on le conduit à la table sur laquelle sont les ornements de Chev∴ de l’Int∴. Cette conduite se fait par le Maît∴ des cérém∴ et le Maît∴ des novices.

On lui met la cotte d’armes et on lui dit : « Ceci est en mémoire du temps où les Chev∴ se cuirassaient pour combattre les ennemis de la Chrétienté et les leurs. »

On lui met le manteau et on lui dit : « C’est là l’habit que l’on doit toujours porté au Chap∴ ».

On le conduit ensuite à sa première place où il se met à genou.

 

Le Gr∴ Maît∴ et tous les Chev∴ se lèvent. Le Gr∴ Maît∴ prend le glaive que tient le Gr∴ Chancelier et le place sur la tête du récipiendaire en disant : « Je vous sacre Chev∴ du Temple, au nom du Gr∴ Arch∴ de l’U∴, au nom du Gr∴ Maît∴ et au nom de tous les Chev∴ de l’ordre. »

Le Gr∴ Maît∴ prend l’encensoir et encense le nouveau Chev∴ en lui disant : « Que le Gr∴ Jehovah vous conduise toujours dans le sentier de la vérité. »

Tous les Chev∴ répondent « Amen ».

 

Le Gr∴ Maît∴ lui donne ensuite un soufflet et lui dit : « Que ce soit le dernier ».

Il lui met la bague qui doit être en or et lui dit : « Voilà la marque qui doit vous faire souvenir que vous êtes lié à nous pour toute votre vie. »

Il lui rend son épée et l’exhorte à s’en servir pour le soutien et la gloire de l’ordre.

Il lui attache la croix de l’ordre à la boutonnière et lui donne le baiser de la paix, qu’il va rendre à tous les Chev∴, accompagné du Maît∴ des cérém∴. Et quand il revient au Chev∴ qui tient l’encensoir et qui lui a donné le baiser de paix, le Maît∴ des cérém∴ dit à celui-ci de rendre l’encensoir au nouveau Chev∴. Qui va prendre sa place à la Col∴ du Nord.

Le Maît∴ des cérém∴ lui dit : « Cette place vous appartient dès aujourd’hui. »

 

Le Gr∴ Maît∴ dit au Gr∴ Chanc∴ porte glaive de prononcer l’histoire malheureuse de l’ordre.

 

Histoire

 

« Hugues de Payen, Geoffroy de St-Aldemart et sept autres gentils-hommes français touchés des périls auxquels les pèlerins, dans leur voyage à Jérusalem, et à leur retour, étaient exposés, formèrent entre eux une petite société, pour leur servir d'escorte. Ils allaient les prendre et les reconduire ensuite jusqu'au-delà des défilés des montagnes et des passages les plus dangereux.

 

Ce n’était d'abord qu'une simple association sans règle et sans avoir pris l’habit de religion. Dans l’année 1118, ils s’étaient retirés dans une maison près du Temple, ce qui leur fit donner le nom de Templier ou de Chev∴ du Temple.

 

Le roi de Jérusalem ayant fait choix de Hugues de Payen pour l'envoyer à Rome solliciter du secours, et, s'il le pouvait, une nouvelle escorte ou croisade. Ce pieux gentilhomme, après s'être acquitté dignement de sa commission auprès du pape Honoré II, lui présenta ses compagnons, l'entretient de leur zèle pour la sûreté des pèlerins, et lui demanda d'en faire, à l'exemple des Hospitaliers, un ordre militaire, ce qu’ils obtinrent des pères du concile tenu à Troyes en Champagne. Saint-Bernard régla la forme de leurs habits, et déclara que chaque Templier pourrait avoir un écuyer, ou frère servant d'armes, trois chevaux de monture et un habit de couleur blanche, et pour marquer de leur profession, le pape Eugène III accrocha une croix rouge, attachée sur l’habit à l'endroit du cœur.

Ils retournèrent à Rome l’an 1128 pour faire confirmer l’un et l’autre du Pape.

Ce qu’ayant obtenu, ils se disposèrent à retourner dans l'orient, mais avant leur départ, une foule de gentils-hommes des meilleures maisons de France, d'Allemagne et d'Italie, se présentèrent pour entrer dans leur Ordre.

Hugues qui était leur chef leur donna l’habit religieux qu’il avait lui-même, et avec cette florissante jeunesse, il arriva dans la Palestine.

L'Ordre des Templiers était comme une branche détachée de celui des Hospitaliers de Saint-Jean, mais cette branche devenue un grand Ordre, semblait faire ombrage à la tige dont elle était détachée, et l'étouffer.

Le désir d'accumuler des nouveaux revenus à l'envi l’un de l’autre, certaine jalousie presque inséparable de la profession des armes, et des disputes sur leur rang et la préséance à la guerre, ou dans les conseils d'État, causaient et entretenaient une mésintelligence qui enfin éclata au point de se faire la guerre, et se charger toutes les fois qu'ils se rencontraient.

Ces Chevaliers étaient devenus extrêmement riches et très puissants. Ce furent ces richesses et cette puissance qui leur suscitèrent des envieux et des jaloux et qui occasionnèrent leur perte.

 

Philippe le Bel, Roi de France, fut leur plus grand ennemi, mais comme il ne pouvait détruire un ordre si respectable, sans le consentement du Pape, il le lui fit demander mais inutilement.

 

Le pape étant mort, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, et aumônier de Philippe le Bel, lui promit l’entière destruction de ces Chev∴, si, par son autorité, il pouvait devenir Pape. Il le devint en effet sous le nom de Clément V ; et il ne fut que trop exact à garder la parole qu'il avait avancée à Philippe le Bel, n’étant qu’archevêque.

 

Dans ces temps, Aumont, grand Prieur d'Anjou, ayant pour des bonnes raisons prétérit trois Chev∴ nommés Squin, de Florianus, Naffodei, cette prétérition les dressa tellement contre lui, qu'ils résolurent de s'en venger ; ils descendirent chez lui, en demandant de lui parler.

Aumont leur accorda leur demande, et les fit entrer dans l'endroit le plus retiré de sa maison, qui donnait sur le jardin.

Ces trois Chev∴ se voyant seul, lui demandèrent avec arrogance pourquoi il les avait prétérit : il leur répondit avec douceur qu'ils ne devaient pas en être surpris puisque leur mauvaise conduite et leur libertinage leur devaient ôter tout espoir d'avancement ; que, malgré toutes les remontrances qu'il leur avait faites, ils avaient toujours continué ; que si cependant, ils voulaient changer de conduite, et revenir à eux-mêmes, il leur promettait plus qu'ils n'avaient droit d'espérer.

 

Mais ces trois Chev∴ remplis de colère, transportés de rage et ayant la vengeance dans le cœur, se jetèrent sur lui, l'assassinèrent à coup d'épées et le jetèrent par la fenêtre dans le jardin où ils l'enterrèrent ; après quoi ils se sauvèrent par-dessus les murailles.

 

L'Ordre, ayant appris le crime de ces trois Chev∴, les fit arrêter et mettre en prison.

 

Mais Philippe le Bel qui, depuis longtemps, cherchait l'occasion de détruire l'Ordre, par quelque moyen que ce soit, saisit ce moment, et réclama les trois Chev∴, comme Français, soutenu en cela par le pape Clément V qui déclara que c’était à Philippe le Bel à faire justice parce que le crime avait été commis en France, et par des Français.

L'ordre fut donc obligé de lui remettre les trois assassins, et bien loin de les faire punir, il les combla de biens. Ce sont ces trois Chev∴ qui forgèrent toutes les faussetés qui firent périr l'Ordre.

 

Philippe le Bel, de concert avec Clément V, sur les dépositions de ces trois Chev∴ et de plusieurs autres, firent ordonner une assemblée où tous les Supérieurs des Ordres religieux militaires devaient comparaître.

Ce fut à cette assemblée que furent arrêtés le Gr∴ Maît∴ Jacques de Molay, le Gr∴ Prieur Paganis, et le Gr∴ Trésor∴, le dauphin du Viennois.

Ils furent mis tous les trois à la torture, pour leur faire avouer des crimes que, ni eux, ni leur ordre, n'avaient jamais commis. Ils protestèrent de leur innocence, et déclarèrent qu'ils aimaient mieux mourir dans les tourments, que de s'avouer coupables pour une lâche complaisance à laquelle ils leur étaient impossible de se résoudre.

Malgré leur fermeté et leur innocence, ils furent condamnés à être brûlés vifs.

On leur proposa cependant de faire grâce de leur vie, et de changer leur condamnation en une prison perpétuelle, s'ils voulaient convenir, en présence de tout le peuple, des crimes qu'ils leur étaient imputés, ce que le Gr∴ Maît∴ promit de le faire, pour éviter de plus longs tourments. On leur déclara que s'ils n'en convenaient pas, ils seraient jetés de l’échafaud dans un brasier qu’on préparait à ce effet.

Le 18 mars 1313 |:v:l:|, ils furent conduits sur une place, où est présentement la statue de Henri IV, un échafaud y était préparé.

On y fit monter le Gr∴ Maît∴ le premier. Il dit qu'il s'avouait coupable d'un crime, celui d'avoir promis de se souiller d'un mensonge, il protesta que ni lui ni l'ordre n'avaient commis aucun crime et qu'il mourrait innocent, et cita à comparaître devant Dieu le pape Clément V en trente jours, et Philippe-le-Bel en un an.

Paganis et le Dauphin de Viennois soutinrent leur innocence au public, ainsi que le Gr∴ Maît∴. Ils furent jetés tous dans les flammes et l’ordre fut aboli.

 

La prédiction du Gr∴ Mtre se vérifia. Le pape Clément V mourut trente jours après l’exécution et le Roi, Philippe le Bel un an après.

Plusieurs autres qui avaient tramé dans cet affreux complot périrent misérablement.

 

Le peu de Chev∴ qui purent échapper à leurs ennemis se sauvèrent en Angleterre. Neuf d'entre eux se choisirent un Gr∴ Chef sous le nom de Garimond, Prieur de Jérusalem. Ils firent des statuts et prirent tous les mots symb∴ de la Maçrie pour se reconnaître, faire des prosélytes et rétablir leur Temple. 

 

Fin de l’histoire.

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La croix doit être en rouge, en pierre ou en corail. Il doit y avoir derrière un C en couleur bleue. Ce C. est l’initiale du nom de la province de Costelez sur l’Elbe.

La corde qu’on doit toujours avoir sur soi, doit avoir trois bouts inégaux, et à chaque bout, trois nœuds. Le plus grand des bouts est coulant dans la corde et en souvenir des peines qu’ont endurées les innocents. Ces trois bouts représentent les trois assassins.

 

Votre nom est Chev∴ du Pelican d’or. Eques Pelicani aurei.

 

Quand on boit, on soutient le verre du col.

Quand le candidat rentre pour être reçu, tous les Chev∴ portent la main gauche retournée sur les yeux, la droite en avant, comme pour se cacher et la portant ensuite sur la garde de l’épée, sans cependant la tirer.

Aux LL∴ d’obligation, les Chev∴ doivent toujours être bottés et éperonnés, et mettre un grand costume autant que faire se pourra.

 

Clôture

 

Le Gr∴ Maît∴ sonne et dit : « Vén∴ FF∴ Chev∴, que sommes-nous venu faire ici ? »

Le Gr∴ Chanc∴ porte glaive répond : « Regretter notre Gr∴ Maît∴ et nos FF∴ Chev∴ qui, malgré leur innocence, ont sacrifié leur vie dans des supplices affreux. »

D. Que représente le lieu où nous sommes ?

R. Silence profond et douleur amère.

Le Gr∴ Maît∴ dit : « Regrettons un si grand homme et un si grand nombre de Chev∴ que des accusations calomnieuses ont fait périr dans les souffrances. »

 

Tous les Off∴ et après tous les Chev∴ suivent le Gr∴ Maît∴ et vont se prosterner devant l’autel.

Un servant d’armes apporte un éteignoir au Gr∴ Chanc∴, qui dit en éteignant chacune des quatre chandelles qui sont sur l’autel : « Ils ont été, ils ne sont plus. »

Le Gr∴ Maît∴ sonne et dit : « Le Chap∴ est fermé. »

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Habillement des Nov∴ 30e gr∴

 

Une cotte d’armes en laie blanche bordée de rouge. Un manteau en laine blanche avec une croix de l’ordre en drap rouge sur le côté gauche. Un collier, ou sautoir, faite d’un large ruban blanc moiré avec une croix brodée en soie rouge à la pointe du collier. Une écharpe en soie blanche avec une frange en or au-dessus de la cotte d’armes. Un haut de chausses en laine blanche. Un sabre de l’ordre, la poignée faite en forme de croix en argent, suspendu à un baudrier vert. Un bonnet carré de laine blanche avec une houppe rouge et un panache vert. Des bottes noires bordées d’un galon d’or. Les éperons noirs. Gants de peau à parements, dit gants de bataille.

 

Habillement des Chev∴ 31e gr∴

 

La cotte d’armes et manteau comme celui des Nov∴.

Collier, écharpe, haut de chausses selon et bonnet de laine mais avec un panache rouge.

Bottes (jaunes ?) bordées avec galon d’or avec les (talons ?) rouges, éperons d’or.

Le collier bordé de rouge.

 

À la pointe du collier pend la croix de l’ordre en or ; au milieu le n° 30 ou 31.

 

Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay sur le bûcher, miniature du Maître de Virgile, Grandes Chroniques de France, vers 1380, British Library.

 

Références.

 

  1. Christophe de Brouwer. Les 250 ans du Rite Ecossais Primitif, dit de Namur. Renaissance Tradionnelle n°173-4, 2014.

  2. Les régiments belgo-autrichiens sont au nombre de 8 (7+1). Il y a ceux désignés comme « wallonish », c'est-à-dire plus spécifiquement composés de soldats belgo-autrichiens. Ce sont les cinq régiments d'infanterie (LosRios-Clairfayt, deLigne-Deynse-Kaunitz-Würtemberg, Arberg-Murray, Vierset, Prié-SaxeGotha-de Ligne). Il y a le régiment de Dragons (ou chevaux-légers) de Ligne-Daun-Löwenstein-Saint Ignon-Arberg, un régiment d'artillerie Ferraris-Tillier, et pour mémoire, un régiment de Grenadiers formé en 1789. Cinq d'entre eux transportaient une loge : Würtemberg, Murray, de Ligne, Arberg, Tillier, qui ne furent pas toutes agréées par la Grande Loge provinciales des Pays-Bas (cf. Wargny, tome III, p 894 et Van der Schelden). Durant la guerre de Sept ans, cet ensemble « wallon » avait apporté environ 13 000 hommes de troupe à l'Autriche, renouvelés au fur et à mesure des pertes, sans compter ceux engagés dans d'autres régiments.

  3. L'introduction « officielle » de la Stricte Observance à Prague date de 1764. Les premiers novices-chevaliers le furent par Johnson en avril 1764 à Jena, (juste avant le convent d'Altenberg , à proximité de Jena) jusqu’à fin mai, où Johnson fut démasqué par Hund ! (Abafi, Tome I, pp 279-337, et Malczovich, AQC n°6, pp 85-91).

  4. Paul Rousseau. Essai. La Franc-Maçonnerie au Duché de Luxembourg , dactylographié en 1979.

  5. Hugo De Schampheleire. De Vrijmetselarij in de Oosten rijkse Nederlanden 1726-1786. Doctorale Scriptie. Vrij Universiteit Brussel, 2003, pp 824-9. Il s’agit bien du même Nicolas Catoire dans ces 4 différentes loges.

  6. Il y a un soucis de traduction, de l'allemand en français, que ce soit à Prague ou à Luxembourg : « Zu den Drei Gekrönten Säulen » Säulen = piliers ou colonnes. Dans un but de simplification, nous optons pour « piliers ».

  7. Paul Rousseau, Die Militärlogen im Luxembourger raum, Quatuor Coronati. (Allemand) n°28, 1991, pp 55-68.

  8. L’adjectif « rectifié » connaît toujours le succès puisqu’il désigne aujourd’hui un rite, le Rite Écossais Rectifié (RER), issu de la Stricte Observance, suite au Convent général de Wilhelmsbad en 1782.

  9. Lajos Abafi L, Geschichte der Freimaurerei in Österreich-Ungarn. 5 volumes, 1881-84: tome I, p 304.

  10. Guillaume Lt-Général. Histoire des régiments nationaux des Pays-Bas. Ed. Muquart, Bruxelles, 1877, p117.

  11. Van der Schelden. La Franc-Maçonnerie belge sous le régime autrichien (1721-1794). 1923. Réédition Labor 2006, p44

  12. F.G. Les Loges militaires et leur influence sur l’essor de la Franc-Maçonnerie en Belgique. Bulletin du Suprême Conseil de Belgique n° 67 et 68, 1949-50, p 129.

  13. Van Der Schelden. Opus cit., p 185.

  14. F.G. Les Loges militaires …, opus cit., p 131.

  15. Lajos Abafi, opus cit., tome I, p 188.

  16. « a leone resurgente » est également le nom d'ordre du prince Charles de Hesse-Cassel.

  17. George de Froidcourt. La Franc-maçonnerie à Namur avant 1830. In XXXIe session. Congrès de Namur. Fédération archéologique et historique de Belgique, 1938, p 381.

  18. Bibliothèque d'Alençon, MS 422-425.

  19. V Rjéoutski. In  Le Monde maçonnique des Lumières, dictionnaire prosopographique . Sous la direction de Charles Porset et Cécile Révauger. Éditions Honoré Champion, 2013, pp 1241-43.

  20. Roger Dachez, Pierre Mollier. Une version inconnue du Grade de Maître Écossais de Saint André et des grades de l'Intérieur vers 1776. Renaissance Traditionnelle n°112, 1997, pp 267-278.

  21. Yonnel Ghernaouti. La Stricte Observance dite Templière S.O.T. Deux manuscrits de 1775. Éditions Maçonniques, 2005.

  22. George de Froidcourt, opus cit., p 378.

  23. A. Cordier. L’Ordre Maçonnique en Belgique. Mons, 1854, p 387.

  24. Christophe de Brouwer, Luc Hiernaux, Jacques Huyghebaertet Jean-Pol Weber. Un tableau de La Parfaite Union, loge maçonnique namuroise, daté de 1776. Lve Congrès de la Fédération des cercles d’archéologie et d’histoire de Belgique. 8e Congrès de l’Association des cercles francophones d’histoire et d’archéologie de Belgique. Namur, du 28 au 31 août 2008, tome 2, Namur, Presses universitaires de Namur & Société archéologique de Namur, p. 429-440.

  25. La dénomination « archi-camp royal d’Écosse » n’est pas inusitée à cette époque comme nous le montre l’article de : S Foster. The Early Grand Encampments of Ireland and Scotland and in England. Lodge of Research CC Transactions (Ireland). Vol XVIII, 1982. Nous devons cependant séparer la patente et les rituels pratiqués, Namur est loin de l’Écosse et travaille en français : le nom attribué à ce chapitre, « Intérieur du Temple », nous fait penser à une pratique de type « Stricte Observance ».

  26. George de Froidcourt, opus cit., p 378.

  27. Eugène Goblet d'Alviella. Essai sur l’origine et l’histoire de la R.L. La Bonne Amitié à l’Or. de Namur. 1909.

  28. Fernand Clement. Contribution à l'histoire de la R:. L:. "La Bonne Amitié" à l'Orient de Namur. Bulletin du Grand Orient de Belgique, 1924, pp 139-288.

  29. Van Der Schelden. Opus cit., p 251.

  30. Frederick Smyth. Brethren in Chilvary 1791-1991. Lewis Masonic-London, 1991, p 21 & pp 89-91.

  31. PJ Van Loo & MJM de Haan. Tweehonderd jaar Hoofdkapittel der Hoge Graden 1803-2003. Éditions Hoofdkapittel,  's Gravenhage, 2003, p 24.

  32. André Hanou. Concordiat Vincit Animos. Namenlijsten (1755-ca 1825). Uitgevrij Astraea, 2011.

  33. PJ van Loo. Geschiedenis van het Hoofdkappittel der Hoge Graden in Nederland. Éditions Hoofdkappitel, 1953, p 29.

  34. Fernand Clement. Contribution à l’étude des Hauts Grades de la Franc-Maçonnerie et particulièrement du Rite Écossais Ancien et Accepté en Belgique. Édition du Suprême Conseil, 1937, pp 34-42.

  35. Par exemple, Steel-Maret. Archives secrètes de la Franc-maçonnerie, réédition Slatkine, p 108.

  36. Jean de Dorlodot. Le dernier prince de Gavre 1759-1832. Éditions Ceuterick, 1957, p 133.

  37. Voir aussi Steel-Maret, op cit, p 160 & 170.

  38. Lajos Abafi. Geschichte der Freimaurerei in Österreich-Ungarn (1881-84), tome I, p 304.

  39. Ladislas de Malczovitch. A sketch of the earlier history of Masonry in Austria and Hungary. AQC n°9, 1896.

  40. Lajos-Abafi, op.cit. tome II, p 56.

  41. Pierre Girard-Augry. Les hauts grades chevaleresques de la Stricte Observance templière du XVIIIe siècle. Dervy, 1995.

  42. Ladislas de Malczovitch. AQC n° 6 et AQC n° 7.

 

 

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Rédigé par Christophe de Brouwer

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