La Conférence du 11 octobre 1958 à Bruxelles et ses suites

Publié le 28 Mai 2014

 

Premier document

 

 

Ce document ne fut pas rapidement publié, compte tenu de demandes de rectification qui ne s'en montrèrent pas satisfait (dans un sens et puis l'autre). C'est finalement la lettre de démission du GM Davidson (voir le second document de l'article suivant), lequel s'excusait d'avoir mis en doute l'exactitude de l'écrit, qui permit cette publication officielle tardive.

 

 

Pour comprendre le document qui suit, il est nécessaire d'examiner les protagonistes.

 

[GOB=Grand Orient de Belgique ; GO-PB=Grand Orient des Pays-Bas ; GOdF=Grand Orient de France ; GLdF=Grande Loge de France ; GLU d'Allemagne=Grande Loge Unie d'Allemagne ; GLSA=Grande Loge Suisse Alpina ; GL Luxembourg=Grande Loge du Luxembourg]

 

 

 

Cette conférence a lieu à l'invitation du Grand Orient de Belgique. Pourquoi ?

 

L'obédience belge comporte à cette époque, un peu plus de 5 000 membres. Elle est, à ce moment, travaillée, écartelée entre l'envie de rentrer dans le processus de la Convention de Luxembourg et ses principes laïques chevillés à la « liberté absolue de conscience ». C'est l'obédience proche du GOdF.

 

Cependant, déjà 14 Loges (sur les 41 que comptait le GOB de l'époque) avaient réinstallés les 3 lumières (la bible, l'équerre et le compas), ainsi que l'invocation au GADLU dans leurs travaux (dont l'obligation avait été supprimée en 1872). Et pas des moindres, on y trouve la « Parfaite Union » de Mons, la « Parfaite Intelligence et l'Étoile réunies » de Liège, les « Vrais Amis de l'Union et du Progrès réunis », à la suite des « Amis Philanthropes n°2», l'une et l'autre de Bruxelles, accompagné du « Septentrion » de Gand, ainsi que de « Marnix van Sint-Aldegonde » d'Anvers, etc. Parmi les anciennes Loges du Pays, seules la « Bonne Amitié » de Namur et les « Amis Philanthropes » de Bruxelles font de la résistance avec la majorité des autres, mais … l'avenir est sombre.

 

Le Grand Maître Robert Hamaide propose à la réunion de la Grande Commission du Grand Orient de Belgique du 13 janvier 1957 d'étendre à l'ensemble des Loges les trois lumières et le GADLU, étant entendu que ce ne sont que des symboles, que dieu n'y est absolument pas présent, chacun libre d'interprétations. Il avait reçu des assurances à ce sujet de Davidson, le grand maître du Grand Orient des Pays-Bas, qui mène la danse de la Convention de Luxembourg et dont l' obédience est, à ce moment, très proche du GOB (notons que le GM du GOdF de l'époque, M Ravel -il sera à deux reprises GM- semblait suivre en 1957 les efforts de R Hamaide avec sympathie?; RT n°157-8, p85.).

… le Grand Maître Hamaide est cependant mis en minorité sous le prétexte (vrai) que la Grande Commission n'a pas compétence pour trancher, et l'on décide de remettre toute décision jusqu'à une conférence à tenir à Bruxelles, entre les obédiences de la Convention de Luxembourg et le GOB, ainsi que le GOdF.

 

Bien que se posant de nombreuses questions, le GOdF n’apparaît pas être en danger, par contre le GOB l'est bel et bien, son unité est menacée.

 

 

 

Qui sera présent à cette conférence ?

 

 

Pour la Convention de Luxembourg :

 

  • Richard Dupuy, GM de la GLdF
  • Emmanuel Drapanasky, Grand Secrétaire de la GLdF (qui fera partie de scission de la GLdF vers la GLNF de 1964.)
  • CMR Davidson, GM du GO-PB
  • Harald Ziegler, GM adjoint de la GLSA (et futur GM de 1961-62)
  • Antoine (Tony) Wehenkel, GM de la GL Luxembourg
  • Charles-Léon Hammes, ex-GM de la GL Luxembourg
  • Theodor Vogel, ex-GM de la GLU d'Allemagne

 

 

Pour le GOdF :

 

  • Robert Richard, GM (1958-59) (qui succède à Marcel Ravel, lequel va lui succéder)
  • Louis Pansard, GM-adjoint
  • Paul Chevalier, ancien GM (1952-53)
  • André Doré, Secrétaire général

 

 

Pour le GOB

 

  • Leopold Remouchamps, GM (1957-59)
  • Robert Hamaide, ex-GM (1954-56)
  • Leonce Mardens, ancien GM, GM honoris causa (1945-47)
  • Edmond Troch, ancien GM (1948-50)
  • Walther Bourgeois, ancien GM (1951-53)

 

  • Marcel Windey, membre de la Grande Commission
  • Sylva Moriamé, membre de la Grande Commission
  • Franz Smits, membre de la Grande Commission (qui va devenir le 1er GM de la GLB)
  • Frenkeil ? , membre de la Grande Commission.

 

 

Nous notons ainsi, pour le GOB, la présence de tous les GM depuis la fin de la guerre, tant les enjeux pour l'obédience semblaient importants, et ils le furent.

 

Après la conférence, le 23 novembre 1958, le Grand Collège des Vénérables Maîtres (tous les présidents de Loges) du GOB émettra un voeux unanime, avançant le principe de l'unité du GOB avant toute autre considération. Seuls les présidents de « Union et Progrès » de Bruxelles et « Marnix » d'Anvers s'abstiendront.

 

Rien n'y fit et fin 1959, après le Convent de la GLdF qui consacra sa rupture avec le GOdF, ce fut la scission de 5 Loges du GOB, emportant finalement avec elle environ 20 à 25 % de l'obédience (selon A VandenAbeele. Les enfants d'Hiram. Éditions Roularta 1992, p 115) : « La Parfaite Intelligence et l'Étoile réunies » de Liège, « Le Septentrion » de Gand, « La Constance » de Louvain, « Marnix van Sint Aldegonde » d'Anvers, et « Tradition et Solidarité » de Bruxelles (la dernière née) créèrent la Grande Loge de Belgique (GLB). D'autres loges la rejoignirent immédiatement après, certaines se cassèrent en deux, etc. Des termes apocalyptiques furent employés, des haines s'installèrent, bref le GOB mit plus de 10 ans pour revenir à son état antérieur, mais il le fit avec beaucoup de cohérence et de stabilité retrouvée.

[Notons la responsabilité de la GLdF dans cette scission.]

Bien des années après, la "Parfaite Intelligence et l'Étoile réunies" de Liège reviendra au sein du GOB, car la GLB fut très instable, bien que dynamique, durant ses premières années et subit elle-même une scission en 1979.

 

Par contre, le GOdF ne subira aucune séquelle de ces événements, au contraire. Mais le risque d'un isolement important était présent.

 

Les suites de cette scission seront gérés pour le GOB, par le GM Georges Beernaerts (1960-1962), et durant cette même période, le GOdF aura Marcel Ravel comme GM (1956-58 et 1959-61). Ce sera l'époque de la réaction avec la création du CLIPSAS dont on vient de fêter les 50 ans. Georges Beernaerts en sera le 1er président.

 

 

L'inverse fut vrai aussi, et la GLS_Alpina connaîtra la scission, la GL du Luxembourg également, et ainsi de suite. Ces scissions resteront modestes, sauf le GOL (Grand Orient du Luxembourg) qui est actuellement l'obédience la plus importante du Grand-duché du Luxembourg et le GOS (Grand Orient de Suisse) qui fait bonne figure dans la partie francophone du pays. Bref, au lieu de l'unité, la stratégie anglaise de la GLUA (Grande Loge Unie d'Angleterre) n'amènera qu'éparpillement, fractures, et discordes en Europe et ailleurs.

 

 

 

 

La Conférence elle-même

 

Le compte-rendu de cette Conférence (dénommé Colloque International) est passionnant à lire, car d'une ancienne position lénifiante quant aux symboles, nous verrons que le GM Davidson a modifié son discours gentil en « conditions sine qua non », tout en laissant l'interprétation des symboles libre.

 

C'est manifestement un tournant pour le GOB, qui, ensuite, arrêta une position proche de celle du GOdF, avec la conséquence d'une scission (création de la GLB) dès l'année suivante sous l’aile de la GLdF qui favorisa celle-ci. D'autre part, la GLdF a pu croire avoir gain de cause dans sa recherche de reconnaissance d'une « régularité à l'anglaise ». Quand à la position du GOdF, elle en sortira raffermie et la suite lui donnera raison.

 

En effet, R. Davidson déclarait, notamment à cette conférence, haut et fort, l'aspect non contraignant de l'interprétation des symboles exigés. Il affirmera le contraire, face au Anglais, en 1959 (voir document suivant), accusant de surcroît les rédacteurs du compte-rendu de la conférence bruxelloise pour l'inexactitude de ses soi-disantes déclarations de Bruxelles … pour finalement regretter d'avoir accusé les-dit rédacteurs du compte-rendu (GOB) à tort, mais qu'il se devait à son obédience et que ses déclarations bruxelloises (et pas seulement) mettaient en danger sa propre obédience, ceci expliquant sa volte-face. Voir sa lettre courageuse, il faut le souligner, de démission de sa Grande-Maîtrise de 1961, article suivant.

 

La scission de 1979 avec l'apparition de la GLRB, trouve une partie de son origine au moment de la création de la GLB. En effet, un malentendu volontairement (?) entretenu semble avoir présidé à cette création de 1959, entre la proclamation à usage interne (de 1959 où les symboles sont libres d'interprétation sur base des déclarations de Davidson à la Conférence de 1958) et une déclaration liminaire (datant de 1959 ou 1960, où la liberté d'interprétation des symboles aurait disparu). Seul ce dernier élément est porté à la connaissance des obédiences extérieures. (selon Ernest Duyst. Hors série, 2008, Trigonum Coronatum)

 

 

 

Le document.

 

Il est tiré du « Livre blanc » publié par le GOB en 1961.

Il est couvert d'annotations de l'ancien propriétaire du document. Elles sont tout à fait éclairantes de l'opinion de la majorité des membres du GOB de cette époque ! Je ne les ai donc pas effacées, elles font quelque part aussi partie de l'Histoire.

 

 

 

Second document

 

Il s'agit du discours prononcé lors de la prise de charge de Grand Maître du GOB, par Georges Beernaerts, le 12 juin 1960. Ce discours, consacré aux causes et effets de la scission au sein du GOB de fin 1979, est toujours actuel. Il définit fort bien la ligne de conduite du GOB depuis jusqu'à aujourd'hui (et également du GOdF). Georges Beernaerts devait disparaître en cours de mandat. Une loge d'Anvers, du GOB, porte son nom.

Ce discours montre également l'ébranlement du GOB et la nécessité de le rétablir sur des bases solides, d'où la pugnacité des propos. Et malgré la courte période à la tête de cette obédience, il réussira à la repositionner vers son avenir. En effet, il décède le 4 janvier 1962.

 

Un extrait : "Que tradition et symboles ne sont que l'accessoire parce qu'ils ne sont que des moyens et non des buts – qu'ils n'ont de valeur qu'au titre de satisfaction poétique ou d'action éducative et qu'ils nécessitent une prise de conscience de la Maçonnerie dès que dans l'évolution de la pensée, ils arrivent à apparaître comme ferment de division au lieu d'être un ciment et un facteur d'union."

 

 

 

Et en France ?

 

Le GM Marcel-J Ravel est (re)monté sur la première marche et réalise son discours inaugural de deuxième année, Nous sommes en septembre 1960. J'ai réalisé un article à ce sujet, car il y met déjà les premières pierres à l'édifice "CLIPSAS" avec son ami Georges Beernarts. Les choses iront très vite.

Il ouvre son discours en abordant les événements de 1959. On se croirait à ... aujourd'hui, tant les choses semblent se répéter!

 

"Il est superflu de vous rappeler ce qui s'est passé l'an dernier, dans la semaine qui suivit notre assemblée générale. Vous vous souvenez que la Grande Loge de France fut reprensentée par ses plus hauts dignitaires à notre séance de clôture et à notre banquet.

Vous vous rappelez des paroles qui y furent dites.

Et, comme nous-mêmes, c'est avec une certaine stupéfaction que vous avez appris, aussitôt après, que la Grande Loge de France avait décidé de suspendre toute relation ainsi que toute correspondance avec nous.

Les documents nécessaires, explicites, vous ont été fournis. Il n'est pas dans mon intention de revenir là-dessus.

Mais il faut tout de même bien constater que cette décision de la G:. L:. de France a eu pour résultat, de perturber le climat maçonnique français. La ligne doctrinale du Conseil de l'Ordre fut très vite, très facilement, très logiquement élaborée. Vous la connaissez.

Mais les choses, au stade des répercussions pour l'obédience dans vos Or:. purent, un temps, apparaître comme embrouillées, par suite de l'action personnelle directe de la plupart des membres du Conseil Fédéral de la G:. L:. de France, Grand Maître en tête.

Ils se propulsèrent à dessein, et au maximum dans tous les Orients, pour raconter fraternellement que cette décision, qu'ils avaient été contraints de prendre la mort dans l'âme, ne devait altérer en quoi que ce soit les rapports entre FF:. ou entre Loges de nos deux obédiences, que rien n'était changé et que tout allait comme avant.

C'était en somme, la mise en place systématique d'une équivoque qui pouvait jeter le doute dans les esprits fraternels confiants, et qui pouvait aussi, si l'on y prenait garde, créer certaines complications.

[...]

Sans qu'il soit possible d'entrer ici dans les détails, je puis vous exprimer que le G:. O:. de Belgique et le G:. O:. de France, ayant les mêmes conceptions, la même vision des choses et le même désir, vont maintenant, la main dans la main, plus unis que jamais, s'acheminer sur une voie identique, pour peut-être un nouveau destin.

[...]

Nous sommes donc prêts maintenant, et ce sera une des premières tâches de votre nouveau Conseil, de lancer au Monde maç:. l'appel commun du G:. O:. de France et du G:. O:. de Belgique.

[...] "

 

 

L'appel commun est repris dans cet article-ci.

 

 

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Et oui, l'ombre des Anglais !!!

Et oui, l'ombre des Anglais !!!

Rédigé par Christophe de Brouwer

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V
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