La notion extensible de la « régularité » !

Publié le 10 Octobre 2012

La Grande Loge de France (GLdF) se dit « régulière », bien que n'étant pas reconnue par la Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA), qui, jusqu'à maintenant, fait un « subtil » distingo entre les Grandes Loges « régulières » qu'elle reconnaît, une par pays, et les Grandes Loges qui travaillent « régulièrement », mais qu'elle ne reconnaît pas, comme par exemple les deux Grandes Loges féminines d'Angleterre. La situation actuelle entre régularité et reconnaissance semble complexe en ce qui concerne la France.

 

 

 

La GLdF

 

Je rappelle que la Grande Loge de France (GLdF) est née de la volonté du Suprême Conseil de France de créer un organe « autonome » pour ses Loges symboliques, en 1894. Le Suprême Conseil de France (SCdF) est, lui, réellement né en 1821 sur les restes de la faction « Pompéi » et par la filiation du Comte Muraire. Tout comme le SC du Collège des Rites du GOdF, il trouve sa source dans la création en 1804, du 1er Suprême Conseil français.

 

Ceci est relaté dans l'article précédent.

 

 

Les Américains

 

Lors de la Conférence des Grands Maîtres des maçons nord-américains tenu à Atlanta en février 2012, ceux-ci ont pris officiellement la position de proposer la suspension des relations avec la GLNF (Grande Loge Nationale de France) et non pas de rompre. Cette position est évidemment connue des anglais, et c'est encore la situation qui prévaut pour beaucoup de Grandes Loges américaines aujourd'hui.

 

Lors de la Conférence des Grands Maîtres de février 2013, tenu à Kansas City, ceux-ci ont figé la situation actuelle de "suspension" (et non de rupture), estimant que la situation allait vers un mieux (progress). Donc on peut s'attendre à un dégel progressif de la situation, d'autant qu'est clairement constaté la résolution des deux problèmes majeurs soulevés par les anglais lors de l'avis de rupture, à savoir: la nomination d'une nouveau Grand-Maître (il est même désigné par son nom!) et le départ de l' "administratrice provisoire extérieure", Mtre Legrand.

 

Rapport 2012 de la "Commission on information for recoginition", de la "Commission of Grand Masters of masons in North America" d'Atlanta en février 2012:

"GRANDE LOGE NATIONALE FRANCAISE : The difficult situation involving the GLNF was reviewed in great detail from data presented to the Commission, as well as statements from parties explaining both sides of the issues. It was reported that some 28 regular Grand Lodges, including six in the United States and one in Canada, have now suspended fraternal relations with the GLNF. Although the GLNF is still considered to be regular, there is a question of them meeting the standards for recognition. After much consideration, the Commission is of the opinion a reasonable course of action to consider is to suspend fraternal relations with the GLNF until such time a resolution to their crisis is achieved. New elections are scheduled in the near future, and it is hoped that a solution will be forthcoming."

"La situation difficile impliquant la GLNF a été examinée en détail à partir des données présentées à la Commission, ainsi que les déclarations des parties expliquant leur point de vue. Il a été signalé que 28 Grandes Loges régulières, dont six aux États-Unis et une au Canada, ont suspendu leurs relations fraternelles avec la GLNF. Bien que la GLNF est toujours considérée comme régulière, il est question pour eux de se mettre en conformité avec les normes de reconnaissance. Après mûre réflexion, la Commission est d'avis que la ligne de conduite raisonnable à prendre en considération est de suspendre les relations fraternelles avec la GLNF jusqu'à résolution de leur crise. De nouvelles élections sont prévues dans un proche avenir, et l'on espère qu'une solution sera fournie."

 

Rapport 2013 de la "Commission on information for recoginition", de la "Commission of Grand Masters of masons in North America" de Kansas City en février 2013:

"GRANDE LOGE NATIONALE FRANCAISE : Progress is being made in the Grande Loge Nationale Francaise (GLNF). New elections were held last fall resulting in the installation of Jean-Pierre Servel as Grand Master. Civil authorities have relinquished control back to the Grand Lodge."

"Des progrès sont en cours à la Grande Loge Nationale Française (GLNF). De nouvelles élections ont eu lieu dernièrement qui ont résulté par l'installation de Jean-Pierre Servel comme Grand-Maître. Les autorités civiles se sont déssaisies du contrôle en faveur de la Grande Loge."

 

Depuis, c'est à dire le durant la Conférence de Baltimore (15-18 février 2014), les choses se sont complètement éclaircies pour la GLNF.

 

 

La GLUA

 

Cela fut suffisamment décrit, la GLUA (Grande Unie Unie d'Angleterre) a retiré sa reconnaissance de la GLNF (traduction française) (Grande Loge Nationale Française), le 12 septembre 2012, mais ce fut réalisé à l'anglaise : « je vous aime, moi non plus », en ce sens que si la situation se stabilisait, elle reverrait sa position dans un sens favorable aux Frères de cette obédience, qui, eux, ne sont pas déclarés « irréguliers ». (C'est ma lecture, mais lisez et faites-vous votre propre opinion :-)

 

Dans la foulée de la conférence de Baltimore, les Grandes Loges britanniques ont rétabli leur reconnaissance et échange de garant d'amitié avec la GLNF : pour la GLUA, ce fut fait le 12 juin 2014.

 

 

L'appel de Bâle

 

Pourtant les 5 Grandes Loges « régulières à l'anglaise», auteurs de l'appel de Bâle du 10 juin 2012, après avoir rompu de concert leur relation avec la GLNF le 14 septembre 2011. La GLUA et le GO-PB ne le feront qu'une petite année plus tard, le 12 septembre 2012. Ce même jour, les "5" appellent à la négociation autour de la GLdF! Voir l'appel du 12 septembre 2012 des 5 Grandes Loges.

 

Même si le secret des discussions sera parfaitement gardé, il y a des enchaînements qui, pour moi, trahissent les intensions. Je m'en explique ici.

La rupture commune, la création de la GL-AMF (avril 2011), l'appel de Bâle, l'entrée quasi immédiate de la GL-AMF dans les discussions montrent, selon moi, une intentionnalité déjà présente entre tous les acteurs depuis fin 2011. Ils ont véritablement ouvert la boite de Pandore.

 

Le jeu s'est-il dès lors ouvert en France pour les candidats à la reconnaissance anglaise ???

 

A mon avis, rien n'est moins sûr !

 

 

Les chiffres ... !

 

Regardons les chiffres, bien incomplets, j'en suis conscient, ils ne sont pas inintéressants.

 

Tout en sachant que le coeur à ses r... !

 

Qui sont ces 5 Grandes Loges continentales européennes « régulières à l'anglaise » qui appellent la GLdF à se lancer une nouvelle fois dans les fantasmes de cette "régularité à l'anglaise" ?

(Je prends les chiffres sur l'Europe, hommes et femmes, publiés par JP Bacot dans son livre "Les femmes en franc-maçonnerie en Europe", Ed Vega, 2009: ils valent ce qu'ils valent, d'autres existent qui sont assez équivalents!)

 

  • Belgique : GLRB: 1487 FF / sur 22 700 au total (FF & SS) (Notons qu'actuellement, la GLRB a repris quelques fausses couleurs avec des transfuges de la GLNF! En effet, fin 2013, ils annoncent une progression à 1800 membres. C'est temporaire et assez malsain compte tenu de la position en pointe de la GLRB dans la problématique internationale de l'obédience française. Parfois, dans les couloirs, j'entends l'appellation de "biz_nessBrother" concernant les nouveaux transfrontaliers! Mérité, immérité ?)

  • Luxembourg : GL du Luxembourg :?  5 loges dont 1 en anglais pour des anglais / en face: "10"+1 loges (GO du Luxembourg) + 2loges DH + ? ("10" car toutes ne sont pas luxembourgeoises : 2 loges se situent en Allemagne et une au Pays-Bas) ; +1 car la Loge créatrice du GO Lux s'en est détaché et se trouve actuellement au GOB).

  • Suisse : GL Suisse Alpina: 3500 FF /sur 4800 FF&SS (total). Notons la stagnation complète des effectifs et le vieillissement des membres de la GLSA depuis les années 1980.

    Cette stagnation est clairement indiquée par comparaison des données de JP Bacot donnant 3554 membres (vers 2006?) avec les données de 1990 publiées par l'opuscule des 150 ans de la GLSA donnant environ 3700 membres.

  • Allemagne : GLUs allemandes? : environ 12 000 FF  / en face une grosse dizaine ou plus ? de Loges FF &ou SS libérales (la maçonnerie allemande ne s'est pas relevée de la dernière guerre : c'est aujourd'hui quasi un désert maçonnique).

  • Autriche : GL Autriche: 2400???  FF (d'autres répertorient 4 loges???) / en face ??? mais cela semble équivalent.

 

Soit pour ces 5 obédiences réunies de la déclaration de Bâle: ~20 000 FF « réguliers » ...

 

Regardons d'autres GL "régulières" qui ne sont pas signataire de la déclaration de Bâle :

(chiffres trouvés sur internet et chiffres Bacot) :

 

  • Pays-Bas : GO des Pays-Bas, obédience solide qui vient du XVIIIème (1756), qui n'est pas partenaire de la déclaration de Bâle, et qui compte certainement beaucoup beaucoup pour les anglais: 6000 membres dans 150 ateliers. (selon Kent Henderson, en diminution de membres de 2,5 % l'an. Article publié dans AQC n°113 année 2001). En face, un millier de FF & de SS (soit proportionnellement le double de la GLRB en Belgique!)

  • Scandinavie : Il y a les loges scandinaves, … mais depuis l'affaire Brevik, cela se passe encore plus mal.

  • Espagne: GL d'Espagne 2500 FF / sur 3500 au total

  • Portugal: GLR du Portugal 1750 FF/ sur 4700 au total

  • Italie GLR d'Italie 3500 FF (GLRI)/ 30 000 FF (GOI)/ 50 000 au total. La situation italienne reste très confuse! (La GLUA reconnaît la GLRI, mais les maçonneries américaines plutôt le GOI tout comme Alpina par exemple.)

 

 

Le hold-up de la GLUA

 

Le "coup" de la GLUA, Grande Loge relativement isolée sur le continent européen avant guerre, concernant la "régularité", est réussi, il porte essentiellement sur l'Europe. Les chiffres sont assez impressionnants, même si de nouvelles Grandes Loges des pays de l'est s'y sont ajoutés depuis la chute du mur: (AQC, n°117, 2004)

 

  • 1950: 9 Grandes Loges européennes reconnues.

  • 2000: 27 Grandes Loges européennes reconnues

 

En Afrique aussi, les choses ont évolué, notamment grâce à la GLNF:

 

  • 1950: 1 Grande Loge reconnue

  • 2000: 11 Grandes Loges reconnues

 

Dans les autres parties du monde, il n'y a quasi pas eu d'évolution !!!

 

La conclusion s'impose. La Convention de Luxembourg de 1954 fut un tremplin pour le hold maçonnique européen du siècle, réalisé avec intelligence par la GLUA. (Cette Convention fut supprimée en 1959, le hold-up réussi !)

 

 

Les Constats

 

Premier constat : la GLNF, avant son éclatement, était plus importante que toutes les autres maçonneries "régulières à l'anglaise" continentales européennes réunies. 

 

Deuxième constat: l'universalité continentale européenne maçonnique est mieux réalisée avec les loges adogmatiques et plus encore avec l'ensemble de la maçonnerie dite "libérale" (au sens des Lumières du XVIIIème).

 

Troisième constat: le poids des loges adogmatiques/libérales est, sur notre continent, nettement plus importants que les "régulières à l'anglaise" et elles continuent leur progression.

 

Quatrième constat: si on enlève la Grande-Bretagne et les USA-Canada, la maçonnerie non reconnue par la GLUA (ce qui va bien au-delà des maçonneries adogmatiques/libérales) fait probablement jeu égal avec le reste du monde.

 

Cinquième constat: sauf il y a peu de temps la GLNF, toutes les GL « régulières à l'anglaise » sont en perte de vitesse.

 

 

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La notion extensible de la « régularité » !

Rédigé par Christophe de Brouwer

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M
Thanks for detailing some important information regarding the Grand Lodge of France. It is a nice decision taken by the supreme council to take such stand on these lodges. You have made a beautiful writing depicting all these and it was very useful for me.
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B
good info
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