Le Suprême Conseil des 33e des États-Unis

Publié le 2 Mars 2018

 

Le Suprême Conseil des 33e des États-Unis (notamment sous le nom de 'Supreme Council of the Western Hemisphere' jusqu'en 1846), dont le siège se trouvait à New York, est probablement la Juridiction du REAA qui eut le vent en poupe aux États-Unis au début du XIXe siècle. C'est sans doute pour cela que cette Juridiction, dite de Cerneau, déclina la proposition de partage géographique entre nord et sud passant par Washington que lui proposa Dalcho et son Suprême Conseil de Charleston (Juridiction sud) en 1821 (cf Bernheim). L’affaire Morgan qui débute à partir de 1826 pour se terminer dans les années 1840 va redistribuer les cartes. Ensuite, cette Juridiction dite Cerneau s’unira en 1862, pour peu temps, avec la Juridiction nord dite Gourgas-Raymond pour donner le Suprême Conseil Hayes-Raymond. Sous les coups de boutoir d’Albert Pike (Juridiction sud), cette union éclatera en 1864, les deux juridictions reprenant leurs billes, mais le « siphonnage » des membres de la Juridiction-Cerneau fut manifestement de grande ampleur, laissant celle-ci dans une situation de quasi-faillite (on pourrait d'ailleurs proposer une hypothèse 'inverse', voir plus loin). Elle résista quelque temps encore dans la région de New-York, on trouve trace de son existence dans le début du XXe siècle, mais elle devient manifestement confidentielle et marginale. Existe-t-elle encore aujourd’hui ?

Cette Juridiction Cerneau subit un véritable autodafé, incroyablement réussi, de la part d’Albert Pike, de sorte que les historiens, qui se sont penchés sur l’histoire du REAA américain, oublient systématiquement d’en parler, ou, s’ils le font, ce sera d’une pichenette. Aujourd’hui, heureusement, petit-à-petit, les éléments de cette histoire oubliée refont surface. De ce point de vue, nous devons saluer les travaux d’Arturo de Hoyos et d’Alain Bernheim.

 

L'année suivante, Joseph Cerneau en sera membre (1801)

 

 

Le Suprême Conseil de l’Hémisphère ouest.

 

D’où vient ce Suprême Conseil des 33e des États-Unis ?

 

En très bref, Joseph Cerneau fait partie de la filiation du Rite de Perfection d’Étienne Morin. Il arriva à New-York en 1807, venant de Cuba. C’est un artisan joaillier, il est porteur du grade de « Député Grand Inspecteur » via (filiation) Antoine Mathieu-Dupotet, Germain Haquet et Pierre Le Barbier Duplessis (tous ont été membres de la "Réunion des Coeurs franco-américains", -Grande Loge de Pennsylvanie- de Port-Républicain à Saint-Domingue -fusion temporaire de deux loges après la révolte des esclaves de 1791-, voir le tableau de la loge 1799-1800, repris ci-dessus).

(La filiation se fait ensuite sur le général Augustine Prevost (habitant New York), puis Henri Francken: nous avons ici un premier lien avec l'État de New York puisque Prevost fut le grand secrétaire de la loge de perfection l'"Ineffable" d'Albany créé par Fancken en 1767.)

 

Note: Antoine Bideaud fut le VM de la "Réunion des Coeurs" à Jérémie, Saint-Domingue, en 1788. On le retrouve à Cuba où il va refonder cette loge avec Fourteau, sous l'égide du GODF, en 1806 (Fourteau s'était entre-temps affilié à la "Réunion des Coeurs franco-américains", comme le tableau ci-dessus le montre). En 1809, les français seront expulsés de Cuba et leurs loges fermeront (sauf celle de Cerneau). Il sera fait Député Grand Inspecteur par Grasse-Thilly et fera partie de son Suprême Conseil des Îles (d'Amérique). C'est lui qui fait JJJ Courgas (Juridiction nord), Député Inspecteur Général.

 

On retrouve Cerneau à nouveau à Cuba (il y était également la décennie précédente), notamment à Santiago de Cuba vers 1803 (année de l'évacuation de Port-Républicain) avec Mathieu-Dupotet devenu député Grand-Maître de la Grande Loge de Pennsylvanie, puis à La Havane. Il y crée une loge sous l'égide de la Grande Loge de Pennsylvanie en 1804. C'est d'ailleurs quasi la seule loge "française" qui va se maintenir à Cuba, "El Templo de las Virtudes Teologales". Son importance dans l'histoire du pays est très réelle. Il était considéré comme un "entusiasta y combativo hermano”. Le gouverneur de l'Île l'expulsa en 1807 à cause d' “un carácter revolucionario”. (voir par ex. Agnès Renault. D'une île rebelle à une île fidèle. Les français de Santiago de Cuba (1791-1825). Éditions PURH, 2012.)

 

Il arrive à New York en 1807 (où la Grande Loge Provinciale de Saint-Domingue - Grande Loge de Pennsylvanie- avait trouvé refuge en 1802), et ce n'est donc pas un terrain inconnu pour lui. Il retourne en France en 1827.

 

Note: Les liens avec la Grande Loge de Pennsylvanie sont anciens, puisqu'on trouve déjà Augustine Prevost et Pierre Le Barbier Duplessis, membres, et ce dernier bientôt secrétaire, de la loge de perfection (Lodge of Grand Elect, Perfect and Sublime Masons) de Philadelphie depuis 1785 (attachée à la loge n°2). Cinq ans plus tard, Duplessis sera le Grand secrétaire de la Grande Loge. (NS Barrat & JF Sachse. Freemasonry in Pennsylvania 1727-1907. Vol II, Philadelphia, 1909, p.97. / JF Sachse. Ancient Documents relating to the A. and A. Scottish Rite. Philadelphia, 1915, pp.31-2.)

 

 

Joseph Cerneau crée en 1807, avec Mulligan et Dewitt Clinton notamment, un Consistoire des Princes Royal Secret à New York City, qui s’upgrade en 1812 en Suprême Conseil des 33e. Dans les suites immédiates de cette modification, des relations maçonniques se réalisent avec le Grand Orient de France à travers Germain Haquet, ce qui est d’une grande logique. (D’ailleurs Cerneau et Haquet se connaissaient probablement fort bien, ayant été membres l’un et l’autre de « La Réunion des Cœurs franco-américains » de Port-Républicain ou Port-au-Prince.)

 

Après avoir absorbé la petite Juridiction du comte de Saint-Laurent en 1832 par un « Traité d’Union et d’Amalgation », cette juridiction trouve son apogée avec le «Traité d’Union, Alliance et Confédération » de 1832, entre les Suprêmes Conseils de France, celui du Brésil et, avec un petit retard, celui de Belgique. Il semble bien que le Comte de Saint-Laurent, également membre du Suprême Conseil de France soit l’instigateur de ceci.

Lafayette, membre des Suprêmes Conseils des États-Unis et de France fut investi représentant de la première auprès de la seconde.

Notons qu’un chapitre Rose-Croix, dénommé « La Fayette » avait été créé à New-York par Joseph Cerneau en 1824 : ce fut fait durant le quatrième séjour aux États-Unis de La Fayette, où celui-ci fut élevé avec son fils jusqu’au 32e grade par Elias Hicks, alors président du Consistoire de New York (qui succédera à Dewitt Clinton comme Grand Commandeur en 1828). La Fayette y sera fait 33e, à une date non déterminée, probablement par Dewitt Clinton, alors gouverneur de l’État de New York, ancien Grand Maître de la Grande Loge de New York et Grand Commandeur du Suprême Conseil à ce moment.

 

 

Les relations de cette Juridiction avec celle de Charleston sont complexes, allant d’une réelle entente entre les responsables à l’expression de la haine la plus brutale. On a l’exemple des déclarations dans la presse d’une méchanceté stupéfiante, condamnables judiciairement aujourd’hui, de De La Motta qui séjourna de 1813 à 1815 à New York pour y fonder un Suprême Conseil concurrent (« la Juridiction nord ») à celui de Cerneau. Pour autant que ce Suprême Conseil fut effectivement fondé dans ces années-là, ce sera sans suite immédiate, on en perd trace durant plusieurs années au départ de De La Motta.

Toujours est-il que si les relations sont franchement bonnes entre Frederick Dalcho, Lieutenant, puis Grand Commandeur de la Juridiction ‘sud’ , et Thomas W Bacot & John S Cogdell, président l'un après l'autre du Consistoire créé par la Juridiction de Cerneau à Charleston même, trouvant à travers cette amitié la force de réaliser l’unité des deux Grandes Loges (bleues) de Caroline du Sud en 1817 (TW Bacot deviendra le premier Grand Maître de la Grande Loge ‘unie’), il n’en est pas de même d’autres membres de ces Juridictions.

 

Je renvoie le lecteur intéressé vers les publications passionnantes d’Alain Bernheim, que je remercie ici, parues dans Heredom 18, 20, 21 (Joseph Cerneau, His Masonic Bodies, and His Grand Consistorys Minute Book - Part 1 / Joseph Cerneau, Part 2- The Charleston Grand Council of P.R.S. & the Supreme Council of the U.S.A. / Emanuel De La Motta in New York, 1813–1815: A Retrograde Chess Problem.)

 

Par l’étude minutieuse des Constitutions, Instituts, Statuts, Règlements généraux, Législation et Administration de 1762 (tels que repris dans le « Recueil des Actes du Suprême Conseil de France » de 1832) et de leurs éventuelles correspondances dans les textes de base utilisés dans les autres corps Juridictionnels (Charleston, NY-Cerneau), Alain Bernheim montre que la structuration du REAA n’est pas univoque mais procède probablement d’influences réciproques. Il me semble évident que ces éléments, mis à jour par Alain Bernheim et Arturo de Hoyos, feront l’objet d’études complémentaires, afin de mieux comprendre la naissance du Rite.

 

Je passe les événements complexes qui concernent à la fois la Juridiction nord et le Suprême Conseil des États-Unis entre 1846 et 1862. Gardons une ligne simple, même si celle-ci est, dans la réalité, pour le moins sinueuse !

 

 

 

 

 

 

Que devient le Suprême Conseil des 33e des États-Unis après 1864 ?

 

Depuis 1846, il ne s'appelle plus 'de l'hémisphère ouest', mais c'est un détail.

Son devenir est  l’objet du document repris en annexe.

 

Pendant longtemps, deux documents formèrent principalement ma connaissance de ce Suprême Conseil 'Cerneau' (d’autres sources existent bien sûr et, aujourd’hui, pour les débuts de cette Juridiction, les publications d’Alain Bernheim sont incontournables).

 

Tout d’abord le livre de Robert B Folger, « The Ancient and Accepted Scottish Rite in Thirty-Three Degrees », paru en 1862, de 786 pages et deux planches dépliables. Ce livre fut publié durant l’année de l’union entre le Suprême Conseil Cerneau-Hayes et la juridiction nord Courgas-Raymond, donnant la juridiction dite « Hayes-Raymond ».

Folger était un membre 'inconstant' du Suprême Conseil Cerneau-Hayes mais aussi de la Juridiction nord ! Cependant son livre est réellement intéressant par l’ampleur des documents qui y sont repris et par des observations souvent pertinentes, qui rejoignent pour quelques unes d’entre elles, l’analyse d’Alain Bernheim. Malheureusement ce qu’on trouve sur internet et/ou dans les reprints est largement incomplet ! C’est en accédant au livre original que l’ampleur du travail de Folger apparaît. Ce livre mériterait un ré-impression soigneuse.

 

Puis un petit fascicule de Francis Timothy Watson, « A History of the Ancient & Accepted Scottish Rite in the United States of America », 1905, de 33 pages, très modérément intéressant sinon qu’il indique l’existence du Suprême Conseil – Cerneau encore à cette date et la liste des Grands Commandeurs de la Juridiction Cerneau jusqu’en 1905.

 

Dernièrement j’ai eu accès à un petit document passionnant de 24 pages, datant de 1883 : « Address delivered on St-John’s day, 1883, by the Most Puissant Sovereign Grand Commander, William H. Peckham before the Supreme Grand Council of the Sovereign Grand Inspectors-General of the Ancient and Accepted Scottish Rite for the United States of America. », New-York City.

Vous trouverez le document complet en annexe. Il permet de remettre bien des choses en place, face à l'étonnante littérature sur le devenir du "cernauisme", tant en langue anglaise que française. Par beaucoup de côté, pour ma connaissance, ce document comble une partie manquante, même si celui-ci est partisan, amer, et ne raconte finalement qu’une face vécue à chaud : il faut le prendre comme un témoignage d’époque et de première main.

 

 

Et je vous propose de le parcourir, car il recèle quelques surprises !

 

 

*Sur l’auteur lui-même :

William H Peckham.

"William Henry Peckham, second son of Alva Gregory and Mary Ann (Stevens) Peckham, was born in Milton, Saratoga county, New York, April 25, 1846. When he was less than a year old his parents removed to Schenectady, where his entire life has been passed. He received a good education in the city schools, and began life as bookkeeper. In 1877 he was appointed teller of the Mohawk National Bank, continuing with that institution for about fifteen years. In 1891 he engaged in the lumber business as junior member of the firm of Van Vorst & Peckham. Two years later, 1893, he began trading as Peckham, Wolf & Company, whole sale and retail lumber dealers, of Schenectady with extensive yards, offices, etc., on Dock street. The firm conduct a very large business, and having a perfect equipment are enabled to handle the work with dispatch. Mr. Peckham has retired from active participation in the business, and is enjoying to the utmost the fruits of earlier endeavor. He has built a beautiful home in the city where he can usually be found. He is a director of the Mohawk National Bank. He is Republican in politics, but has declined all public office except membership on the school board, where he served several years. William H. Peckham married, in Albany, New York, Emma Lawson, born in that city, October 12, 1848." (Hudson-Mohawk Genealogical and Family memoirs: Peckham. Schenectady digital history archives.)

 

Il fut Vénérable Maître (Right Worshipful) de 1882 à 1883 de la vieille loge St-George n°6 de Schenectady dans l'État de New York, puis député Grand Maître pour le 12e district (celle de sa loge) de la Grande Loge de New York de 1891 à 1892.

 

Un correspondant de sa loge m'a transmis quelques informations complémentaires: il a été initié à l'âge de 22 ans, apparemment en 1867. Il fut "High Priest" du Chapitre St-George (Royal Arch) de 1878 à 1879, et "Commandeur" du Camp de St-George durant les années 1876-77 et 1887-88 (Knight Templar).

 

Il fut Grand Commandeur du Suprême Conseil (Cerneau) de 1880 à 1887 et de 1896 à 1897.

 

Ces quelques données montrent une réelle implantation maçonnique « loco-régionale », et donc une fiabilité de qualité sur les événements qu'il a vécu et/ou dont il est un témoin direct. Nous devons d'ailleurs souligner, et cela semble important pour notre regard d'aujourd'hui, que sa charge au sein du Suprême Conseil "Cerneau" ne semble pas porter préjudice à ses autres charges maçonniques.

 

Difficile donc de trouver mieux! Rappelons-nous l'adage: "in illo tempore non suspecto, et ensuite ... " .

En effet suite à la (pré)publication de ce petit travail, un excellent historien de la maçonnerie me demanda pourquoi croire plus Peckham que Homan (voir plus bas)? D'abord ils racontent la même histoire, selon des points de vue différents, c'est donc rassurant. D'autre part, bien sûr ils sont engagés dans leurs propres combats, en opposition, et de ce point de vue ils ne sont pas neutres. Sauf que Peckham est un témoin source qui est acteur des événements (c'est une source primaire), tandis que Homan ne l'est pas: il raconte, de son point de vue, une histoire qu'il n'a pas vécue, c'est une source secondaire, mais effectivement très proche de sources primaires. 

 

 

 

*Ce qui reste de membres du Suprême Conseil-Cerneau à New York est, selon Peckham, d’environ 800 adhérents, ce qui représente plus ou moins 1 % des effectifs de la Grande Loge de New York de cette époque (80 623 membres en 1893, ce qui en faisait la Grande Loge de loin la plus importante des États-Unis. D'après JT McClenachan. History of Freemasonry in New York. Tome IV, 1894, p586-7.) Il décrit d'autres corps maçonniques liés au Suprême Conseil. Après avoir connu une implantation remarquable aux États-Unis et spécialement dans la région de et autour de New York, il ne reste manifestement plus grand-chose. Mais ce n’est pas rien, cela reste un noyau centré sur New York qui peut survivre.

Il faut remarquer ici que la Grande Loge de New York a toujours été une des plus libérales des États-Unis et ouverte sur le monde (sa situation géographique la pousse dans cette direction). Elle va d’ailleurs collaborer activement au BIRM et sera une des Grandes Loges fondatrice de l’AMI.

 

 

*C’est bien l’union de 1862 à 1864 qui fut fatal à ce Suprême Conseil. Et sa désagrégation semble effectivement l’oeuvre d’Albert Pike. La raison est peut-être à trouver dans la scission de la juridiction nord en 1860, avec l'apparition du Suprême Conseil Van Rensselaer, à côté de celui de Raymond, scission qui se résorbera en 1867 sous la présidence de JH Drummond (voir p.ex. William Homan, membre du SC de la Juridiction nord. The Scottish Rite, 1905, pp 45-64; ou du même auteur le pamphlet repris ci-dessous).

 

 

*Harry J Seymour en fut le Grand Commandeur de 1870 à 1880 (c’est le prédécesseur de Peckham dans cette charge). Il est probablement très central dans l’infléchissement de la nature de ce Suprême Conseil. L’opuscule en fait largement mention, notamment ses démêlées avec la Juridiction nord. Cet homme va être important pour la maçonnerie européenne. Il est féru des Rites égyptiens (Memphis-Misraim). Marconis de Negre avait implanté le rite de Memphis en 1856 à New York où celui-ci va prospérer. Seymour, qui connaît Marconis, devient le président du Souverain Grand Conseil des 94e en 1861. Un an plus tard, Seymour se rend à Paris où il est investi 96e. Cette même année, le Souverain Sanctuaire américain est institué avec patente du Grand Orient de France. Seymour l’installe officiellement à New York en 1863. En 1872, Seymour délivre à John Yarker, personnage en marge, mais important de la maçonnerie anglaise, membre de la loge de recherche Ars Quatuor Coronatorum, une patente pour l’érection d’un Souverain Sanctuaire pour l’Angleterre et l’Irlande. Il lui délivrerait également à cette occasion une charte du REAA (Caillet, p 126), et c’est probablement ainsi que le REAA, dit de « Cerneau », apparaît en Europe et se retrouvera au sein de la « Fédération internationale des Rites unis » ou « Suprême Conseil Général des Rites unis » de Teder, Papus et Reuss. Nous sommes en 1908. (cf Serge Caillet. La Franc-maçonnerie égyptienne de Memphis-Misraïm. Dervy, 2003.)

 

 

*À la 4e de couverture du livret, nous trouvons l’annonce de la publication prochaine des « Lives and Acts » des Grands Commandeurs du Rite par Charles Sotheran.

Anglais, Sotheran fut initié à la Grande Loge Unie d’Angleterre. Il émigrera aux États-Unis en 1875. Il pratiqua également les Rites égyptiens. Voilà un personnage singulier qui fait partie du Suprême Conseil. En effet, il sera un des premiers membres de la Société théosophique lors de sa fondation en 1875 à New York, fondée notamment par la célèbre Helena Petrovna Blavatski. Ce qui nous donne le lien avec Annie Besant qui fut une théosophe convaincue. Elle rencontra d’ailleurs Blavatski qui l’impressionna. Cela nous permet de comprendre la facilité d’implantation de la première loge du Droit Humain à Londres, puis plusieurs loges aux États-Unis (à un moment donné, la fédération américaine fut plus importante que la française!), en Australie, etc. Le terrain était manifestement déblayé.

 

 

D’autres surprises se trouvent également repris dans ce petit livret, comme le fait de relations avec le Suprême Conseil de France qui seraient toujours existantes (mais est-ce celui du Grand Orient, ou le SC écossais?), ou la fondation d’un Suprême Conseil du Canada (et il est vrai que la première implantation du REAA au Canada vient du Suprême Conseil dit Cerneau), ou concernant l'imbroglio "Folger-Thompson" (nouveau Suprême Conseil qui semble un mixte de mécontents à la fois de la Juridiction nord et de SC Cerneau et qui apparaîtrait au début des années 1880 -voir W Homan-), mais je vous les laisse découvrir !

 

Repris de JT McClenachan. History of Freemasonry in New York. Tome IV, 1894, p62.

 

Liste des Souverains Grands Commandeurs

(Sur base des livrets de Peckham, puis de Watson qui confirme en tout point le classement de Peckham jusqu'en 1883. Et si l'on suit les méandres du livre de Folger, il est en accord jusqu'en 1862, date de parution de son livre. )

Joseph Cerneau : 1807-1821

John W Mulligan : 1821-1823

Governor Dewitt Clinton : 1823-1825

Marquis de La Fayette : 1825

Governor Dewitt Clinton : 1825-1828

Elias Hicks : 1828-1844

John W Mulligan : 1844-1845

Henry C Atwood : 1845-1851

Jeremy L Cross : 1851-1852

Henri C Atwood : 1852-1860

Edmund B Hayes (ou Hays) : 1860-1870 (et entre 1862 et 1864 : il l’est de l’union des 2 Suprêmes Conseils.)

Harry J Seymour : 1870-1880

William H Peckham : 1880-1887

FJS Gorgas : 1887-1890

Wheeler Cable : 1890-1893

John Edelstein : 1893-1896

William H Peckham : 1896-1897

Andrew J Provost : 1897-1898

Simon B Frey : 1898-1899

John H Steffner : 1899-1901

Max Scheuer : 1901-1904

Andrew J Provost : 1904 - … Ensuite je ne sais pas.

(Notons que l'interdiction d'appartenir à un corps maçonnique de Hauts-Grades de type "Cerneau" semble s'étendre aux États-Unis à partir de 1906-1907. En tout cas c'est le cas pour la Grande Loge de Pennsylvanie, et l'affaire apparaît entendue dès la fin de la première guerre.)

 

Plaquette éditée en 1907 par la Juridiction nord (William Homan), se voulant une condamnation définitive du "Cernauisme". De la page 56 à 62, on y trouve un petit historique des événements des années 1860, qui recoupe assez bien l' 'Address' de Peckham.

On peut trouver le texte de ce pamphlet ici!

 

Conclusions

 

Le Suprême Conseil de l’Hémisphère ouest connut son heure de gloire avant l’affaire Morgan. Il dominait vraisemblablement le REAA aux États-Unis à cette époque et l’autodafé sur cette Juridiction, imposé par Albert Pike, nous a fait perdre de la connaissance des premiers âges du REAA.

 

Après le shutdown de la Franc-Maçonnerie américaine durant une vingtaine d'année à partir de 1826, lié à l’affaire Morgan, les cartes furent redistribuées. Ce Suprême Conseil, fort bien implanté dans le nord des États-Unis et surtout la région de New York, n’est plus aussi dominant. Tant et si bien qu’une union des deux Suprêmes Conseils, entre la Juridiction nord et celle dite de Cerneau, est réalisée en 1862, sous le chapeau du Grand Commandeur Hayes.

 

Albert Pike sera l’artisan de la destruction, tant de l’union (1864) que de ce qui restait ensuite du Suprême Conseil Cerneau, selon le point de vue de Pekham. En effet, un point de vue différent pourrait être également suivi: la Juridiction nord actuelle serait la somme de 3 juridictions: celle de Hayes-Cerneau, celle de Raymond et celle de Van Rensselaere, le reste étant des épiphénomènes transitoires. Mais alors pourquoi une telle rage d'annihilation sur ce qui restait du Suprême Conseil Cerneau et Joseph Cerneau lui-même, dont la filiation sur Morin est tout aussi intéressante que celle de John Mitchell et Frederick Dalcho?

 

C’est un peu comme la Grande Loge Symbolique Écossaise qui, après avoir été laminée durant les années 1894-1900, se transforma en une obédience marginale, d’un caractère différent, mais importante dans les suites maçonniques, puisque c’est là que se trouva une impulsion majeure pour une maçonnerie mixte et féminine.

 

Manifestement, de la même manière, ce qui restait du Suprême Conseil dit ‘Cerneau’ va également se transformer, se marginaliser, (peut-être se fractionner avec une branche Folger-Thompson ?), et entrer dans une configuration beaucoup plus ‘spiritualiste’, ce qu’est très peu la maçonnerie américaine. Et Harry J Seymour en est un maçon très central et très explicatif. Son importance pour ces maçonneries périphériques (ce qu’on appelle parfois la fringe masonry) est également majeur.

 

Donc une histoire encore à faire, que l'on redécouvre aujourd'hui avec étonnement, et qui marqua certainement l'évolution de la maçonnerie que nous voudrions universelle?

 

 

Rédigé par Christophe de Brouwer

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