Le Parc de Bruxelles, un espace maçonnique ?

Publié le 15 Août 2018

Introduction

 

La gouvernance de Charles-Alexandre de Lorraine dans les Pays-Bas autrichiens (1741-1780), fut une époque heureuse de redéploiement économique après les ruines sans fin du siècle précédent, de réelles réformes des Institutions, d’un retour aux arts et à l’esprit bien dans le siècle des Lumières. C'est le début de l'industrialisation, les populations sont en augmentation.

L’aménagement, assez radical faut-il le souligner, de la place royale et du parc de Bruxelles, réalisé dans la négociation et l’accord des parties prenantes, était en quelque sorte le point culminant de cette époque à Bruxelles.

Ensuite, en moins de 9 ans, le réformisme incessant, pusillanime, bureaucratique et autoritaire de Joseph II, le 'sacristain', mettra les populations en rage. Ce qui est en cause, ce n'est pas tant le fond, mais la manière : on lui doit par exemple l'Édit de Tolérance religieuse, en 1781, auquel sa mère s'opposait vigoureusement, et qui est une avancée sociétale tout à fait majeure en cette fin de siècle des Lumières.

Ses sujets des Pays-Bas méridionaux furent dans une telle colère que la révolte éclata. De même l'esprit de révolte grondait en Hongrie. Après une première alerte très sérieuse en 1787, ce fut la révolution brabançonne de 1789, réactionnaire et ultramontaine dans sa composante principale, qui chassa pour un temps les régiments (belgo)-autrichiens, dont les natifs désertèrent en masse pour rejoindre les insurgés. Piteux, ils durent se retirer dans la citadelle de Luxembourg, et la maison d’Habsbourg fut autant honnie qu’elle avait été aimée durant le règne de Marie-Thérèse. Le lien dynastique apparaissait comme rompu et le pays semblait être retombé dans ses travers les plus archaïques et avoir perdu l'acquis social et sociétal de la période de Charles-Alexandre de Lorraine. Puis les Français arriveront avec leurs lots de misères et de pillages, du moins dans les premiers temps. Ensuite, ils réformeront en profondeur le pays qui put reprendre sa marche en avant.

 

Google-map

 

 

Alors faisons le détour ! Gagnons notre salaire !

 

Pour situer mieux notre propos concernant cet ensemble architectural, tournons-nous vers le très modeste et très récent « Jardin Jean Chalon » de Namur (voir la vidéo!), dédié aux symboles :

Celles et ceux qui s’y promènent, l’esprit ouvert, sans a priori, trouveront de quoi satisfaire leur plaisir et leur esprit. Par contre vouloir y chercher absolument la main cachée de la maçonnerie, ceux-là en seront pour leur frais.

Il en va de même pour le parc de Bruxelles. Prendre son plaisir dans un très beau parc, semé de symboles, ravira chacun. Y chercher absolument une expression maçonnique, c’est se tromper et surtout se détourner de l’essentiel. Simplement, le but même de ce très beau parc public, car il fut conçu pour le public et non pour les princes, est de se trouver dans « un endroit où l’on se sent bien », comme le souligne la commentatrice du jardin Chalon.

 

 

La Cour brûlée

 

 

Table de matière

 

Introduction

 

La Cour brulée

 

La Quartier royal

 

Parcourons l'axe principal, l'allée biaise

 

Charles-Alexandre de Lorraine et Georges-Adam de Starhemberg

 

Conclusion

 

Références

 

 

 

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La Cour brûlée

 

Comprendre le « Parc de Bruxelles » nécessite de comprendre le « Quartier Royal » qui remplaça la « Cour brûlée », le palais du Coudenberg, tel un phénix qui renaît de ses cendres (pour reprendre l’image de Joël Goffin).

 

Au début du XVIIIe siècle, nous devons inverser le flux de vie de ce quartier. Il allait non seulement des quartiers du bas de la ville (la Grand-Place) vers le haut, le Coudenberg (le mont froid), mais aussi des quartiers populaires qui, à l’époque, faisait face au palais des ducs de Brabant, puis de Bourgogne, ou ensuite de Charles Quint : le palais du Coudenberg, qui fut constamment agrandi et enrichi. Aujourd’hui le nouveau palais royal leur tourne le dos. Ces quartiers populaires existent encore largement, bien que la construction du palais de justice en a fait disparaître les espaces les plus proches. Il en reste cependant une bonne partie avec la rue Blaes et la rue Haute, l’Église de la Chapelle, l’hôpital Saint-Pierre, le quartier des Marolles, la rue des Minimes, la place du Jeu de balles (l'actuel marché aux puces), etc. qui se situent aujourd’hui derrière le Palais royal.

 

Là où se situe le Parc, auparavant s’y trouvaient, débutant par un vallon, les jardins privés et la warande intra-muros (une réserve d’animaux locaux et exotiques) du palais du Coudenberg. Ce palais occupait à l’époque grosso-modo l’espace où se situe une petite partie de l’arrière de l’actuel Palais Royal, l’hôtel Belle-Vue, l’hôtel de Grimbergen (son vis-à-vis) et une partie de la place Royale.

 

 

Comme on peut le voir sur le dessin, l’entrée de ce palais, la « tour de l’horloge », se situait à peu près au centre de la place, un peu en dessous de la statue de Godefroid de Bouillon. La place des Bailles, qui était cette esplanade publique grouillant de monde, au parvis du palais, occupait la moitié supérieure de la place actuelle (par rapport à l’image). On voit une rue monter en biais à partir du coin supérieur gauche, c’est l’étroite rue de Namur qui va jusqu’à la porte de Namur toute proche. Si l’on se projette à droite de l’image, en contrebas, se trouve la grand-place de Bruxelles, dans la perspective face à la nouvelle Église de Saint-Jacques (c’est délibéré).

 

Si l'on prend l'axe longitudinal de la nouvelle place royale, il est grosso-modo perpendiculaire à l'ancien palais du Coudenberg. Et sa sortie, qui se prolonge par l'allée biaise du parc jusqu'au bassin circulaire, est la vue de face que l'on aurait eu des fenêtres de la Cour brulée sur les jardins et la warande.

 

Ces deux dessins sont pris à peu près avec le même angle de vue. Dans le dos de l'observateur se trouve la perspective vers l'hôtel de Ville en contre-bas.

 

 

 

 

 

Que s’était-il passé ?

 

Le 3 février 1731 au soir, un incendie ravage le palais du Coudenberg. Il n’en restait rien, sinon la Chapelle qui évitât les flammes, les murs de l’Aula Magna (une sorte de salle du trône), ainsi que ceux de la tour de l’horloge où se situait l’entrée. Tout le reste n’était que gravats fumants.

 

Le Palais du Coudenberg, peint à partir des jardins. À droite, la chapelle palatine. Derrière celle-ci, on devine les hauts murs de l’Aula Magna. Au centre, se trouve la rampe d’accès au Palais à partir des jardins, le dessus de la rampe est de niveau avec la cour intérieure. Le jardin, puis le début de la warande sont, en effet, dans un vallon.

 

 

La Cour se déplaça alors dans l’hôtel de Nassau (l’histoire nous réserve des surprises), tout proche (le musée d’art moderne se trouve dans la cour de ce palais, en profondeur), qui se situe en haut à droite, juste hors du plan, repris ci-dessus.

 

La Gouvernante de l’époque, l’archiduchesse Marie-Elisabeth, sœur de l’Empereur Charles VI, fut sauvée in extremis par un serviteur qui la porta à travers les flammes hors de danger. Il n’en sera pas remercié, car il avait osé toucher une princesse impériale ! (Vrai, faux, les légendes commencent !!!). Celle-ci voulut reconstruire la Cour, sur instruction de son frère, car Bruxelles était considéré comme une capitale impériale et en tant que telle devait avoir une Cour (donc des bâtiments à la mesure des souverains).

 

Elle va mettre en place un montage financier mettant à contribution le clergé et la noblesse, dans ce pays très compliqué, décentralisé, aux pouvoirs multiples en équilibre, et surtout en train de se relever péniblement après un siècle de ravage, destruction, pillage, famine, apporté notamment par les guerres de Louis XIV qui ne sont pas très loin. Le plan était beau et restera dans les cartons, l’argent faisait défaut.

 

Elle décède en 1741, et est remplacée par le duc Charles-Alexandre de Lorraine, frère de l’empereur Fançois 1er et époux de la sœur, Marie-Anne, de l’Impératrice-Reine Marie-Thérèse (donc doublement son beau-frère), qui règne sur les Pays-Bas autrichiens en tant que possession personnelle et héréditaire des Habsbourg, lesquels États gardent jalousement leurs propres Institutions et privilèges. Celui-ci, à son tour et à plusieurs reprises, va également tenter de résoudre le problème posé par ce chancre qui grevait la Ville (voir Smolar-Meynart & Vanrie).

 

La « Cour brûlée », un champ de ruine, les jardins dont la warante, en friche, la chapelle sauvée qui se dégrade, 45 ans passent.

(Un beau descriptif, très vivant de ce que devait être la ‘Cour’ de Charles Quint se trouve dans le livre de Jacques van Wijnendaele : Promenades insolites, p 33 et suivantes.)

 

 

Tout cela se situe à un jet de pierre de la nouvelle Cour, bien étriquée, qui occupe le palais de Nassau, réaménagé, agrandi et petit-à-petit reconstruit dans le goût du jour, le style néoclassique que l’on aimait à cette époque, par les architectes de la Cour, Faulte, puis, à son décès en 1766, son élève Dewez. Il existe toujours, mais très partiellement. Les larges démontages de Joseph II suite au décès de son oncle, les pillages français et les démolitions des XIX et XXe siècles, font qu’il n’en reste plus beaucoup : la façade de la partie dite du 'palais d'été', son escalier d'honneur, l'étoile des marbres du 1er étage, quelques salons et surtout la très belle chapelle construite par Charles-Alexandre, aujourd'hui Église protestante de Bruxelles.

 

Détail de la façade.

 

 

La chapelle de Charles-Alexandre de Lorraine (début des travaux 1760)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les croix de Lorraine ont été préservées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Il fallait mettre fin au chancre que constituait la Cour brûlée. Encore devait-on trouver les financements.

Dans ce pays décentralisé, où l’Autorité doit toujours composer, mais où le Gouverneur, Charles-Alexandre, est apprécié, il gouverne au nom de la souveraine qui est aimée (essentiellement grâce à lui), les choses pourront finalement se nouer en 1774.

 

Faience, ca 1777, exécutée d'après la sculpture en bronze de Charles de Lorraine réalisée par Verschaffelt, érigée en janvier 1775 sur la place royale de Bruxelles. Attribué à Paul-Louis Cyffle, un artiste de Luneville, né à Bruges.

 

 

La fonction de Ministre plénipotentiaire était de seconder le gouverneur général, de diriger l’administration au nom du gouverneur et de remplacer celui-ci en cas d’absence. Cette fonction apparaît avec le régime autrichien en 1716. Il est nommé par l’Empereur en accord avec le gouverneur qui est toujours de sa famille. L’Impératrice-Reine nomme Georges-Adam, comte puis prince de Starhemberg, comme ministre auprès et sous les ordres de Charles-Alexandre de Lorraine en 1770, au décès à Bruxelles de son prédécesseur, le comte Charles de  Cobenzl. Cependant, sous Marie-Thérèse, le ministre plénipotentiaire se transformera petit à petit en courroie de transmission du contrôle et des décisions de l’administration viennoise, ce qui ne veut pas dire que le couple gouverneur – ministre n’était pas capable de s’y opposer. De nombreux exemples peuvent en témoigner.

 

On sait, par le « journal secret » de Charles-Alexandre, du moins ce que l’on a retrouvé (ils se trouvent aux Archives Générales du Royaume), qu’il rencontrait chaque matin son ministre plénipotentiaire qui lui faisait rapport de son activité. Les deux s’entendaient fort bien et progressivement, l’âge aidant, la confiance mutuelle acquise, le premier s’était entièrement reposé sur le second pour la gestion courante, n’intervenant que dans les décisions importantes ou sur des détails qui lui tenaient à cœur.

 

Starhemberg s’entourait, dans la gestion des affaires, de hauts fonctionnaires à qui il confiait des tâches. C’était sa méthode. Il fit de même, dans sa tâche concernant le quartier royal, notamment avec Ange de Limpens, entré au Conseil des finances en 1773 (un des trois Conseils collatéraux). Celui-ci est considéré comme un joséphiste. L’architecte local désigné est Barnabé Guimard, il est d’origine française.

 

« L'architecte Guimard a donné les soins les plus suivis aux plans de la place Royale et du Parc de cette ville. Chacune des combinaisons que l'on a faites avant de se décider sur la moindre partie de ces deux vastes projets a été accompagnée de plans formés par Guimard en suite d'ordres du gouvernement, et quoique lorsqu’il s’est agi de grandes parties on ait fait contrôler les dessins à Paris, on a cependant suivi en dernière analyse les plans de Guimard avec quelques corrections ; son travail ne s’est pas réduit à un nombre infini de plans, mais à la surveillance sur leur exécution d’après les profils et modèles qu’il a livrés pour chaque partie.» (lettre de 1780 de Limpens à Starhemberg ; dans Duquenne, p 35.)

 

Difficile de dire qui fait quoi en termes de décision politique, mais il semble que, en accord avec Charles-Alexandre qui avait montré l'exemple avec son 'nouveau' palais, l’impulsion vienne conjointement de Marie-Thérèse elle-même et Starhemberg, la première chargeant le second de discuter avec les uns les autres et surtout avec la Ville de Bruxelles pour les financements, et d’avancer sur le projet. Un accord avec la Ville de Bruxelles, dont les besoins d’agrandissement devenaient pressant, est enfin conclu en 1775. Les travaux courront de 1776 à 1783.

 

Cet accord fut sans doute facilité par le fait que la Ville s’était lancée dans un projet similaire, la réalisation d’une place néoclassique, la place Saint-Michel (aujourd’hui la place des Martyrs), qui fut une réussite. En 1773, l’expropriation avait été réalisée, les travaux débutèrent en 1774, ils furent terminés en 1776. L’architecte désigné pour cette très belle œuvre, bien conservée (à voir) était Claude Fisco (1736-1825), ingénieur et contrôleur des travaux de la Ville, un franc-maçon membre de l’ « Heureuse Rencontre ». C’est le premier ensemble néoclassique de la Ville de Bruxelles. Il fut mandaté par la Ville pour contrôler les travaux de la place-parc, au nom de la-dite Ville (Des Marez, Place royale, p 74).

 

Cet accord prévoyait, en résumé (!), la cession des biens fonciers à la Ville de Bruxelles, à charge pour elle de financer les travaux au sol mais aussi d’en percevoir le revenus. Le produit de la vente des terrains devait servir pour deux tiers aux travaux, le dernier tiers revenant à la Ville. L’accord semblait équilibré. Une partie de la warande était réservée à des lotissements, ce qui garantissait partiellement son financement. Le Parc sera public et couvre une petite 15aines d’hectare, soit un peu moins de la moitié de l’ensemble. Il est le premier du genre à Bruxelles. Quant aux lotissements, ils étaient à charge des particuliers selon un plan d’ordonnancement qu’ils devront respecter scrupuleusement.

 

Aussi bizarre que cela puisse paraître, cette impulsion faisait suite à la réalisation d’une statue en bronze (votée par les États du Brabant en 1769 fondue en 1774 et érigée en 1775), de Charles-Alexandre de Lorraine en « empereur romain », pour les 25 ans de son gouvernorat. Il en était véritable très heureux de cette marque d’attachement à sa personne. L’ayant reçue, où la placer ? En toute logique, elle devait trôner au centre de la place des Bailles, lieu du pouvoir des princes par excellence, c’est-à-dire quasi au milieu de ruines ! Ce n’était pas raisonnable, ni convenable en terme d’image !

 

Notons qu'il ne s'agit pas d'une statue équestre d'un conquérant ou d'un guerrier, avec une ou des armes, mais, selon le sculpteur Verschaffelt, "avoir cherché à représenter, en prêtant à son modèle une attitude qui 'convienne à un prince clément et doux qui aime son peuple.' " Nous sommes dans les Lumières de l'époque, celles d'un prince cherchant le bonheur des peuples. L'inscription sur le socle l'indique: "optimo principi, patriæ delicio". Il y a là une aspiration vers l'harmonie sociale qui se symbolise et se concrétise dans l'harmonie des choses, et de ce point de vue, le néo-classicisme en était l'expression la plus aboutie. Ce choix pour la place royale s'imposait donc.

Deuxième point focal, la reconstruction, plus ancienne, du palais de Charles de Lorraine selon ces mêmes critères (encore teinté de baroque) et son implantation qui s'inscrit effectivement dans l'ensemble place-parc, participe de cette même symbolique. Les travaux, qui deviennent plus vigoureux à partir de 1759, ne s'arrêteront qu'avec le décès de Charles-Alexandre en 1780. 

Dans cette recherche de l'harmonie sociale sous la direction éclairée d'un prince, les "percées" (perspectives) sont importantes, l'espace n'est plus fermée, mais ouvert. Le troisième point focal en est le parc, toujours selon les mêmes critères, et plus particulièrement le monument projeté (une obélisque surmontée de l'aigle impérial au milieu d'un bassin circulaire entouré de 8 sphinges), placé au centre des trois allées convergentes et de l'allée opposée. Ceci aurait dû permettre de placer le point d'orgue à la 'métaphore politique', mais ... Joseph II s'y opposa au décès de sa mère. (cf Brigitte D’Hainaut -Zveny)

 

Il fallut donc reconstruire autour de la statue.

« Je me suis fait un vrai plaisir de porter à la connaissance de Notre auguste Souveraine la résolution que les États du Brabant ont prise d’ériger une statue au Sérénissime Duc de Lorraine, Gouverneur Général des Pays-Bas. […] j’ai cru que l’emplacement le plus propre à cet effet étoit la place des bailles de la Cour, agrandie comme elle va l’être après la démolition des ruines du palais incendié que Sa Majesté veut bien faire abattre à cette occasion. Il conviendra que la ville de Bruxelles construise une belle place selon le plan que Sa Majesté a agréé ; cette place, devenant alors une place publique, démontrera à jamais d’une manière stable et permanente, et les marques de notre attachement envers le Sérénissime Gouverneur et de la bienfaisance de notre Gouvernement. » Lettre de Starhemberg aux États du Brabant du 11 septembre 1774, annonçant l’agrément de Vienne au projet. (Des Marez, Place Royale, p 103.)

 

La statue, dans "Discours sur l'inauguration de la statue de son altesse royale", 1774.

 

On fit appel à des architectes français, Vienne ne jurait que par eux. Après quelques tribulations, c’est un architecte encore peu connu mais bien soutenu par la Ville de Bruxelles, Barnabé Guimard, né en 1734 à Amboise, qui fut chargé de la mise en place locale, en collaboration avec l’architecte Jean-Benoît-Vincent Barré resté à Paris, sous la supervision de Starhemberg, avec une Impératrice-Reine qui est fort attentive et donne des instructions, et Ange de Limpens comme courroie de transmission. Nous y trouvons également le jardinier paysagiste autrichien Joachin Zinner.

 

L’œuvre est assez impressionnante par son ampleur, et cela au départ d’une statue ! Elle va transformer radicalement le visage du Coudenberg et du jardin privé. Tous les bâtiments qui composent la Place Royale ou qui bordent le nouveau Parc devront répondre à des normes néo-classiques minutieuses.

 

Même si le centre physique du projet, la place et la statue, reste le lieu par excellence symbolisant le pouvoir et la puissance des princes, et ce depuis sept siècles, l’idée complémentaire qui va parcourir le projet, n’était pas de reconstruire une Cour, elle reste sur le site « Nassau ». Il n’y aurait d’ailleurs pas eu d’accord avec la Ville de Bruxelles dans ce cas. Il s’agissait de construire un ensemble prestigieux, dans le goût du jour, qui longe le palais de Nassau, dont les façades seront réalisées selon des normes rigoureuses, qui va occuper la place des Bailles, les ruines du palais du Coudenberg, jusqu’au bout de la warande, et transformer ce grand espace, en espace ouvert au public et en lotissements.

 

« La création ex nihilo existe peu en histoire. La place Royale constitue l’illustration parfaite de la réutilisation d’un site, à des fins similaires, à des époques différentes, sous des formes tributaires des modes du temps. » (Smolar-Meynart, p 9).

 

Sur le plan de Zinner, les trois points focaux décrits par D'Hainaut-Zveny s'y trouvent (voir plus haut) : l'entrée du palais de Charles de Lorraine, en bas à droite; il est en angle droit avec l'allée biaise qui relie la place royale et le bassin circulaire du parc.

 

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Le Quartier Royal

 

La place des Bailles va être agrandie. Pour réaliser cela, on démolit en 1778 la chapelle palatine, on remblaie ce qui reste de l’Aula Magna, et d’ailleurs tout le palais de Coudenberg, ainsi que, en partie, le fort dénivelé du début de la warande qui est en vallon. Le tracé de la nouvelle « Place Royale » incorpore l’espace occupé par l’Aula Magna et les bâtiments bordant la tour de l’horloge, complètement nivelé et surélevé. (Les sous-sols subsistent et aujourd’hui, après déblaiement, on peut en visiter une partie.)

 

La warande est transformée en parc public, redessiné, partiellement nivelé. Ce dernier s’articule avec la nouvelle Place Royale, dont le centre est occupé par la statue de Charles-Alexandre de Lorraine, en empereur romain tenant un bâton qui indique, selon un tracé rectiligne (une des branches du compas) la vis du compas, qui, initialement devait être représenté par un obélisque :  « qu’on mit en avant le projet d’une vaste apothéose de Marie-Thérèse, destinée à trouver son expression dans un monument à édifier au centre du Parc. » (Des Marez, Place Royale, p 13)

 

Indéniablement, cette configuration est volontaire et elle est symbolique. C’est d’autant plus délibéré, que le plan initial était d’axer la place sur la rue royale, et que son axe fut ‘inclinée’ suite à l’intégration du parc dans le plan afin de réaliser la perspective biaise (sur une des branches du compas) (Des Marez, Place royale, p 9). N’oublions pas que cette statue est le prétexte initial de tout cet immense aménagement.

Cet axe place royale - allée biaise du parc vers le bassin circulaire est en réalité plus ou moins perpendiculaire à l'ancien palais du coudenberg. C'est la vue que l'on avait des fenêtres de ce palais!

 

Un des groupes cynégétiques du parc, de Godecharle: entrée "académie", la lionne au raisin.

 

Notons que l’axe de symétrie de la place royale est celle de cette droite qui relie nos deux points. En d’autres termes l’axe de symétrie de la place royale n’est pas orthogonal avec celui du parc.

 

Selon Duquenne (p 31-2), cette configuration respecte les contraintes locales de l’espace disponible et notamment un coude au niveau des remparts qui longe le domaine royal.


Il me semble, en tout cas c’est ma prémisse, que ce sont ces deux points et la droite qui les relient, qui donne à notre voyage symbolique sa plénitude, bien que la rotonde de marbre du palais de Charles de Lorraine en devrait être le début logique (voir plus loin).

Nous sommes dans une vision néo-classique et donc de symétrie. Cette droite n’était pas directrice, répartissant l’espace, pourtant le terrain concédé l’aurait sans doute permis : un choix avait été posé. Il ‘fallait’ donc ensuite dessiner une seconde droite symétrique à la première, selon les règles néo-classiques. L’angle formé entre les deux droites est de 45°. On aurait pu, en plaçant la vis plus ou moins vers le centre ou la périphérie du terrain rectangulaire concédé, ce qui aurait modifié l’angle. Mais non, c’est bien un angle de 45° qui ouvre le compas et c’est évidemment délibéré, nous restons dans un système orthogonal.

 

Notons que la vis est le seul élément courbe, un cercle d’ailleurs, de tout l’ensemble, si l'on excepte le demi-cercle qui forme l'entrée du palais de Charles-Alexandre.

Cercle dans un ensemble orthogonal, la fonction devient celle d’une quadrature du cercle.

 

Autour de ce compas, l’organisation du parc peut alors se réaliser, d’ailleurs de façon très simple.

 

Pouvait-on faire autrement, tout en maintenant un espace néo-classique. Certainement oui. Mais placer un compas géant, symbole partagé, au centre du parc devait faire consensus dans l’équipe, tant des franc-maçons présents, que des architectes, paysagistes, et autres férus d’ésotérisme, d’alchimie, etc., qui sont autant de connaissances largement partagées, sinon banales, dans les classes éduquées de cette époque.

 

Vandalisme ? Un des termes-Hermes de Delvaux (1696-1778) restant du bassin octogonal. Une certaine vérité quand même. Derrière, les bas-fonds devenus zone VIP strictement interdite, pour le festival de musique durant ces vacances. J'irai à nouveau lorsque ce sera praticable.

 

Ensuite le reste s’organise, logiquement. La perpendiculaire s’y trouve, à nouveau un symbole partagé, formant ainsi l’axe de symétrie longitudinal du parc, avec son bassin octogonal qui représente en quelque sorte le plomb, entouré de 8 termes-Hermes dont il en reste 6 (!).

 

Je ne vais pas entrer dans la symbolique touffue, souvent fantaisiste, de l'octogone, sinon retenir l'idée de médiation entre le cercle et le carré (la quadrature du cercle). C'est peut-être dans ce sens qu'il faut comprendre le choix du Directoire d'un sceau octogonal, par exemple pour son 'Bulletin des lois' (arrêté du 5 brumaire de l'an 5) : médiation entre la liberté et l'égalité, c'est-à-dire la justice. On est cependant dans le domaine des suppositions, car l'arrêté ne l'explique pas alors qu'il explique par ailleurs celui de l’ouroboros qu'il place également dans le sceau.

 

La perpendiculaire se prolonge dans une impasse, de plus elle avait été fermée à la sortie du parc par une simple clôture à lance, sans plus. Contrairement à d’autres exemples de « patte d’oie », cette allée centrale n’est pas plus large que les allées biaises, probablement parce que l’axe important est celui Obélisque – Statue.

 

(Certains, trouvant peut-être le terme ‘compas’ trop maçonnique, vont parler de patte d’oie ou de trident, cela ne dérange pas … George Renoy, un adversaire déclaré de toute interprétation maçonnique, ne parle que de compas !)

 

Pour les deux allées transversales partageant en trois parties inégales le parc, Van Wim suggère d’y voir une croix de Lorraine, sans être affirmatif, à la gloire du Gouverneur, le dernier duc de Lorraine (son frère François était décédé depuis quelques années, en 1765). Nous connaissons l’attachement de Charles-Alexandre, tout à fait constant, à son duché perdu. La superbe chapelle qu’il a fait construire sur le modèle de celle de Lunéville (cf « Le Batisseur – La Chapelle royale », vol I, Europalia), attenante à son palais, était (et est toujours) pavée de croix-de-lorraine. C’est, depuis, à la décision de Napoléon, devenu l’Église protestante de Bruxelles, très bien conservée (à visiter). Avec sa mère, la duchesse Elisabeth-Charlotte, il s’était toujours opposé aux Préliminaires de Vienne de 1735. Le processus intellectuel est le même, et dès lors pourquoi pas.

 

Saint Hilaire y voit, à travers le dessin des allées et de l’articulation avec le place royale, un ensemble d’outils maçonniques. Le processus intellectuel est toujours identique, et dès lors, là aussi, quoique très supputatif, pourquoi pas. Il est amusant de constater que ses dessins qui épousent les droites et intersections du parc, sont repris par différents guides touristiques en français, en anglais, … , tel que le « Secret Brussels ».

 

D’autres font remarquer que la surface du quadrilatère (le parc) représente un carré long, c’est-à-dire la même dimension qu’un tapis de loge.

 

Les chagrins avancent l’absence de l’équerre dans le dessin du parc ? Nous sommes dans un système orthogonal, celui-ci est donc omniprésent.

D’ailleurs le plan original prévoyait une équerre à partir du bassin octogonal, second dégagement du parc (proche de la Cour brûlée) après le bassin circulaire, dont les branches rejoindraient les entrées des allées biaises. Cette configuration ne fut pas exécutée car elle aurait demandé un surcroît de travaux lourds par le comblement des bas-fonds (le vallon) du parc (c'est mon explication). Seule la partie du tracé des allées biaises et de l’allée centrale fut comblé, notamment grâce aux remblais des murailles de Bruxelles, toutes proches, en pleine démolition.

 

Et puis, il s'y trouve de façon très évidente et relie l'ensemble: les deux extrémités de l'équerre sont l'entrée du palais de Charles-Alexandre et le bassin circulaire avec l' "obélisque" de Marie-Thérèse, l'angle est la place royale (voir le plan de Zinner plus haut). Notons que les deux éléments circulaires de tout cet ensemble sont précisément les deux extrémités de cette équerre. (En ce qui concerne le rayon de courbure, celui de l'entrée du palais apparaît être à peu près au tiers de celui du bassin circulaire du parc ?)

 

*En rouge, l'équerre depuis le palais de Charles de Lorraine jusqu'au bassin circulaire du parc.

*Les deux étoiles sur l'équerre marque l'emplacement de la statue de la place royale et le bassin circulaire.

*En bleu foncé, trait plein, la perspective de l'entrée de l'église St-Jacques sur Coudenberg (place royale) vers l'hôtel de ville et la grand-place.

*En bleu foncé, trait discontinu, l'axe de l'aile restante du palais de Charles de Lorraine vers le bassin circulaire du parc.

*L'ovale en trait rose, à la sortie de la place royale, marque grosso-modo l'emplacement de la Cour brûlée (l'ancien palais de Coudenberg).

*En vert foncé, les deux allées biaises du parc.

*En turquoise, d'une part l'axe longitudinal du parc qui débute du palais de la nation (en haut) vers le nouveau palais royal. Et perpendiculairement, une des deux allées transversales, celle qui passe par la statue Belliard et qui se prolonge jusqu'au pensionnat où se trouvaient les soeurs Brontë (aujourd'hui disparu), l'étoile de même couleur marque emplacement de l'ancienne Domus Isabella (le fait qu'elle se situe au croisement des deux lignes discontinues est très probablement lié au hasard).

*L'étoile violette foncée désigne les bas-fonds où se trouve la fontaine de Pierre le Grand et la statue de Marie-Madeleine.

*L'étoile violette claire situe l'actuel palais des Académies.

 

L'entrée du palais de Charles de Lorraine; à droite, la chapelle et sa statue.

 

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Un comblement des bas-fonds se réalisa en partie en 1904, lorsque le parc fut amputé d’une 30aines de mètres pour élargir la Place des palais lors de la reconstruction de la façade du Palais royal et d’agrandissement de celui-ci sur ordre de Leopold II. (La première version du nouveau Palais royal fut une construction exécutée par le roi Guillaume 1er d’Orange, en réunissant deux hôtels construits dans le dernier quart du XVIIIe siècle, dans la foulée de l’aménagement du parc.) Léopold II essaya même en 1907, en catimini, de gagner encore plus sur le parc. La Ville s’en aperçut, les travaux furent stoppés nets et l’architecte royal, Maquet, condamné en justice.

 

La construction du nouveau Palais royal par Guillaume Ier, fut en quelque sorte causée par le délabrement voulu du palais de Charles de Lorraine : depuis les déprédations de Joseph II, il n’y avait plus, au centre de Bruxelles, de bâtiment ‘royal’ qui pouvait accueillir dignement un prince régnant. Ceci fera d'ailleurs, petit à petit, le succès du château de Laeken (ou de Schonenberg), dans lequel l'architecte Montoyer s'investira. (Un franc-maçon, tout comme son commanditaire, le duc Charles-Casimir de Saxe-Teschen, qui remplaça, avec son épouse Christine, fille de l'Impératrice-Reine, Charles de Lorraine. Charles-Casimir, comme son illustre prédécesseur, s'était également proclamé protecteur de la franc-maçonnerie.)

 

L’apparition au XIXe siècle de ce nouveau palais royal, allait, en effet, modifier considérablement la symbolique biaise de l’ensemble, en mettant l’accent cette fois sur l’axe central du parc, reliant les nouveaux lieux de pouvoir : le parlement et le roi. La tête du compas se trouve au niveau du législatif qui contrôle, par son ouverture, l’exécutif, symbolisé par le palais royal. Cette très belle configuration, inversée par rapport aux exemples d’autres pattes d’oie (Versailles, Saint-Pétersbourg, etc.), ne doit cependant pas nous faire oublier ce qui a présidé à la construction de l’ensemble, la statue de Charles-Alexandre.

 

Il ne reste plus grand-chose des bas-fonds, mais sur le nouveau mur de soutènement construit par Maquet, on peut y voir, en belles lettres dorées de fer forgé, la formule L.O.I.R.T.I.V. - V.I.T.R.I.O.L. Elles y sont depuis 1991, suite à une exposition d’oeuvres d’art : « Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem », voilà une formule qui s’applique parfaitement à notre quête !

 

 

 

Amusant et triste également, car dans les bas-fonds oubliés, cette fois du côté du palais des académies (de l’autre côté par rapport à la place royale !), pour celles et ceux qui ont le sourire face aux dégradations-dépotoires, ils pourront y voir deux choses. D’une part, dans une vilaine petite grotte, une Marie-Madeleine couchée, 'maquillée' ..., superbe sculpture de Duquesnoy l’ancien (XVIe-XVIIe siècles), celui qui sculpta le manneken-pis, au milieu de quelques détritus (la famille Duquesnoy est célèbre dans l'univers de la sculpture: le père et ses deux fils Jérôme et François: on peut admirer une sculpture de ce dernier dans la basilique Saint-Pierre à Rome, une des quatre statues du maître autel, Saint-André). C’est le plus ancien vestige du Jardin de la Cour brûlée que l’on peut trouver dans le parc de Bruxelles (heureusement l’original est aujourd’hui conservé dans les musées).

 

D’autre part, on peut trouver, dans le même coin, un petit bassin lépreux rectangulaire, portant une incription latine : « Insidens margini hujus fontis aquas illius nobilitavit / libato vino hora post meridiem tertia / Die 16 Aprilis Anni 1717 / Petitus Alexiovitz Czar Magnus Moscoviae Dux » (Pierre Alexandre Tsar Grand-Duc de Moscovie, assis au bord de cette fontaine, en a ennobli l’eau par le vin qu’il avait bu à la troisième heure de l’après-midi, le 16 avril de l’an 1717). Inutile de plus d’explications quant à la vie studieuse que mena ce grand prince lors de son passage à Bruxelles en 1717 (Dubreucq, tome 7, p 278). Une statue y a été, depuis, érigé en son honneur, en 1854.

 

Le plus étonnant est peut-être que l’on ait abandonné ces vestiges de l’ancien jardin, là, dans ces lieux de perdition par excellence !

 

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Dès lors, pour celles et ceux qui veulent voir un ensemble symbolique, ou même ésotérique, dans l’articulation palais-place-parc, qu’elles et ils le fassent sans hésiter, car le caractère symbolique, inscrit dans un ensemble orthogonal, un peu comme les règles de la quadrature des compagnons*, préside manifestement à la réalisation de cet ensemble. Cela en fait d’ailleurs son originalité, outre son ampleur, par rapport à d’autres ensembles néoclassiques que l’on peut par exemple trouver à Nancy, Saint-Petersbourg, Washington, Paris, etc.

 

*F Rhiza. Études sur les marques de tailleurs de pierre. Éditions Vega, 1993, réédité en 2010.

 

... pris ce jour. L'allée biaise est coupée pour un festival de musique! Vacances obligent. Ce que je voulais faire est une perspective depuis le bassin circulaire, via l'allée biaise, jusqu'au palais de Justice (que l'on entr'apperçoit au fond), en passant par la place royale. La photo est 'skive' à la mesure de ma mauvaise humeur. J'irai à nouveau, hors festival !!! A gauche (derrière la statue), on devine le groupe de dos, dans les feuillages, de la navigation et du commerce.

 

 

 

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Parcourons l’axe principal : l’allée biaise !

 

 

Commençons par le palais de Charles de Lorraine.

Son entrée semi-circulaire se trouve en perspective à angle droit par rapport à l'allée biaise place-parc (axe principal), à partir du 'haut' de la place royale, parallèle (à gauche) à la perspective vers l'hôtel de ville (voir le schéma ci-dessus).

Dans la mesure où le palais précède la place et le parc, c'est bien la place qui fut construite ainsi : cela respectait l'aspect orthogonal de l'ensemble dans une démarche qui incluait le palais à cet ensemble.

 

L'axe propre de cette aile du bâtiment originel -c'est d'ailleurs tout ce qui reste- n'est pas strictement parallèle à celui de la place royale et pointe également vers le bassin circulaire du parc. Nous en avons déjà décrit certains aspects.

 

Malheureusement le bâtiment est aujourd'hui fermé, depuis des années, après avoir bénéficié d'une excellente restauration pour Europalia Österreich 1987, et servit ensuite d'écrin pour un musée permanent portant sur le XVIIIe siècle. C'est un peu incompréhensible.

 

Pris de la place royale. Dans le fond, l'entrée, en demi-cercle, du palais de Charles de Lorraine, exactement dans la perspective.

 

Les bâtiments de part et d'autre de la façade du palais de Charles de Lorraine sont postérieurs. A droite, le début de la chapelle.

 

C'est le lieu où le pouvoir, à la fois symbolique et effectif, s'exprimait à cette époque pour les Pays-Bas autrichiens.

 

On retrouvera, dans ce reste de palais, au 1er étage, une étonnante rotonde dont le sol est « une étoile des marbres », dont les 28 rayons sont composés d'échantillons de différentes qualités du pays, prolongée par un damier en cercle de plus en plus large, une véritable prouesse technique. En toute logique, c'est là que notre parcours prend sa source(Photo tirée de "Le XVIIIe siècle dans le palais de Charles de Lorraine".)

 

Le chiffre 28 est un nombre parfait (parce que la somme de ses diviseurs entiers retrouve celui-ci; Euclide). Son interprétation semble, sur le plan cabalistique, intéressante : "au commencement", "force", ... Mais je ne suis pas assez compétent dans cette science pour m'y aventurer.

 

En tout cas, nous pouvons suivre Hans Urbanski (Vienne) dans sa remarque: "Et au sommet des branches, on voit, incrustés dans le dallage, les noms de chaque marbre employé. Inimaginable dans le dallage de Versailles ou d'un hôtel de renaissance italien. Mais l'idée du prince Charles était que son luxe devait servir à autre chose, c'est-à-dire à l'industrie du pays et à l'instruction du visiteur." (dans Habsbourg et la Lorraine, p107.)

 

Charles de Lorraine était, entre autre chose, un passionné de gemmologie, tout comme son frère aîné l'empereur François 1er avec qui il partageait nombre de ses passions. Sa collection de 5300 échantillons fut dispersée, celle de son frère peut être admirée dans le beau musée ad-hoc au centre de Vienne, enrichie d'une partie des pièces de Bruxelles.

 

C’était un collectionneur dans l’âme. Malheureusement ses collections furent brutalement dispersés à sa mort par son neveu et légataire, Joseph II, qui n’appréciait apparemment pas cette sorte de générosité vers les belles choses. Ce dernier va ainsi, dans une sorte de rage vengeresse, disperser rapidement tout l’héritage foncier de l’oncle, jusqu’à faire enlever des murs du palais de Nassau que l’oncle avait acquis sur ses deniers et profondément remanié/reconstruit, lambris, décoration, marbres, … jusqu'aux plantations du 'jardin' devant le palais qui prirent le chemin de Vienne, on les remplaçât par un pavement !  Et par exemple, les très majestueux tableaux en marqueterie de la salle d’audience furent démontés et également envoyés à Vienne. Ils peuvent être admirés aujourd’hui à l’Österreiches Museum für angewandte Kunst (cf Le XVIIIe siècle dans le palais de Charles de Lorraine, p 34)

 

Bien sûr, il fallait éponger les dettes de l’oncle, mais d’un autre côté, les immenses prêts des Pays-Bas à l’Empire pour sa guerre de 7 ans, qui l’avait quasi ruiné, finalement, après montage et maquillage des comptes, en accord avec Charles de Lorraine, ne furent pas remboursés. Et que dire des régiments belgo-autrichiens, glorieux certes, mais qui furent décimés durant cette guerre.

 

 

Escalier d'honneur du palais de Charles de Lorraine

 

 

Ce palais aurait encore dû servir à son successeur, ce qui n’était plus raisonnablement possible : il y avait probablement aussi une intention politique derrière cette humiliation de la représentation des lieux de pouvoir des Pays-Bas autrichiens, dans sa volonté de centralisation et d’assimilation forcenée de ce coin perdu de l’empire dans celui-ci. Or, Charles-Alexandre apparaissait l'obstacle à toute réforme radicale dans ce sens depuis l'affaire du 'sel' (1764-6), où il s'était opposé frontalement et brutalement, non seulement au ministre plénipotentiaire Cobenzl, mais aussi au chancelier Kaunitz et à l'Impératrice-Reine, qui aimait par ailleurs son beau-frère (Galand, pp 139-42). Ces derniers durent reculer, d'autant que l'affaire coïncidait avec le décès de l'empereur François 1er (1765).

 

Lui disparu, on crut l'obstacle levé (l'avenir montra que c'était Charles-Alexandre qui avait raison.) D’ailleurs, Joseph II critiquait ouvertement le nouvel ensemble Place-Palais, alors que sa mère, l’Impératrice-Reine, en était si fière, menaçant de tout raser lors des insurrections. « Quant à l’arrangement du Parc et de la nouvelle Place, le contre-sens et le mauvais goût y règnent, joints aux grands frais que cela a occasionnés, ne méritent aucune considération » (Des Marez, Place Royale, pp 87-9).

 

C'est d'ailleurs assez paradoxal puisque c'est lui, comme co-régent, qui fut à l'origine de la décision d'ouvrir le Prater, alors terrain de chasse des princes, au public viennois en 1766. Il récidiva, toujours à Vienne en 1774, avec le parc du château d'Augarten, puis dans les faubourgs de la ville, avec les parcs des châteaux de Schönbrunn et de Laxenbourg en 1779.

 

Qu'entend-il par contre-sens? Est-ce l'orientation du compas qu'il aurait voulu dans l'autre sens, l'équerre formée par les trois points focaux (entrée du palais, place et bassin circulaire), ou plus généralement le sens du pouvoir qui commandait la centralisation sur Vienne et la fin du particularisme bourguignon des Pays-Bas autrichiens que cet ensemble aurait pu symboliser ?

 


Et ce qui ne fut pas enlevé et possédait quelques valeurs, le fut ensuite par les commissaires de la République française (Claudine Lemaire, Histoire du palais ..., p 14), comme la rampe en bronze doré représentant les 12 travaux d’Hercule de l’escalier d'honneur (ils ne furent reforgés qu’en 1881), ainsi que les marbres qui en formaient les marches.

 

Pour l’anecdote, ce palais accueillit l’Université libre de Bruxelles à sa création en 1834 (de Brouwer et Lagasse. P-J Proudhon et l'Université libre de Bruxelles. Éditions UAE, 2013). Elle emménagera par la suite au palais Granvelle, pour aujourd’hui occuper le site du Solboch à Ixelles-Bruxelles.

 

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Place royale, vers la porte de Namur.

 

Dirigeons-nous vers la place royale.

 

Examinons plus précisément les symboles et autres éléments particuliers que l’on peut y découvrir, en partant par son début et prétexte, la statue de la Place Royale pour parcourir son axe principal, l'allée biaise (Des Marez, Guide, pp 213-35).

 

Aujourd’hui et depuis 1848, la statue de Godefroid de Bouillon (!) remplace celle de Charles-Alexandre de Lorraine. Cette dernière fut dé-boulonné définitivement par les Français lors de leur retour dans le pays en 1794. Elle sera fondue à Douai, le 30 ventose de l’an 4 (20 mars 1796) (Henne, p 336). À la place, on plantera un arbre de la Liberté, qui fut arraché en 1814.

Imaginons cependant celle de Charles-Alexandre. Son bras tendu montre l’entrée imaginaire du palais du Coudenberg, à quelques mètres. À gauche de cette entrée, sur la place encore, se trouvait l’Aula Magna, lieu de pouvoir par excellence d’un empereur, Charles Quint, pour qui, jamais le soleil ne se couchait sur ses possessions. Tout cela n’est pas encore très loin dans le temps, la mémoire des choses disparues devaient encore être vive. C’est maintenant dégagé, et au ‘loin’, dans la perspective du bras du compas, axe de symétrie de la place royale, on aurait dû apercevoir l’obélisque, symbole ‘royal’ par excellence. Mais voilà, finalement elle ne sera jamais levée sur ordre de Joseph II.

 

 

Regardons l’Église Saint-Jacques sur Coudenberg. Sa façade fut dessinée par Barré (très beau projet) et re-dessiné par Guimard pour des raisons financières, l’édifice lui-même est dû à Montoyer, un franc-maçon, l’adjoint de Guimard, que l'on reverra pour le château de Laeken.

 

Médaille frappée à l'occasion de la pose de la 1ère pierre de l'édifice en 1776.

 

Un malheureux campanile en bois fut ajouté un peu plus tard et reconstruit en dur par la suite. Tout comme la statue de Charles-Alexandre, les sculptures du fronton, qui représentaient un agneau mystique (ce qui renvoie à la Toison d’Or, emblématique des Habsbourg), sous le vocable de « sacrifice de la messe » furent détruites après l’arrivée des armées françaises, en 1797 et remplacées par un œil rayonnant, l’ « œil de la providence ». L’église devint un temple de la raison avec son bonnet phrygien qui remplaça la croix au-dessus du campanile. Ce n’est qu’en 1851, que l’œil sera remplacé par la peinture actuelle.

 

Plus précisément, une gravure anonyme de 1781, réalisée de l’intérieur vers l’extérieur, montre que le parvis était un pavement en damier. La perspective va vers l'hôtel de ville. Au centre de la place, la statue de Charles-Alexandre.

Quoique peu habituel, ce n’est pas l’unique exemple d’un pavement à damier utilisé pour le parvis d’un édifice religieux dans les Pays-Bas autrichiens, d’autant que la qualité du marbre noir de nos régions était et est toujours très largement reconnue, bien au-delà des frontières : il n’y avait qu’à se servir.

 

 

 

Parvis de l'église de Saint-Jacques sur Coudenberg, au XVIIIe siècle et aujourd'hui. A ses pieds, la place royale. Le pavé mosaïque a disparu. Dans la perspective, la tour de l'hôtel de ville.

 

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Sortie de la place royale.

 

Deux bâtiments délimitent la sortie de la place vers le parc. À gauche, l’hôtel de Grimbergen situé à l’emplacement de la chapelle du palais et à droite l’hôtel de Belle-Vue, dont les caves à vin étaient celle du palais, raison du choix de son propriétaire d’alors ! Cet hôtel aura vu passer par ses chambres, quantité de têtes couronnées et autres ‘grands’ personnages. Ils sont cités dans un merveilleux petit guide « Guide de Bruxelles et de ses environs. - Souvenir des hôtels de Belle-vue & De Flandre », d’environ 200 pages, avec une carte de la Ville, que l’on pouvait glisser facilement dans une poche, écrit par Dremel, le propriétaire de l’hôtel (de) Belle-Vue pour ses clients au tournant du XIXe et XXe siècles. Une démarche très moderne. En 1905, l’hôtel fut racheté par le roi Léopold II pour en faire la résidence de sa fille, la princesse Clémentine. Celle-ci épousa en 1910, à l’âge de 38 ans, le prince Victor Napoléon Bonaparte, chef de la maison impériale. Son père, le roi Léopold II s’opposait à ce mariage d’amour partagé, pour des raisons de politique étrangère. Elle dut attendre son décès et l’accord de son cousin le roi Albert Ier pour que le mariage se fasse. Le couple aura deux enfants, un garçon, une fille. Aujourd’hui, l’hôtel Belle Vue est devenu un musée et s’y trouve l’entrée de la visite des sous-sols de l’ancien palais du Coudenberg.

 


 

 

 

Un peu avant l’hôtel Belle Vue, se trouve une ouverture fermée aujourd’hui par une grille. C’est devenu un parking privé ! C’est l’impasse du Borgendael. Son entrée se situait jadis plus vers le centre de la place. À cause des franchises dont jouissaient ses habitants, elle était un lieu débordant de vie, aux mille métiers, les uns sur les autres, compte tenu de l’exiguïté qui leur était alloué. Lors de son déplacement pour faire place aux nouveaux édifices, on y plaça une fontaine publique pour les habitants du quartier, surmontée d’un vase ornée de lions et de soleils. Thématique éminemment alchimique. Depuis elle fut déplacée vers la porte de Hal. Il y reste une statue, un trophée assez particulier et dont l’ésotérisme est omniprésent : sphère, gorgone, bélier, sphinx, hiboux, flambeau, faisceau de licteur … Il pourrait dater de l’époque de Starhemberg.

Pris à travers les grilles.

 

Tournons-nous et regardons en arrière. À l’époque, la perspective s’arrêtait à la sortie de la place par une colonnade. Le percement de la rue de la Régence viendra ultérieurement et, progressivement, s’étendra jusqu’au nouveau Palais de Justice dont la construction détruisit un imposant bâti populaire. Depuis, le terme "architecte" est devenu une injure à Bruxelles. La première pierre fut posée en 1866. Sa construction dura quasi 20 ans. Ce projet permit également de relier le nouveau quartier Louise à la Ville.

 

Bien que son architecte Poelaert ne soit pas franc-maçon, les libéraux (et franc-maçons) bruxellois de l’époque, à qui l’on devait déjà la création de l’Université libre de Bruxelles, ont fait de l’imposant bâtiment un manifeste laïc, sinon anticlérical : « La justice des hommes s’affirme ici dans toute sa souveraineté. … elle est supérieure à toute puissance et toute puissance s’incline devant elle. » (Publié par La Gazette, le jour de l’inauguration, le 3 octobre 1883. Repris dans l’article de JJ Duthoy : Le Palais de Justice de Joseph Poelaert. 1980, p 487.)

De la place royale vers le palais de justice.

 

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En traversant pour accéder au parc, admirons la perspective de la rue Royale, qui débute en faisant un angle vers la gauche par rapport à la place royale (ne se trouve pas dans son axe). Les bâtiments qui la bordent à sa gauche sont tous de style néo-classique. Tout au fond, à 2 km de là, on voit l’église Sainte-Marie, beaucoup plus récente, située à Schaerbeek, mais c’est aussi la route, à peu près droite, qui conduit au château de Laeken, aujourd’hui résidence du Roi, qui fut, à l’époque, pavillon de chasse des princes. En effet, après aménagement réalisé par Montoyer, le château devint la résidence des successeurs de Charles-Alexandre, le duc Albert-Casimir de Saxe-Teschen et de son épouse l'archiduchesse Marie-Christine, fille de Marie-Thérèse (et sœur de Marie-Antoinette), puisque le palais de Charles de Lorraine n'était plus réellement praticable. Ce sera également la résidence de Napoléon, lorsqu'il viendra à Bruxelles.

 

 

L’idée était aussi de créer de nouveaux quartiers, pour une population aisée, à Bruxelles. Cette réorganisation va permettre le percement ultérieur vers les faubourgs, c’en est un autre exemple.

De la place royale vers le bassin circulaire du parc.

 

 

Au départ de la rue Royale, toujours sur la gauche, nous observons deux lions en face à face qui se trouvent là où se situait le chevet de la chapelle palatine. On les attribue à Nicolas-Joseph Dubois, d'Arquennes (1760-1825). Un peu plus loin, on peut observer un autre trophée. Il ne cède en rien en termes ésotériques à son ‘presque’ vis-à-vis : dragon casqué à feuille de chênes, gourdin d’hercule, etc. Il daterait ca 1779. C’est une copie faite par Braekevelt que nous admirons. En tout état de cause, le trophée, tout comme les lions sont visible sur des gravures du premier quart du XIXe siècle.

Notons qu’une disposition symétrique se trouve de l’autre côté de la place, devant le palais des Académies (anciennement palais du prince d’Orange), avec également deux lions et un trophée, sauf que celui est méconnaissable, tellement il est rongé, on y devine un tronc d'arbre (?) que coiffe un casque romain et sur le bas un écu; à sa droite un buste romain et en-dessous un faisceau de licteur, et ... ; à sa gauche un autre buste et un gourdin au sol et ..., et ..., qui surplombe une tête de bélier (curieuse association).

 

Celui de la rue royale.
Celui de la rue ducale, devant le palais des académies.

 

 

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Deux sculptures cynégétiques gardent l’entrée du parc sur cette allée biaise. En effet le parc n’est pas un parc de fleurs ou de plantes, mais forestier, une forêt domptée. Environ 1/4 à 1/3 des arbres de l’ancien parc (435 selon Duquenne, p 69) furent ainsi préservé, d’autres furent replantées. Les groupes de chasse sont dus à Gilles-Lambert Godecharle (1750-1835). Ce sculpteur est contemporain de la création du parc, d’ailleurs chargé de créer et d’entretenir des œuvres pour celui-ci.

 

Nous le savons franc-maçon avant 1792, mais nous ne connaissons pas la date précise de sa réception. Il vient d'une famille de musiciens et son frère Eugène Godecharle, violoniste et franc-maçon, fut, comme Pierre Van Maldere (voir plus loin), un protégé de Charles-Alexandre (P Vandevijvere, Dictionnaire des compositeurs franc-maçons, 2013).

Il y a lieu de citer ici également Ignaz Vitzthumb, un Autrichien venu dans nos provinces à l'âge de 11 ans. Il prendra la direction (du théâtre) de la Monnaie en 1772. C'est lui qui introduira les premières représentations en flamand à la Monnaie en 1774. Il créera une troupe d’opéra en néerlandais qui sillonnera les Provinces Unies et ce pays, en péniche. Il était également franc-maçon depuis au moins 1766.

 

Les deux groupes symbolisent la chasse, comme d’ailleurs ceux de l’entrée à l’autre pointe du compas et ceux à l’entrée située à la tête de celui-ci (le palais de la Nation), chacun de ces groupes sont dominés par un angelot. Le Parc était ainsi triangulé et gardé. Les grilles des trois entrées principales furent prélevées sur celles qui clôturaient l'ancienne place des bailles.

 

En effet, l’autre sortie axiale vers l’impasse de la chambre héraldique que l’on avait nouvellement tracée, et depuis remplacée par l’actuel palais royal, était fermée par une clôture à lances toute simple. Guimard y avait bien prévu une sortie plus élaborée, mais cela ne fut pas retenu (Duquenne, p 66). Ce n’est que bien plus tard, en 1858, que la situation que l’on peut observer aujourd’hui, fut réalisée, l’axe central avait pris du galon.

 

Les quatre sorties des allées transversales furent fermés par des piédroits soutenant une clôture à lances, mais des colonnades auraient été également imaginées. Le reste du parc n’avait pas été clôturé, simplement délimité par une haie basse de hêtres. Il le sera plus tard.

 

 

Le descriptif de 1847 de Bernard De Smedt (pp 135-6) résume bien l’apport de Godecharle qu’il faut replacer dans l’espace : « Les groupes qui surmontent les guérites des trois portes principales sont de Godecharle de Bruxelles, l’auteur du fronton du Palais de la Nation : Ce sont des trophées de chasse. Les groupes qui font face aux petits bois sont du même artiste. Ils représentent les attributs du Commerce et des Arts ; ils ont été exécutés pour être placé sur des piédestaux beaucoup plus élevés. »

 

Juste à droite après l'entrée du parc se trouve un des restes des bas-fonds.

 

Un peu plus loin, au croisement du premier chemin transverse, on peut observer plusieurs sculptures.

 

En amont du croisement avec la première allée transversale, on a, à droite, une très belle ‘Charité’, une statue ancienne due à Vervoort, décédé en 1737. (On lui doit la splendide chaire de vérité de la cathédrale Saint-Rombaut à Malines.) Elle représente une femme s’occupant de trois enfants. On retrouve son écho dans le bas-relief du fronton du palais de la nation.

 

 

Et à gauche, se trouvait un lion, la patte reposant sur une sphère, provenant de la collection de Charles de Lorraine, que l'on voulut mettre aux enchères à son décès. Le public s'y opposa vivement, exigeant son placement dans le parc (Des Marez, Guide, p 218). Il n'en reste aujourd'hui plus que le socle (heureusement l'original est préservé dans les musées !).

 

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Une double sculpture encadre le premier chemin transverse rencontré (il y en a deux), réalisée par Laurent Delvaux (1695-1778), sculpteur du palais de Charles de Lorraine : Flore et Pomone. Ils font partie d’un lot d’une cinquantaine de statues, réalisées à la demande de Charles-Alexandre de Lorraine pour son château de Tervueren, qui furent transférées et disséminées dans le Parc après sa mort en 1780.

 

L' "Escalier de la bibliothèque". Lithographie de Madou. 1830, les patriotes chassent les Hollandais de ce passage. La statue de Belliard viendra par après. In Dubreucq, vol 8, p 147.

 

Sur la gauche en bordure du parc, on peut apercevoir l' "Escalier de la bibliothèque", aujourd’hui rue Horta, et la statue du Général Comte Augustin Daniel Belliard, réalisée en 1836. Une des plus importantes avenues de dégagement de Bruxelles, parallèle à la rue de la Loi, porte son nom (elle fait d'ailleurs face à la statue, de l'autre côté du parc et des boulevards).

C’est un Français qui épousa rapidement la cause de la Révolution française. Versé dans l’armée du nord, il devint un des premiers membres de la loge maçonnique « Les Amis Philanthropes » de Bruxelles, loge d’origine régimentaire française. Il fit ‘toutes’ les campagnes et notamment celle d’Egypte avec Bonaparte. Gravement blessé à la bataille de Leipzig en 1813, il se remit au service de l’Empereur durant les 100 jours. Ce qui lui valut la prison lors du retour de la Restauration. Ami de Louis-Philippe, il épousa naturellement la Révolution de Juillet. Il était en Belgique comme ministre plénipotentiaire de la France lors de la révolution belge de 1830. Il semble qu’il fut très impliqué dans l’appel des troupes françaises qui arrêteront celles de Guillaume Ier en train de reconquérir le pays. Il meurt dans le parc de Bruxelles d’une apoplexie (un AVC) en 1832. C’est la première fois qu’une statue d’une personnalité qui ne soit pas un prince est réalisée à Bruxelles et marque ainsi un tournant dans la statuaire de la Ville. Dans sa main droite, se trouve le traité des 18 articles de l’indépendance du pays, et sa main gauche tient un sabre de sa campagne égyptienne. Chaque soldat de la nouvelle armée belge donna un jour de solde pour la souscription publique ouverte à la réalisation de ce monument.

 

Cette statue se trouve à l’endroit de la Domus Isabella qui avait été conservée par Guimard (du nom de l'infante Isabelle qui gouverna, avec son mari l'archiduc Albert d'Autriche, les Pays-Bas espagnols au tournant des XVI-XVIIe siècles; avec Charles-Alexandre, ce sont les seuls 'gouverneurs' qui  laissèrent un souvenir positif).

 

La bibliothèque de Bourgogne y avait été placée. C'était donc un lieu dédié à la connaissance.

La bibliothèque de Bourgogne fut d'abord placée dans la « Domus Isabella » (du nom de l’Infante Isabelle) qui se situait là où se trouve aujourd’hui la statue du général comte Belliard (cf parc de Bruxelles). De plus, en 1772, l’Académie impériale et royale des Sciences et Belles Lettres avait été créée. On la désigne aujourd’hui encore comme la (académie) "Thérésienne" (du nom de l'impératrice-Reine Marie-Thérèse qui en était l'instigatrice). Elle se réunissait à l’origine là aussi. Bien que dérangeant la symétrie du projet, Guimard ne put se résoudre à démolir la Domus.

 

Mais peu de temps après la mise en place de l’administration française (Département de la Dyle), en 1796, la Domus fut détruite, d'où le nom du passage. Derrière la Domus, en contre-bas, se trouvait l’ancien champ d’exercice des arbalétriers. Au XIXe siècle, on y avait érigé le pensionnat « Heger » pour jeunes filles. Les sœurs Émilie et Charlotte Brontë furent pensionnaires de celui-ci en 1842-3 : « Derrière la maison s’étendait un grand jardin et, en été, les élèves vivaient dehors presque continuellement, parmi les rosiers et les arbres fruitiers. » (dans « Villette » de Charlotte Brontë, repris de ‘Vivre au Quartier Royal’, p41). Qui ne se souvient des « Hauts du Hurlevent » d’Émilie Brontë, écrit en 1847 ?

 

De gauche à droite: Émilie et Charlotte.

 

Tout ce quartier a disparu pour faire notamment place à la gare centrale et au vaste bâtiment des Beaux-Arts, sur les plans de Horta, là où se réalisent par exemple les phases finales du Concours de musique Reine Élisabeth.

 

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Kiosque du parc. En doré, altenance de faisans et de cors de chasse. Plan général Adolphe Sax et architecte JP Cluysenaar.

 

 

Détail

Quelques pas plus loin, à droite, on trouve le kiosque à musique du Parc, qui est presque aussi vieux que celui-ci (voir photos plus haut). Il est en fer forgé et non en bois comme on faisait souvent à l’époque. Un peu oublié aujourd’hui, il eut au XIXe siècle un grand succès. Observez la rampe de protection qui l’entoure : une succession de guirlande, de cors de chasse et de phénix (voir Goffin) … ou de faisans : le volatile est couronné et ressemble à celui proposé par la 'Carte philosophique et mathématique' sous le terme de phenix, mais le rapprochement est osé car les époques sont différentes.  La conception échut à Adophe Sax (celui du saxophone!) qui réalisa le plan d’ensemble (Dubreucq, tome 7, p 288) et la réalisation fut confiée à l'architecte JP Cluysenaar. Le kiosque fut livré vers 1842.

 

 

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Les deux groupes de Godecharle

 

Toujours en suivant l’allée biaise, on arrive au croisement du second chemin transverse.

Deux importants groupes de Godecharle, réalisés spécifiquement pour le parc (comme les groupes cynégétiques des entrées), ornent ainsi la fin des deux branches du compas avant l’arrivée sur la vis, le bassin circulaire. Ils lui tournent le dos, ce qui montre bien le sens de la marche: de la pointe à la vis du compas. Le premier symbolise le commerce et la navigation, l’autre les arts et la science. Ces deux groupes sont tout à fait intéressants.

Leurs socles, identiques, proposent une ‘pierre brute dégrossie’ (je reprends l’expression utilisée par Joël Goffin) encadrée et surmontée d’un épi de blé.

 

Le premier groupe composé de deux enfants, dont l’un représente Hermes (Mercure), au casque ailé, portant le caducée d’une main et la bourse de l’autre, reposant sur des marchandises et une bourse dénouée. Quant à son compagnon, il repose sur une ancre, des cordages et une arbalète à trois marteaux permettant de calculer la hauteur de l’étoile polaire. Il tient un médaillon ovale gravé des armoiries de Starhemberg entourées du cordon de la toison d’or (on ne voit plus grand chose!).

 

 

 

L’autre groupe qui lui répond est caché dans les feuillages d'un marronnier! 

Il représente également deux enfants, celui des arts et de la science. De façon symétrique, le premier chérubin pose la main sur un compas couvrant une équerre reposant sur un parchemin qui couvre une sphère. Au pied de celle-ci, des pinceaux sortant d’une palette. En-dessous, un masque et un instrument à vent. Les deux enfants reposent sur des livres fermés.

Le second enfant indique d’une main et de l’autre tient un médaillon qui représente le plan du parc, à ses pied, un maillet et deux ciseaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En poussant un peu plus loin de l’autre côté, on peut apercevoir une très belle « Vérité » qui fut exécutée en 1881 par Thomas Vinçotte à la gloire de Godecharle.

Sur une colonne tronquée servant de socle à la dame, se déroule une partie du bas-relief du fronton du palais de la nation ! (Ici Prométhée et le paradis perdu, voir plus loin.)

 

 

 

 

 

 

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Contournons le bassin circulaire, entouré de 12 bustes d’empereurs romains. Ceux-ci sont anciens et ornaient auparavant en façade du palais, le jardin du Coudenberg. Ils forment une sorte de cœur qui répondait à la statue d’empereur romain de Charles-Alexandre, à l’autre bout du bras du compas, et qui devaient ajouter à la gloire de Marie-Thérèse dont l’obélisque aurait dû se trouver au centre du cercle, s’il n’y avait eu la décision de son fils. Remontons l’allée vers la sortie du parc.

 

Pas très loin de là, vous trouverez la magnifique "Venus aux colombes", datée de 1774 et signée (Jean-Philippe Augustin) Ollivier de Marsseille (sculpteur qui seconda et remplaça Laurent Delvaux auprès de Charles de Lorraine), dont l'original se trouve dans les musées.

 

 

 

 

Cette allée était bordée par 4 très beaux termes-Hermes que l’on doit au sculpteur Laurent Delvaux (1696-1778), donc contemporain du début de la construction du parc. Il fut un des maîtres de Godecharle. Ce sont des blocs surmontés d’une tête et en bas, il en sort des pieds. 8 autres termes-Hermes (il en reste 6) encadraient le bassin octogonal qui se trouve plus bas (vers le palais royal) sur l’allée centrale.

Des 4 encadrant la sortie vers la Palais de la Nation, aujourd'hui, il en reste un et les pieds d'un autre ...

 

Sortons du parc gardé par les groupes cynégétiques de Gilles-Lambert Godecharle pour nous présenter devant le Palais de la Nation, où se trouve aujourd’hui le parlement. Les groupes de cette sortie présentent des chiens fidèles.

Ce n'est pas le cas des autres groupes. Celui de l'allée biaise - place royale, représente la dépouille d'animaux chassés sur lesquelles se trouvent les angelots, et celui de l'allée biaise - palais des académies, les angelots sont accompagnés soit d'un lion à la pelle, soit d'une jolie lionne au raisin.

 

 

 

Le trottoir est formé, juste à la sortie, d’une grande dalle de pierre bleue de 8 mètres sur 2,55 mètres, c’est la ‘dalle de Soignies’. Elle fut présentée à l’exposition des produits de l’industrie de 1847, ensuite placée là (Vivre au Quartier Royal, p 73): une prouesse technique des maîtres tailleurs de pierre de ce temps.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Palais de la Nation.

Avant la construction de ce qui deviendra le Palais de la Nation, s’y trouvait le modeste château de Tassigny, qui avait été racheté par Charles Quint. Il aimait y séjourner, loin du bruit de la Cour. Sa chambre était au rez-de-chaussé, de plain-pied avec l’ancien parc/jardin/warande qu’il devait apprécier. Au moment des travaux, le bâtiment était occupé par une maîtresse de Charles-Alexandre, Mme Marie-Elisabeth de Vaux, fille du baron de Tassillon, que l’on disait fort belle. Elle eut 4 fils, dont un né dans le secret. Ils s’appelèrent tous … Charles ! Sa résidence détruite, elle déménagea pour la nouvelle Place Royale (Renoy, pp 39-40).

Quasi dans la foulée des travaux du parc, on y construisit le Palais du Conseil Souverain du Brabant et sa chancellerie. Les plans furent réalisés par Guimard, approuvés en 1778, et le fronton fut réalisé par Godecharle. Starhemberg posa la première pierre en 1779, et le bâtiment fut terminé en 1783, en même temps que l’ensemble, parc-place. Le bâtiment ne souffrit pas trop de la fureur des troupes françaises lors de leur arrivée en 1792, puis en 1794, et notamment le fronton est resté intact. En 1817, le bâtiment devint le Palais des États-généraux (des Pays-Bas réunis autour de la couronne de Guillaume 1er), puis en 1830, il devint le Palais de la Nation. Il sera détruit deux fois par le feu (1820 et 1883) et reconstruit. À chaque fois, la façade et le fronton furent largement préservés. Godecharle va d’ailleurs restaurer ‘son’ fronton qui se fissurait suite à l’incendie de 1820.

 

Fronton du palais de la nation, partie centrale.

 

Fronton du palais de la nation: à la droite de la justice.

 

Fronton du palais de la nation: à la gauche de la justice.

 

Le bas-relief du fronton représente, selon le titre que lui donne Godecharle, « La Justice punissant les Vices et récompensant les Vertus ».

 

Au centre trône la Justice, non aveuglée, qui tient une épée d’une main et de l’autre une couronne de laurier, la balance reposant sur une colonne tronquée placé à ses côtés. À sa gauche, les ‘vices’, et à sa droite, les ‘vertus’. Son pied droit repose sur un faisceau de licteur avec une securis, tourné vers les vices. Dans la partie inférieure du bas-relief, sous elle, une longue branche de palmier.

 

Son explication officielle est la suivante : « La Justice qui trône au centre, ayant à sa gauche la Constance et la Religion ; elle récompense les Vertus que la Sagesse [à sa droite] conduit auprès d’elle, tandis que la Force chasse rudement la Discorde et le Fanatisme ».

 

Pour l’anecdote, en 1951, un représentant du peuple, entrant dans le parlement, fut épouvanté par un terrible choc accompagné d’un bruit d’enfer et d’éclats. C’était la tête de la « Religion » (désignée également comme figurant la Foi, ou la Concorde, ou la Clémence ?), une des principales allégories du fronton, qui s’était détachée, se fracassant à quelques pas de lui (Vivre au Quartier Royal, p 68). Prémonitoire ?

Celle-ci se trouve à gauche de la justice, assise, faisant pencher la balance, la tête voilée, un triangle rayonnant sur la poitrine, tenant un livre ouvert.

 

Pourtant au-dessus de la tête voyageuse se trouve la ‘Constance’ tenant une colonne. Curieux dessin que cette allégorie. En reprenant la démarche de Joël Goffin, on peut en effet retrouver des cartes de tarot représentant celle-ci de cette manière, sous la dénomination de ‘force/fortitude'. Il existe également des sculptures, statuettes et gravures anciennes proposant cette représentation, même si ce n'est pas la plus courante. Notons, parmi une des vieilles représentations de colonne-fortitude connue, celle supportant la chaire de vérité en pierre de la cathédrale de Pise, sous la forme d'un Hercule nu (XIIIe siècle). Pour les gravures, citons celles d'Hendrik Goltzius (1558-1617) et son école. Goltzius fut un célèbre graveur-peintre des Pays-Bas espagnols, puis des Provinces Unies.  (Je reprends ci-dessous une de ses gravures de la 'fortitude').

 

Oeuvre attribuée au célèbre Hendrik Goltzius (1558-1617). Les Vertus: Fortitude. British Museum.

 

La composante symbolique de ce bas-relief est sans doute le point d’orgue de toute cette beauté néoclassique qui s’étend au pied du monument, une forêt domptée (ce n’est pas un parc de fleurs).

 

Penchons-nous sur les vices, rejetés d'une main vigoureuse. Nous avons une curieuse représentation du flambeau de Prométhée qui surmonte une femme au serpent et au masque de chien (?). Si le serpent autour d'un bras représente souvent la prudence, ce ne devrait pas être le cas ici, d'autant qu'elle est représentée avec son miroir à la droite de la justice. Celle-ci pourrait représenter la guerre, ou la trahison, ou plutôt le paradis perdu (la femme-serpent), et son articulation avec Prométhée devient alors très intéressante.

 

Fronton du Palais de la Nation : détail des 'vices’ (extrait d'une photo prise en 1967 après la restauration du bas-relief, par G de Jonckheere ; in Somerhausen et al).

 

 

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Charles-Alexandre de Lorraine et Georges-Adam de Starhemberg

 

On peut estimer avec sécurité que Georges-Adam de Starhemberg (1724-1807) est le maître d’ouvrage de l’ensemble place - parc, et Barnabé Guimard, le maître d’oeuvre. 


Starhemberg ne travaillait pas seul, ce n’était pas sa méthode. Il déléguait à des personnes compétentes et de confiance et pour cet exercice-ci, Ange de Limpens fut son bras droit. Il coordonnait et contrôlait. 

Il travaillait sous l’autorité de Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780), qui était sur son déclin. Celui-ci décède en 1780. Ce prince lui laissait carte blanche, à charge pour lui de l’informer sur ce qu’il faisait. Et chaque matin il rendait compte au Gouverneur général. On sait Charles-Alexandre intervenir pour améliorer l’espace boisé par des taillis, ou délimiter le jardin anglais placé dans les bas-fonds, etc. (Duquenne, p 69 et p 94)

 

Starhemberg était franc-maçon depuis longtemps. Il fut membre en 1742 de la loge de Leipzig « Aux Trois Compas » qui deviendra « Minerve zu den drei Palmen » ; en 1766 cette loge fut rectifiée (SOT). Il fit peut-être même partie de la première loge viennoise « Aux trois Canons » (der junge graf Starhemberg) que Marie-Thérèse fit disparaître d’autorité : ouverte en 1742, elle fut fermée par une descente de police l'année suivante, lors d’une réception, malgré les noms fameux de ceux qui l’illustraient (Starhemberg, Kaunitz ou Canitz (?), Salm, Hesse-Rheinfels,…). Cela n’entama pas ses bonnes relations avec l’Impératrice-Reine, le rendit prudent et forgea de solides amitiés. Sa seconde épouse n’était-elle pas une Salm ? Et sa complicité avec Wenceslas Kaunitz, le chancelier de l’Impératrice-Reine, fut sans défaut. Ce dernier avait d'ailleurs épousé sa cousine germaine, Marie-Ernestine von Starhemberg. Notons que Wenceslas de Kaunitz fut, pendant une courte durée, ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas autrichiens (de 1744 à 1746). 


Starhemberg sera ministre plénipotentaire à Bruxelles de 1770 à 1783. Ses enfants s’allieront avec des familles des Pays-Bas autrichiens, comme les Ligne, ou les Beaufort-Spontin, ce qui montre sans doute une bonne implantation dans ce milieu.

 

Groupe de Godecharle, le Commerce et la Navigation. Armoirie de Starhemberg

 

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Qui est ce Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780) ?

On a l'image, probablement relativement fausse, d'une personnalité conviviale, qui aimait la fête, la musique et le théâtre, les femmes et la bonne chère ...

 

 

Cette partie, devenue trop longue pour figurer ici, dont le lien avec l'ensemble Palais - Place - Parc est moins évident, a été déplacée, retravaillée, augmentée pour en faire un article propre. Cela me semblait d'autant plus souhaitable que s'ouvrent ainsi de nouvelles perspectives d'études, peu utilisées jusqu'à présent, sur le XVIIIe siècle maçonnique aux Pays-Bas autrichiens. Je vais dans les mois qui viennent essayer de les explorer modestement.

 

Donc rendez-vous pour la suite dans : "À propos de Charles-Alexandre de Lorraine ..."

 

 

William Degouve de Nuncques - Nocturne au Parc Royal à Bruxelles (1897). Musée d'Orsay à Paris.

 

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Conclusions

 

Il y a déjà de nombreux écrits, certains de (très) bonne qualité, sur l'ensemble palais-place-parc, quoique trop souvent le palais soit omis dans le descriptif, ce qui est une erreur, le plan de Zinner en témoigne (ce palais et son environnement immédiat ont subi très rapidement les injures de l'histoire et nous le regardons aujourd'hui d'une pichenette, alors qu'il était le centre du pouvoir à cette époque).

Je me sens un peu comme le surnuméraire inutile ! Tant pis, ce sont les mois d'été, j'avais envie de partager avec vous l'étroit chemin de la découverte (pour moi) de ce très bel ensemble et d'essayer de le replacer, par quelques petites touches, dans son propre cheminement au cours du temps. Né dans la maison de ma grand-mère située dans le grand Bruxelles, d'ailleurs pas très loin de cet ensemble, ayant vécu et travaillé dans cette ville, possédant mes petits coins de prédilections, c'est toujours avec un grand plaisir que j'y reviens, pour continuer à la découvrir encore et encore.

 

Nous avons circulé dans l’ensemble monumental du Palais (architectes Faulte-Dewez), de la Place Royale au Parc de Bruxelles (architecte Guimard), nous avons très brièvement évoqué la belle place des Martyrs (anciennement Saint-Michel, architecte Fisco, qui fit également le premier plan de transformation de la place royale et contrôla les travaux place-parc pour la Ville de Bruxelles), pourquoi ne pas s’arrêter au musée de la franc-maçonnerie, qui se trouve dans l’hôtel Dewez, du nom du troisième grand architecte néo-classique de Bruxelles de ce dernier quart du XVIIIe siècle. C’est d’ailleurs Laurent-Benoît Dewez qui continuera la transformation néoclassique du palais de Nassau, devenu palais de Charles de Lorraine, au décès de Faulte en 1766 qui fut son maître, et la boucle est ainsi bouclée ! Nous aurions opéré une belle triangulation !

 

Plus généralement, que l’ensemble palais, place royale et parc de Bruxelles ne soit pas, en tant que telle, une œuvre maçonnique, est une évidence. Que des considérations symboliques y furent appliquées, me semble tout aussi évident, telles que la célébration de lieux de pouvoir selon les concepts des 'Lumières', mais pas seulement. Qu’il s’y soit glissé complémentairement et subtilement, pris dans son ensemble ou dans le détail, de nombreux éléments ésotériques, alchimiques, sinon maçonniques, est non seulement conforme à cette époque -c'est le contraire qui serait étonnant-, mais surtout rencontre un évident plaisir intellectuel de ma part. Pour celles et ceux qui désireraient approfondir les aspects ésotériques et maçonniques, je pense que la publication de Joël Goffin est intéressante dans nombre de ses raisonnements.

 

Cependant, dans tous les cas, je mettrais en exergue le conseil de notre commentatrice et guide du « Jardin Chalon » à Namur. Surtout que l’on s’y sente bien. Car tout compte fait, le but final de la Ville de Bruxelles dans son intervention, ainsi que d’autres intervenants, comme Starhemberg, ou même Charles-Alexandre, est d’avoir permis l’ouverture aux populations civiles, au public, de superbes espaces boisés, situés juste à côté de leurs maisons, qui leur étaient fermés depuis des siècles. Ce sont ceux-là, dans leur recherche du bonheur des peuples (l' "optimo principi, patriæ delicio" inscrit sur le socle de la statue de Charles de Lorraine), que nous devons saluer, car l’acte est véritablement altruiste et novateur, bien dans l'esprit des Lumières. Et s’il y a quelque chose de maçonnique à retenir, c’est avant tout, cela.

 

 

Le travail ne s'achevant jamais, nous apprennent certains rituels maçonniques, rendez-vous pour la suite dans : "À propos de Charles-Alexandre de Lorraine ..."

 

 

La vis du compas.

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Références

 

 

  • Alexandre Henne et Alphonse Wauters. Histoire de la Ville de Bruxelles. Tome III, Bruxelles, 1845.

     

  • Bernard De Smedt. Le parc de Bruxelles, ancien et nouveau. Bruxelles, 1847.

  • Dremel. Guide de Bruxelles et de ses environs. - Souvenir des hôtels de Belle-vue & De Flandre. 1882.

 

  • G Des Marez. La Place Royale à Bruxelles. Genèse de l’œuvre, sa conception et ses auteurs. Hayez Imprimeur, Bruxelles, 1923.

 

  • G Des Marez. Guide illustré de Bruxelles. Les monuments civils. Tome I. Éditions du Touring Club de Belgique, 1928.

 

  • Saint-Hilaire. Bruxelles mystérieux. Éditions Rossel, 1976.

     

  • George Renoy. Bruxelles vécu. Quartier Royal. Éditions Rossel, 1980.

     

  • Claudine Lemaire. Histoire du Palais d’Orange-Lorraine de 1750 à 1980. 1ère partie. In Bulletin trimestriel du Crédit Communal de Belgique, n°135, 1981.

 

  • Luc Somerhausen & Willy Van den Steene. Le palais de la Nation. Éditions du Sénat de Belgique, 1981.

     

  • Collectif. Charles-Alexandre de Lorraine. Gouverneur général des Pays-Bas autrichien vol I; Charles-Alexandre de Lorraine. L'homme, le maréchal, le grand-maître Vol II; Charles-Alexandre de Lorraine à Mariemont.  Europalia Österreich, catalogues,1987.

 

  • Collectif. La Belgique autrichienne 1713-1794. (dans le cadre d'Europalia Österreich), Crédit Communal, 1987.

 

  • Collectif. Les Habsbourg et la Lorraine. Presses Universitaires de Nancy, 1988.

 

  • Claudine Lemaire. Les intérêts scientifiques de Charles-Alexandre de Lorraine. In Nouvelles Annales du Prince de Ligne, tome 3, Éditions Hayez, 1988, pp 103-46.

 

  • Collectif. Charles de Lorraine et son temps. Bibliothèque Royale, 1991.

 

  • Xavier Duquenne. Le parc de Bruxelles. CFC-Éditions, 1993.

     

  • Michèle Galand. Charles de Lorraine, Gouverneur Général des Pays-Bas autrichiens (1744-1780). Éditions de l’Université de Bruxelles, 1993.

     

  • Sous la direction d’Arlette Smolar-Meynart et d’André Vanrie. Le Quartier royal. CFC-Éditions, 1998.

     

  • Jacques Dubreucq. Bruxelles 1000, une histoire capitale. Vol 7 et 8. Éditions de l’auteur. 1999.

     

  • Collectif. Le XVIIIe siècle dans le palais de Charles de Lorraine. Pour les Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles : Éditions Brepols, 2000.

     

  • Jean Van Wim. Bruxelles maçonnique. Faux mystères et vrais symboles. Éditions Cortex, 2007.

 

  • Brigitte D’Hainaut -Zveny. Des parcours dans un dispositif symbolique. In "Espaces et parcours dans la ville, Bruxelles au XVIIIe siècle". Études sur le XVIIIe siècle, Vol 35, Éditions de l'Université de Bruxelles, 2007.

 

  • Jacques Van Wijnendaele. Promenades insolites dans Bruxelles disparu. Éditions Racine, 2008.

     

  • Christophe Loir. Bruxelles néoclassique. CFC-Éditions, 2009, réédition de 2017.

     

  • Collectif. Vivre au Quartier royal 1800-2000. Du Coudenberg au Mont des Arts. Éditions 180°, 2014.

     

  • Collectif. Secret Brussels. Edition JonGlez, 2016.

 

 

 

Statue ornant la façade du palais de Charles de Lorraine, à la gauche de l’hémicycle de l’entrée.

 

 

 

Pierre Van Maldere était un proche de Charles-Alexandre de Lorraine. Il était membre de la loge l' "Union" de Bruxelles.

Rédigé par Christophe de Brouwer

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J
J'ai pris un grand plaisir à lire ton approche du Quartier Royal au-delà<br /> de mon hypothèse maçonnique. Je te remercie de m'avoir cité à de<br /> nombreuses reprises. J'établirai un lien vers ton texte dans mon étude.<br /> <br /> Prométhée au fronton du Palais de la Nation me semble une idée<br /> intéressante et le tronc d'arbre du trophée des Palais des Académies<br /> possède des affinités évidentes avec celui de l'Impasse du Borgendael.<br /> Une seule personne m'avait donné cette suggestion de tronc d'arbre pour<br /> l'Impasse du Borgendael et je ne l'avais dès lors pas reprise. Si elle<br /> se vérifie, il s'agit probablement du chêne auquel pendait la Toison<br /> d'Or conquise par Jason.<br /> <br /> Pour ce qui concerne l'étoile polaire, j'ai demandé l'avis de mes amis.<br /> A noter que le Palais des Académies a été érigé dans les années 1820.<br /> S'est-on inspiré d'un dessin de Guimard pour son trophée ? Nul ne le sait.<br /> <br /> <br /> Joël Goffin
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J
https://bruges-la-morte.net/wp-content/uploads/Quartier-royal-une-for%c3%aat-de-symboles-global.pdf